A l'occasion du déroulement de la Coupe d'Afrique des Nations en Angola, Jazira Sports, détentrice, depuis la fin du mois d'octobre 2009, des droits sportifs d'ART, a exigé de la télévision tunisienne le versement de 10 millions de dollars (les Tunisiens ont proposé 3 millions de dollars, soit le 1/3 du fonctionnement de notre TV) pour la retransmission de 10 matchs de la compétition panafricaine. Après d'âpres négociations, la veille du coup d'envoi de la première rencontre entre le Mali et l'Angola, l'offre du mastodonte télévisuel arabe, autrefois pourfendeur des situations de monopole ! est revue légèrement à la baisse, assortie cependant d'autres conditions qui visent à faire main basse sur le championnat, la coupe, la vie de la sélection nationale et de l'équipe olympique du pays. Au fait, il s'agit d'une proposition équivalente à 15 millions de dollars, ce qui dénote d'un manque de volonté d'un interlocuteur soucieux de mettre la pression, de jouer la carte des opinions publiques, de tout temps vissées au destin des équipes nationales et d'installer de nouveaux rapports de force dans la région. De toutes les manières, les nouvelles demandes de la station de Doha relèvent de la Fédération tunisienne de football et non pas de la télévision nationale, privée, elle-même, cette année, du droit de transmettre les matchs de coupe à la suite de l'OPA d'Hannibal TV. D'un autre côté, au meilleur des cas, affirment certains analystes sportifs, la sélection nationale empochera, grâce à sa participation au spectacle de la coupe d'Afrique des Nations, 3 millions de dollars, ce qui n'empêche pas El Jazira sports de réclamer à notre pays la bagatelle de 10 millions de dollars Dans ce contexte, il est honteux d'entendre Hichem El Khalsi, speaker tunisien à Jazira Sports, proférer, avant le match d'ouverture de ce grand rendez-vous africain, des contre vérités, accusant implicitement les pouvoirs publics de notre pays de mauvaise volonté en mettant sur la table des sommes dérisoires, en deçà des montants proposés et des sacrifices financiers de la nouvelle CNN des Arabes, de désistement et d'indifférence vis-à-vis de l'événement en question. D'après lui, ses mentors souhaiteraient faire plaisir aux téléspectateurs tunisiens et offrir gratuitement la retransmission des matchs (sic), seulement, ajoute notre confrère la faute est aux sociétés détentrices des droits qui mettent en demeure El Jazira sports de crypter. Comment se fait-il, dans ce cas-là, après avoir empoché l'argent, on ne parle plus d'interdit et l'illicite devient tout à coup licite. Eh ! Oui, «winek ya sacrifices». Hautain, l'ex-animateur de notre télévision nationale, tout heureux de parler, dit-il, au nom de ses patrons, n'a pas hésité à jeter la balle dans le camp tunisien, à pervertir la nature des négociations en cours et à parer la chaîne qatarie de toutes les vertus de la patience, de l'altruisme et de la générosité, se permettant même le luxe de tourner en dérision notre chaîne nationale, soupçonnée de désinvolture et de légèreté en essayant d'acheter au rabais. C'est à la limite de l'indécence et de l'opportunisme. Comme il est loin le temps où Fayçal El Kacem, présentateur vedette de la station qatari, fustigeait «l'impérialisme» d'ART, clouait au pilori les tendances hégémoniques de Cheik Salah El Kamel, incompatibles, disait-il à l'époque (c'était en 2006 pendant une émission en direct à l'occasion de la Coupe d'Afrique des Nations en Egypte et de la Coupe du monde en Allemagne), avec le droit des téléspectateurs arabes de jouir des compétitions internationales et promettait, d'une manière solennelle, au nom de ses employeurs, la gratuité des transmissions sportives le jour où El Jazira aura damé le pion à sa rivale. Avec le résultat que l'on sait. Démagogie quand tu nous tiens D'ailleurs, à l'image de la Tunisie, en butte aux exigences maximalistes de ce nouveau géant de l'audiovisuel, Le Caire, par la voix de Oussama Cheik, président des télévisions égyptiennes, a annoncé, vendredi dernier, l'échec des pourparlers avec El Jazira Sports, accusée dans une conférence de presse de profiter de l'événement panafricain pour dicter des conditions exorbitantes, mettre à genou les responsables sportifs du pays et priver les masses du pays du Nil de suivre le parcours de leur équipe nationale en Angola. Quand le sport interfère avec la politique Apparemment la tentation était grande pour la chaîne El Jazira, dont la stratégie, depuis son lancement, est la monopolisation de l'information politique et sportive dans le monde arabe, de régler de vieux comptes. Principal levier diplomatique de la famille régnante à Doha, la station n'hésite pas à utiliser actuellement le sport pour mieux positionner l'Emirat dans les relations interétatiques, le présenter en interlocuteur incontournable des puissances régionales et mettre en relief le long bras du Qatar dans les domaines névralgiques. Ainsi donc le destin et le devenir du sport africain se décident maintenant en Asie, au sein d'une monarchie du Golfe, pleine aux as, insensible aux plaidoiries des nations dont la seule richesse est de disposer de ressources humaines à même de charrier le progrès et de poursuivre la longue marche du développement. Finalement, l'Association des télévisions et radios arabes (ASBUU) serait inspirée de sortir de sa léthargie et d'assumer pleinement son rôle, en négociant, dans de pareilles circonstances, au nom de tous les Etats membres afin d'éviter des désagréments et des déceptions aux opinions publiques et d'opposer aux prédateurs de l'audiovisuel un front uni, seul à même de raisonner les éventuels Cassandre. Et pour finir, les Tunisiens s'interrogent sur la crédibilité d'ART qui a annoncé, depuis des mois, lors de la vente de ses cartes, la diffusion de la coupe d'Afrique des Nations et de toutes les compétitions internationales (y compris la Coupe du monde). En négligeant les droits de ses clients pendant la transaction avec El Jazira Sports, la chaïne de Cheik Salah El Kamel n'a pas tenu ses engagements vis-à-vis des pouvoirs publics qui lui ont permis la commercialisation de son produit sur la base de son offre de départ et lèse totalement ses abonnés, en position désormais de réclamer des dommages.