Pour survivre en cette période de crise aux conséquences incertaines, le textile tunisien, un des trois secteurs les plus exposés aux effets pervers de la crise économique, avec le tourisme et l'industrie des composants automobiles, est appelé à s'adapter aux nouvelles tendances émergentes. Ces tendances ont pour nom : individualisme (recherche de la distinction), hédonisme (plaisir de s'habiller), «rassurance» (quête de la qualité) et «reliance» (achat sur Internet). Plus simplement, le consommateur a tendance, aujourd'hui, à adopter un comportement responsable consistant à consommer moins mais mieux, à traquer la bonne affaire (soldes, ventes promotionnelles ), à préférer les circuits alternatifs (friperies ) et à faire, dans l'ensemble, des achats raisonnés. Désormais, les coups de cur sont bien finis en cette période de grisaille dont aucun économiste au monde ne peut évaluer, de manière précise ni l'ampleur ni la durée. Ces nouveaux comportements des consommateurs ont été développés largement par des experts de l'Institut français de la mode (IFM) lors d'un séminaire d'information organisé, jeudi 5 février 2009, sur le thème «textile-habillement : conjoncture et perspectives». Deux tendances émergent particulièrement : le respect de la mode et de l'écologie. La mode, une valeur sûre Dans cette grisaille imposée par la crise, le respect de la mode demeure une valeur sûre, voire une constante. Les consommateurs continuent à considérer la mode comme un facteur qui assouvit un plaisir, qui véhicule une image sociale et une volonté de jeunesse à laquelle les gens ne sont pas près à sacrifier. Ces consommateurs achètent mode même s'ils doivent surveiller étroitement le rapport plaisir/budget. Et la conséquence de ces stratégies d'achat a eu un impact réel sur les circuits de distribution. Les chaînes spécialisées qui commercialisent ces gammes sont les gagnants de la crise. Au rayon de la production, Mme Evelyne Chaballier, directrice des études économiques et prospectives à l'IFM a indiqué que les nouveaux comportements de consommation imposent aux industriels du secteur du textile-habillement de réajuster leur «curseur de production» vers les produits basiques de bonne qualité, respectueux de l'environnement et de la santé du consommateur. Selon elle, la démarche à suivre consiste à mettre en avant les avantages comparatifs en la matière, en l'occurrence, les «trois T» : traçabilité, transparence (origine du sous-traitant) et transport (proximité), relevant que la Tunisie, forte de sa proximité de l'Union européenne, le plus riche marché du monde, a «sa carte à jouer dans ce domaine». La dimension écolo Mme Nathalie Ruelle, professeur en Economie Industrielle, a analysé la tendance qui est en train d'émerger et qui va engendrer une nouvelle offre et de nouvelles pratiques. Il s'agit de l'irruption de la consommation responsable et de la mode éthique sur le marché textile. Les grands courants du moment ont été classés par catégorie : commerce équitable, commerce éthique (garantie du respect des conditions de travail), produits biologiques (production des matières premières sans intrants), respect de la terre (utilisation raisonnée des ressources, mode de production respectueux de l'environnement). La question est de savoir, toutefois, si la prolifération de ces niches constitue un grand marché. Selon Mme Nathalie Ruelle, une enquête conduite par l'IFM (1.000 consommateurs) a révélé le contraire. Seuls 16% des enquêtés en sont convaincus, 17% se déclarent tentés et 13% se disent ouverts à ces concepts. Pour elle, ce marché écolo reste en somme assez timide. Le plus important est que les clients reconnaissent acheter uniquement quand les produits sont jolis. Conséquence : la dimension écologique n'est pas l'élément qui prime dans la décision d'achat. Sur ce marché, disons émergent, l'experte IFM considère que la Tunisie, dispose de certains atouts dans ce volet. Les deux expertes ont tenu à souligner une autre tendance émergente en faveur de la Tunisie, la tendance des distributeurs et donneurs d'ordre à diversifier leur sourcing, et surtout, à privilégier le sourcing de proximité, ce qui augure à la zone euro-méditerranéenne un bel avenir en matière de co-développement, de complémentarité et de complicité.