A l'éclatement de la pandémie Covid-19 en Tunisie, le ministère de la Santé a fait appel à toutes les ressources humaines médicales disponibles afin de faire face à la crise sanitaire. De jeunes médecins ont été envoyés au front dans des hôpitaux publics sans protection adéquate, sans arsenal, et sans contrepartie, aucune, du moins pour le moment. Le président de l'Organisation tunisienne des jeunes médecins (OTJM ), Jed Henchiri, a, d'ailleurs remis l'affaire sur la table mercredi 26 août 2020 dénonçant, sur son profil Facebook, les manquements du ministère de la Santé en ce qui concerne la régularisation de la situation des jeunes médecins. “Les praticiens spécialistes des hôpitaux universitaires n'ont pas perçu de rémunération sur les heures de permanence qu'ils ont observées pendant la pandémie. Les internes spécialisés dans la médecine de famille n'ont pas reçu la totalité de leurs salaires. Quant aux internes, piliers des hôpitaux publics, ils ne sont même pas pris en considération. Aucun salaire ne leur a été versé, ni pendant ni après le Covid. Ca fait cinq mois que les médecins - recrutés sur contrat par le ministère de la Santé -, n'ont pas été payés. Comment se déplacent-ils? Comment font-ils pour se nourrir ? Dieu seul sait!”, a-t-il écrit sur son profil Facebook.
Les raisons avancées par le ministère ? Des lenteurs administratives, a expliqué Jed Henchiri, dans une déclaration à Business News. “Quand plusieurs médecins se sont éclipsés avec l'éclatement de la pandémie, l'Organisation tunisienne des jeunes médecins a fait appel à ses adhérents et nous avons convenu avec le ministère de la Santé de collaborer sous contrat de quatre mois renouvelables moyennant un petit salaire inférieur à la rémunération d'un médecin interne. Quand nous avons réclamé notre paye, nous nous sommes heurtés à des tergiversations de la part des autorités qui, d'ailleurs, prétextent des lenteurs administratives”, a-t-il avancé. Au total, deux cent médecins sont actuellement sans salaire, selon Jed Henchiri.
Début mai, alors que la pandémie sévissait en Tunisie depuis deux mois, le ministère de la Santé avait déjà reçu sur la caisse 1818 - un fonds alloué entièrement à la lutte contre le Coronavirus -, 198,3 millions de dinars. Les détails des dépenses jusqu'alors engagées par le ministère de la Santé ont été dévoilés, par Mounir Romdhani, le chef du cabinet de l'ancien ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, lors d'un point de presse tenu le 9 mai. Mounir Romdhani a annoncé, à l'époque, que pour pallier le manque de personnel soignant, le ministère de la Santé comptait recruter des praticiens contractuels et qu'un montant de 5,6 millions de dinars allait être alloué aux rémunérations de ce personnel d'appoint sur une période allant de quatre à huit mois. Les fonds alloués aux salaires étaient donc et sont toujours disponibles à moins qu'ils n'eurent été dépensés ailleurs et non pour payer les jeunes médecins recrutés tel qu'initialement prévu. Il convient de noter que le ministère des Finances, ayant ordonné la création du fonds 1818, a la charge de débloquer les budgets dont le ministère de la Santé a besoin.
La Cour des comptes, en sa qualité d'institution supérieure de contrôle des finances publiques, assure, de son côté, le suivi et le contrôle des ressources et dépenses du Fonds 1818, notamment les marchés et les consultations publiques engagées dans le cadre de l'effort national de lutte contre la pandémie. Un autre jeune médecin résident - actuellement en volontariat à l'hôpital de Nabeul - a de son côté assuré, à couvert d'anonymat dans un témoignage à Business News, qu'il avait justement choisi de se “porter volontaire plutôt que de signer ce genre de contrat caduc”. “Le paiement dans ce genre de situation peut se faire jusqu'à un an, un an et demi plus tard. En 2018, de jeunes médecins ont observé une grève d'une quarantaine de jours pour réclamer un statut légal. Car oui, nous exerçions et opérions des patients dans les hôpitaux sans statut. Les grévistes n'ont été ensuite payés qu'au terme de leur année d'internat et avec des sommes variables, même au sein du même service”, a-t-il affirmé. “Quand je vois la situation socio-économique précaire de certains confrères auxquels le ministère refuse ce droit, je ne ressens que rage et mépris”, a-t-il ajouté, soutenant que “certains se sont retrouvés à puiser dans leur découvert à la banque alors qu'ils ont des prêts à rembourser et des enfants à charge”.
La rédaction de Business a sollicité, à plusieurs reprises, le ministère de la Santé à ce sujet mais aucune réponse n'a pu être obtenue auprès du service de communication.
Il convient de rappeler que la Tunisie a enregistré une recrudescence de la pandémie Covid-19 depuis la réouverture des frontières le 27 juin. Plusieurs foyers de contamination se sont déclarés dans certaines régions du pays, notamment dans la ville de Gabès dans le sud du pays. Jusqu'au 26 août, 3206 cas Covid+ ont été recensés dont 2005 après la réouverture des frontières. Sur ces 2005 cas, 509 sont importés et 1485 sont locaux.