Pour sortir du sous-développement, des pays comme la Grande-Bretagne, les Etats-Unis d'Amérique et la France ont adopté à leur début des politiques protectionnistes pour leurs industries naissantes mais aussi au niveau de leurs stratégies commerciales. De même pour la réglementation de l'Investissement direct à l'étranger, des droits de propriété intellectuelle et des d'entreprises publiques. Contrairement à ce qu'avancent les économistes néolibéraux, l'ère du protectionnisme a été fondamentale pour que ces pays passent à l'économie de marché et au libre-échange. Ce qui revient à dire que le développement économique de l'Afrique devrait passer par un ajustement structurel des politiques poursuivies. Il suffit pour cela de voir l'expérience des pays de l'Asie de l'Est tels que le Japon, la Corée du Sud et Taiwan, qui se sont développés en appliquant des mesures protectionnistes et interventionnistes. Impact du néolibéralisme Ceci dit, l'adoption du néolibéralisme par les pays africains sans y avoir été préparés a eu un impact négatif, voire «des résultats désastreux en Afrique», souligne M. Chang. En effet, en Afrique subsaharienne, le taux de croissance du revenu par habitant a chuté pour atteindre 0,3% entre 1980 et 2004 alors qu'il était de 1,6% dans les années 60 et 70. Le redressement que vivent certains pays africains, depuis quelques années, serait dû à l'envolée des cours des matières premières. «Mais en l'absence de stratégie industrielle systématique qu'exige le néolibéralisme, très peu de ces résultats positifs se sont traduits par la transformation structurelle et les améliorations technologiques nécessaires pour une croissance autonome», a insisté M. Chang. Pour lui, le climat, la géographie (l'enclavement et le «mauvais voisinage»), les tensions ethniques, la mauvaise qualité des institutions, la pauvreté en ressources humaines (essentiellement en compétences administratives) et la culture (la passivité et l'incapacité de coopérer) ne justifient nullement le retard de l'Afrique. Ces obstacles structurels, même les pays développés d'aujourd'hui les ont connus, même s'ils «donnent l'impression de n'y avoir jamais été confrontés, tout simplement parce qu'ils ont réussi à se développer et à acquérir les compétences technologiques, le sens de l'organisation et les institutions politiques nécessaires pour surmonter ces difficultés», a insisté le conférencier. Absence d'une politique stratégique Il est clair, donc, que l'échec du néolibéralisme serait dû à l'absence d'une politique stratégique de développement. Loin des spéculations sur les obstacles structurels qu'une majorité adopte pour justifier le retard de l'Afrique et qui ne substitue pas cela à l'échec des politiques néolibérales elles-mêmes. Bien que ces facteurs jouent un rôle dans le ralentissement de la croissance, ils ne sont nullement un handicap au développement. «De mauvaises conditions climatiques n'entraînent pas le sous-développement ; au contraire, l'incapacité d'un pays à surmonter les mauvaises conditions climatiques n'est qu'un symptôme du sous-développement», a expliqué M. Chang. M. Chang indique, toutefois, que les contextes nationaux des pays africains sont très différents de ceux des pays développés. «Les implications politiques précises à tirer de tel ou tel cas historique dépendront du contexte naturel, économique, social, politique et culturel spécifique à chaque pays et de ses objectifs, préférences et aspirations propres», a-t-il ajouté. Faire preuve d'imagination dans la mise en place de politiques efficientes serait le gage de développement pour les pays africains. Ajoutons à cela l'innovation qui joue un rôle fondamental dans la marche vers la croissance. Pour cela, il est indispensable d'avoir de la patience et un souffle assez long de la part des générations actuelles mais aussi des générations futures.