Un dîner débat a été organisé récemment par la délégation de la Commission européenne avec l'IACE et les grandes entreprises tunisiennes autour du sujet «de la libération des échanges de services et de l'investissement». Ce thème vient relayer dans la logique de l'accord d'association entre l'UE et la Tunisie celui du démantèlement tarifaire des produits industriels lequel a été achevé depuis le 1er janvier de l'année 2008. Secteur et instrument de croissance Il faut bien reconnaître que le secteur des services a acquis une telle importance dans les économies modernes basées sur la connaissance. Il a ce double statut d'être autant le secteur que l'instrument de la croissance du futur. C'est la matière première de création de richesses dans la société de l'information et du savoir. L'immatériel prend définitivement ses quartiers et c'est un déterminisme historique. A l'examen de la structure du PIB on se rend à l'évidence. Plus des deux tiers du PIB européen, environ la moitié du PIB tunisien proviennent des services. On comprend que dans son appétit de croissance le secteur européen des services cherche une aire de développement supplémentaire. On comprend tout aussi aisément que le secteur tunisien veuille prémunir son pavillon national. La première attitude est logique. La seconde est légitime. Et les deux nourrissent un débat qui a déjà été initié depuis début 2008. Pour sa part l'UE souhaite achever le dossier en 2010 pour enfin voir fonctionner dans son intégralité la zone de libre échange EuroMed dont la Tunisie a donné l'étincelle initiatique pour avoir été le premier pays de la rive Sud à s'engager sur cette voie avec le partenaire du nord. Les initiatives tunisiennes sur la voie de la libéralisation Les échanges de services entre l'UE et la Tunisie sont avancés surtout dans le tourisme et le transport. Ils se sont également étendus aux services financiers avec la banque et les assurances. Le pays a joué avec une certaine résolution la carte de l'ouverture en dépit de l'asymétrie qui avantage le partenaire européen. Pour le tourisme, à titre d'exemple, les TO en possédant la distribution et en régentant le transport aérien exercent un ascendant sur l'hôtellerie et «commandent», d'une certaine façon, son chiffre et sa marge. Malgré tout, la Tunisie a libéré son ciel depuis le début 2009. En matière de transport maritime, le fret et le TIR sont majoritairement dominés par les compagnies européennes. Mais le pays n'a pas hésité à investir en infrastructure portuaire avec le port en eaux profondes d'Enfidha. Les relents européens de frilosité Cependant, quand on évoque la libéralisation des échanges de services en contexte de crise, cela fait remonter en surface l'impact des comportements des uns et des autres. L'accord d'association reposait bien sur quatre libertés dont la liberté de circulation des personnes et celle-ci hélas ne sera pas au rendez-vous. Les enseignements de la crise ont été un petit peu amers. On a vu des Etats européens vouloir contrarier les mouvements de délocalisation industrielle vers le sud. Ouvrir et libéraliser sans avoir en retour, l'investissement et l'emploi et par conséquent la croissance deviendrait dans ce cas, plus un acte d'héroïsme qu'une décision économique réfléchie. L'assistance financière européenne dans le cadre du PMI n'a pas échappé à ce «favoritisme». Elle était assortie de certaines clauses contraignantes lesquelles privilégiaient l'emploi d'experts européens en priorité. Ces relents de frilosité ne sont pas tout à fait opportuns; alors comment les dissiper ? Un accord «gagnant-gagnant» A devoir s'inspirer de l'expérience de libéralisation des échanges industriels, on s'attendrait donc à un plan de mise à niveau pour le secteur. Et évidemment cela ramène à la question de la compensation financière. En matière d'industrie, la contribution européenne a été parcimonieuse. A titre d'exemple, l'aide par tête d'habitant pendant la période 2004-2006 a été de 5,9 euros pour les pays du Sud dont la Tunisie et de 500 euros pour les PECO qui avaient rallié l'UE. La libéralisation s'adosse, de toute évidence, à une démarche gagnant-gagnant. Il faudrait que tout le monde s'y retrouve. C'est bien naturel. A l'issue de cette rencontre, l'ambassadeur de la Commission européenne a bien voulu répondre à nos questions.