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Génération engloutie
Publié dans Business News le 07 - 10 - 2020

Nos parents ne nous ont pas appris à faire attention aux trous sur le trottoir et dans la rue. Ils auraient dû pourtant. Qui aurait pu prévoir que ces trous allaient nous aspirer pour nous trainer dans les tréfonds des égouts, là où est placée toute la considération qu'on nous porte.

Farah est le nom de toute une génération. Cette génération qui a brandi des jasmins et qui n'a récolté que des ordures. Haute comme trois pommes, le sourire aux lèvres, et des rêves plein les yeux, Farah se battait pour vivre. Ou pour survivre, plutôt, dans ce pays qui ne lui aura laissé aucune chance.
« Ma fille avait faim, mais elle a aujourd'hui l'estomac rempli de l'eau des égouts », arrive à prononcer sa mère, sous le choc, avant de fuir ces médias qui auront eu l'indécence de l'interroger en des moments aussi sombres. Sa fille avait 11 ans. L'âge de la révolution. Son corps aura passé deux jours coincé dans les égouts avant de finir par être retrouvé.

A qui incombe la responsabilité ? Facile de s'en dégager. Les autorités qui ont eu, pour l'instant, la décence de s'exprimer, n'assument rien. La municipalité parle d'un accident et dit que c'est clairement la faute de l'Onas et la délégation de protection de l'enfance rejette la faute sur les parents. Le gouvernement promet des réparations et exprime sa tristesse.
Autant dire qu'une bouche d'égout ouverte dans un endroit accessible aux citoyens est une chose avec laquelle il faut composer. Un risque à prendre lorsque l'on sort dans la rue. Cela fait partie des aléas de la vie. Tout comme les câbles électriques nus, les trottoirs inexistants et les travaux sans aucune signalisation. Un fâcheux accident, nous dit-on. Mais un accident qu'on aurait pourtant pu facilement éviter…

2020, 11 ans après la révolution, on en revient à rappeler l'essentiel. Il est nécessaire de maintenir les citoyens en vie. De ne pas laisser les bouches d'égouts béantes au risque d'engloutir quelqu'un. Démontrer l'évidence requiert aujourd'hui une énergie folle, une énergie dépensée à se battre contre un mélange létal d'incompétence et de mauvaise foi.
Au lieu de construire, on en revient aujourd'hui à bâtir des bases qui auraient déjà dû être construites depuis bien longtemps. Faudra-t-il à chaque fois que des gens meurent pour que l'on puisse enfin regarder les choses en face ? Qu'une pandémie frappe le pays de plein fouet, pour que l'on se rende (enfin) compte que notre infrastructure sanitaire et nos hôpitaux publics manquent de tout ?
Le cas de Farah est loin d'être isolé. Il fait partie d'une triste série d' « accidents » comme les autorités aiment les appeler pour fuir toute responsabilité. Il y a un mois, à Jendouba, une petite fille de l'âge de Farah a été engloutie par les égouts alors qu'elle tentait de traverser une rue inondée par les pluies.
En 2019, un tragique accident de bus survenu à Amdoun (Béja) fait 30 morts et plusieurs blessés. En majorité des jeunes partis en excursion.
La même année, 15 bébés sont morts au centre de néonatologie de la Rabta (Tunis) à cause d'une infection nosocomiale.
En 2018, deux jeunes filles ont péri dans un incendie survenu dans un foyer pour collégiennes à Thala (Kasserine). Les investigations montrent plusieurs défaillances.

Des enquêtes ont été ouvertes pour délimiter les responsabilités et des commissions parlementaires créées pour en discuter en long et en large. L'erreur humaine est clairement pointée du doigt et les défaillances mises à nu, mais, en attendant, rien n'aura changé.
Difficile de savoir qui est responsable de quoi dans un Etat en pleine déliquescence. Alors que le sommet du pouvoir parle de complots et de menaces ourdies dans l'ombre, que les ministres refusent les instructions de leur chef de gouvernement, que les députés s'entretuent pour savoir qui porte le mieux les intérêts du petit citoyen, l'essentiel se perd.
Les choses sont pourtant très simples, mais comment penser à l'essentiel alors que les préoccupations sont ailleurs ? Comment se concentrer sur les intérêts du petit citoyen lorsque l'Etat fout le camp ?

Si les Tunisiens se montrent de plus en plus méfiants envers les autorités, on ne peut clairement pas leur en vouloir. La confiance entre l'Etat et les citoyens n'est pas une chose « naturelle », elle ne va pas de soi. Elle se construit et s'alimente chaque jour. L'Etat n'a pas cessé de montrer – et de prouver – qu'il n'est pas digne de confiance et qu'il n'accorde que très peu de considération aux intérêts du petit citoyen. Dans le meilleur des cas, soit il n'a pas réellement le pouvoir d'arranger les choses, soit il s'en contrefiche.
Dans un bourbier de responsabilités floues et multiples, de prérogatives qui se chevauchent, il devient plus que jamais facile de fuir ses responsabilités et de rejeter la faute sur d'autres. Pourquoi s'en priver ? Le pouvoir est de toute façon tellement éphémère et volatile qu'on ne pourra pas lui en tenir rigueur au moment de rendre des comptes. « Ce n'est pas ma faute, c'est celle de dizaines d'années de laxisme avant moi ».

Après la mort (tragique) de Farah, les bouches d'égout de Bhar Lazreg ont été recouvertes 48h après l'accident. Il aura fallu une vie humaine pour qu'un travail aussi simple soit enfin accompli. D'autres bouches d'égouts restent béantes partout dans le pays et elles finiront par nous engloutir….


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