Ces même Allemands, obnubilés avant d'autres nations européennes par les notions d'économie verte, ont à travers le think tank Club de Rome initié le consortium Desertec. Un projet titanesque qui permettrait, selon ses fondateurs composés d'entreprises germaniques, de construire d'immenses centrales solaires thermiques dans le Sahara et au Proche-Orient, et les relier aux réseaux électriques de plusieurs pays d'Europe et du Bassin méditerranéen afin de les alimenter. Objectif : réduire les émanations du CO2, diminuer le recours et la dépendance aux énergies fossiles ainsi que la part du nucléaire dans la production énergétique. C'est donc au projet Desertec, l'énergie propre du désert, comme un défi pour la coopération régionale et l'Union pour la Méditerranée (UPM) qu'a été consacrée la conférence internationale, tenue lundi 23 novembre à Tunis et organisée par le Club de Rome, le CJD (Centre des jeunes dirigeants) et la fondation Konrad Adenauer. «Si l'on continue à abuser autant des ressources de notre planète, il faudrait, en 2050, 3 planètes Terre pour pouvoir satisfaire à nos besoins énergétiques», a déclaré Max Shoen, un des fondateurs allemands du Club de Rome et figurant parmi les initiateurs du projet Desertec. D'où la nécessité vitale pour une exploitation plus rationnelle des ressources de la planète et le recours à d'autres sources d'énergie, plus coûteuses dans un premier temps mais plus soucieuses de préserver les équilibres naturels. La Tunisie, a affirmé Ayadi Ben Aissa, PDG de l'ANME (Agence nationale de maîtrise de l'énergie), adhère de manière inconditionnelle à tout projet permettant de réduire sa dépendance aux énergies fossiles et de recourir aux énergies propres et renouvelables. D'autant plus que, tout au long de ces dernières années, l'on a assisté, dans notre pays, à un accroissement de la demande énergétique au vu du développement industriel dans une instabilité notable du marché pétrolier. Huit pourcent des ressources énergétiques en 2007 en Tunisie ont été produits par l'énergie solaire. L'objectif d'ici 2011 est d'atteindre 20% de la consommation totale du pays en énergie. D'ailleurs, les différentes orientations stratégiques du pays plaident pour une exploitation de plus en plus importante des ressources solaires disponibles tout au long de l'année dans le pays. Différents sites ont d'ores et déjà été identifiés pour l'installation de centrales thermosolaires. Une démarche adaptée du plan solaire tunisien exige un investissement de 2 milliards d'euros sur la période 2010/2011. Il comprend 40 projets dont 17 axés sur l'énergie solaire et éolienne. Sans parler des projets privés qui peuvent, pour leur réalisation, bénéficier de lignes de financement de la Banque mondiale. Performance globale et dimension environnementale Dans un contexte planétaire dans lequel la surexploitation des ressources naturelles de la planète risque de mettre en péril la survie même de l'homme, il devient urgent de re-réfléchir l'économie et de trouver des solutions aptes à préserver les acquis de l'Homme et à les pérenniser. «Mettre l'économie au service de l'homme implique la mise en uvre d'une mission, celle fondée sur le concept de la performance globale qui associe inéluctablement à la performance économique de l'entreprise, une dimension sociale, sociétale et environnementale. Le CJD considère que l'entreprise ne peut pas être animée par la seule logique économique sous peine de tarir ses richesses», a déclaré Slim Ben Ammar, président du Centre des jeunes dirigeants, à l'ouverture de la conférence. Si le projet Desertec se réalise, il fournira 15% des besoins énergétiques de l'Europe d'ici 2050 et sera à l'origine du développement du plus vaste champ de panneaux solaires du monde, exploitant ainsi à l'infini les ressources illimitées de l'énergie solaire que recèle le Sahara. Mais sa concrétisation nécessitera un investissement de près de 400 milliards d'euros (dont 350 milliards d'euros rien que pour les méga-installations solaires). Les pays du Sud ont-ils les moyens d'investir autant ? Les pays du Nord ont-ils la volonté de payer un prix aussi cher pour des énergies propres ? Plusieurs scénarios sont envisagés. Les pays européens seront prêts à injecter une part des fonds. Dans le Sud, on pense à subventionner une part du projet par les revenus à l'export. Pour l'instant, le projet Desertec suit son bonhomme de chemin, nonobstant le retard enregistré au niveau d'un projet tout aussi important, dans le sillage duquel il a voulu progresser, celui de l'Union pour la Méditerranée (UPM). Mais comme l'a dit l'un des participants allemands, «le changement climatique n'attend pas les initiatives politiques, alors faisons des projets et laissons aux politiques le soin de faire les discours».