Après le pétrole et diverses autres ressources minérales, le solaire en particulier et les énergies renouvelables, d'une façon générale, sont-ils en train de devenir un nouvel enjeu stratégique? Si le doute était jusque-là un tant soit peu permis, il ne l'est plus aujourd'hui, et notamment depuis ce mois de décembre 2010. Car après l'Allemagne (Desertec) et la France (Transgreen), le Japon vient de se lancer dans la bataille pour le contrôle de ce secteur naissant et Oh combien vital que sont les énergies renouvelables. Pour ce faire, le pays du Soleil Levant a choisi de placer sa contre-attaque dans les trois pays du Maghreb Central (Maroc, Algérie et Tunisie). Un choix qui n'est pas fortuit: le Maghreb est, avec le Moyen-Orient, l'une des régions ayant le plus grand potentiel pour devenir une «usine» d'énergies renouvelables; et les trois pays précités sont les plus avancés dans ce domaine. Tokyo a bien choisi le timing de sa contre-attaque lancée dans le sillage du deuxième forum économique arabo-japonais (Tunis, 11-12 décembre 2010) couronné par une «Déclaration de Tunis» dans laquelle les deux parties ont «souligné l'impératif d'approfondir l'entente et de promouvoir l'échange entre elles en vue d'utiliser tout leur potentiel pour développer les relations économiques dans leur intérêt mutuel», «exprimé la volonté de coopérer sur la base du principe de l'intérêt mutuel dans les domaines du pétrole et du gaz naturel aux niveaux de la prospection, du forage et de l'extraction ainsi que des réseaux de distribution» et «mis l'accent sur l'importance de promouvoir les projets dans le domaine de l'énergie renouvelable en tant que moyen efficace permettant de répondre à la demande mondiale d'énergie sans cesse croissante». Concrètement, le Japon propose à ses trois partenaires maghrébins de se joindre à un projet, baptisé «Sahara Desert Project» et visant à faire du désert du Sahara, le plus grand au monde, un parc de centrales solaires pouvant satisfaire la moitié des besoins du monde en électricité à l'horizon 2050. Développé dans le cadre de l'International Research Project on Global Issues par la Japan Science and Technology Agency (JST) et la Japan International Cooperation Agency (JICA), ce projet est dirigé par le professeur Hideomi Koinuma, du Tokyo Institute of Technology (Ceramics Materials & Structures Laboratory) qui collabore avec d'autres institutions universitaires nippones (Hirosaki University, Tokyo University, Chubu Universtiy, etc.) Outre le travail sur les «challenges attendus» et la démonstration de la viabilité du projet, «Sahara Desert Project» -que le professeur Hideomi Koinuma appelle Super Apollo Project- vise également à construire dans le désert une usine de Silicon à partir de silice de sable à utiliser dans la fabrication de panneaux solaires, et ces panneaux serviront à produire de l'électricité pour fabriquer encore plus de panneaux, et ainsi de suite. Les trois pays du Maghreb Central ont été approchés en même temps. L'Algérie, qui a renoncé à adhérer au projet Desertec- et où la JICA a eu le 14 décembre 2010 des discussions avec le Centre de Développement des Energies (CDER, Algérie), semble enthousiasmée par le projet japonais. Deux jours plus tôt, l'Organisation Japonaise pour le Développement des Energies Nouvelles et des Technologies Industrielles (NEDO) concluait à Tunis deux accords de coopération dans les énergies renouvelables, l'un avec la Société Tunisienne de l'Electricité et du Gaz (STEG) et l'Agence Marocaine de l'Energie Solaire, représentée par le président de son directoire, Mustapha Bakkoury. Et dès le lendemain, 15 décembre 2010, Professeur Hideomi Koinuma passait à l'acte à Tunis en créant une société à responsabilité limitée baptisée Sahara Solar Breeder Foundation International, ayant pour vocation l'audit et l'expertise énergétique.