Les entités, comme les individus, ont parfois besoin de s'affronter pour apprendre à mieux se connaître et, ainsi, établir des règles de jeu claires. Tunisie Porcelaine (groupe Les Orangers, contrôlé par M. Abdelhamid El Khechine, et Stecom du groupe Mohamed Driss) se sont affrontées, durant l'année 2008, en portant chacune plainte contre l'autre devant le Conseil de la Concurrence. STECOM (Société Tunisienne d'Equipement Collectif et Ménager) est la première à soumettre une plainte, le 4 mai 2006. Elle y accuse «Tunisie Porcelaine» d'abus de position dominante, après que cette dernière ait refusé de lui vendre directement de la porcelaine et l'ait invité à s'approvisionner auprès de la Société des Equipements Hôteliers et d'Articles Ménagers et Industriels, une autre filiale du groupe «Les Orangers». Tunisie Porcelaine accepte par la suite d'approvisionner STECOM directement, mais cela n'empêchera pas cette dernière de l'accuser de se livrer à des «pratiques discriminatoires entravant la concurrence». Toutes accusations rejetées par la défense de Tunisie Porcelaine qui assure qu'elle n'a pas de monopole «de fait», ne bénéficie pas de position dominante et n'essaie pas d'empêcher l'entreprise plaignante de se maintenir sur le marché de la porcelaine. Après la confirmation de ces affirmations par le rapport de fin de l'enquête ordonnée par le Conseil de la concurrence et par le représentant du gouvernement et la conclusion d'un arrangement amiable entre les deux parties, STECOM a décidé de retirer sa plainte. Mais cette société du groupe Driss s'est-elle résolue à cela après que Tunisie Porcelaine ait, elle aussi, introduit une plainte contre elle devant la même instance ? Probablement. En effet, le 3 juillet 2006, cette société dépose devant le Conseil de la concurrence une plainte dans laquelle elle demande de soumettre à expertise les importations de son accusateur. Tunisie Porcelaine a pris cette initiative, explique-t-elle dans sa requête, après que l'analyse d'échantillons de porcelaine fabriquée par la «Société Egypto-Allemande de Porcelaine», sous la marque «Ambassador», et exposés durant l'édition 2006 de «SIHER», ait révélé selon elle qu'il s'agissait d'une contrefaçon de son modèle «Volute» protégé et enregistré à l'INNORPI. De surcroît, ces échantillons ne contiendraient pas, selon la plaignante, d'Email de Limoges, «contrairement aux mentions légales». STECOM réfute bien sûr ces accusations en affirmant que l'importation se limitait à quelques échantillons pour les présenter durant le salon, la matière première utilisée est bien celle mentionnée, et que le modèle Ambassador a été développé en 1990, c'est-à-dire bien avant la mise au point (en 1995) de celui de la société plaignante. Et répondant du tic au tac, STECOM déclare que, par sa plainte, Tunisie Porcelaine n'a qu'un objectif : «continuer à exploiter la position dominante qui est la sienne depuis plus de 20 ans en s'opposant à l'importation de porcelaine devenue désormais libre». Les deux sociétés étant parvenues à un arrangement à l'amiable sous la houlette du ministère du Commerce et de l'Artisanat, le Conseil de la concurrence n'a pu que déclarer l'acceptation des demandes de retrait des deux plaintes.