S'il est un recrutement qui semble plus que nécessaire aujourd'hui à la Kasbah, ce serait celui d'un conseiller politique chevronné pour guider Hichem Mechichi dans ce monde sauvage dont il ignore tout. Avec ce qui s'est passé hier, M. Mechichi a dû de se rendre compte qu'il ne suffit pas de s'intéresser à la chose politique pour s'en sortir, comme il l'avait dit dans son interview dans un demi-sourire. La double claque reçue par la Kasbah, venant de l'ARP et de Carthage, devrait lui faire comprendre qu'il n'est pas guidé par les bonnes personnes et qu'il a bien plus à perdre qu'à gagner dans ce genre d'affaires. Il s'est rendu complice de son « coussin » politique en retirant le projet de loi sur l'audiovisuel, laissant ainsi la voie libre au projet d'amendement scélérat proposé par Al Karama. Finalement, l'amendement n'a même pas été discuté et la séance plénière a été renvoyée sine die. Un vrai conseiller politique auprès de Hichem Mechichi lui aurait conseillé de ne pas s'impliquer dans cette affaire car au mieux, si cet amendement passait, il se mettrait à dos l'ensemble des médias du pays, et que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Un vrai conseiller politique lui aurait fait comprendre que l'aubaine serait trop bonne pour Kaïs Saïed afin de le remettre, lui particulièrement, à sa place et pour le désavouer publiquement, mais d'une manière subtile cette fois. Un vrai conseiller politique lui aurait dit de ne pas se jeter dans la gueule du loup, à peine un mois et demi après sa prise de fonctions et que Rached Gahnnouchi, Nabil Karoui et Seif Eddine Makhlouf ne lui veulent pas que du bien et qu'ils seront les premiers à le flinguer le jour où leurs intérêts respectifs leur commanderont de le faire. La vraie mission de ce conseiller politique serait en réalité de travailler sur la longévité de Hichem Mechichi au poste de chef du gouvernement. Il devra lui apprendre comment naviguer dans les eaux troubles dans lesquelles il a choisi de plonger. Entre un « coussin » politique qui exige un retour d'ascenseur et un président de la République qui ne ratera aucune occasion pour le détruire, le conseiller devra l'aider à manœuvrer intelligemment. Ce conseiller aurait l'intelligence de lui dire qu'il a déjà assez d'ennemis comme ça pour en rajouter d'autres, et que l'accès à l'opinion publique du pays ne peut se faire qu'à travers les médias et qu'il est suicidaire d'entamer sa présidence par un coup de poignard dans le dos de la presse libre. Ce conseiller aurait également la difficile mission de sortir cet énarque de ses carcans et de lui apprendre l'art de la nuance et de la manœuvre. Il lui apprendrait également qu'on ne gagne pas une guerre sans alliés, et qu'il y a une différence énorme entre alliance et soumission. Il lui montrerait également que le soutien politique qui lui est exprimé aujourd'hui ne saurait être durable compte tenu du jeu des alliances et des équilibres du pouvoir.
En moins de deux mois d'exercice, Hichem Mechichi a montré qu'il était complétement étranger à la chose politique. Apparemment, ce serait une qualité, selon le président de la République qui l'a choisi. Mais dans la vraie vie, il faut s'y connaitre un minimum pour occuper efficacement la tête du pouvoir exécutif en Tunisie. Si Hichem Mechichi s'y connaissait un peu en politique, ou s'il avait un bon conseiller à ses côtés, il n'aurait pas survolé aussi légèrement l'affaire Wadii Jari et Chebba, avec tout ce que cela a provoqué. N'en déplaise à certains, le football est une affaire profondément politique en Tunisie. Ne pas y prêter attention serait, au mieux, étaler son ignorance devant le grand public. Si Hichem Mechichi s'y connaissait un peu en politique il saurait que rendre des services aussi grotesques à Qalb Tounes, Al Karama et Ennahdha ne serait pas du tout apprécié vu de la place Mohamed Ali, siège de l'UGTT. Il saurait que cette belle équipe du « coussin » est une collection de ce que l'UGTT déteste, et qu'il faut, au moins, prendre cela en considération surtout avec cette année sociale qui s'annonce bouillante. Faire la carpette et se rendre complice d'une tentative de meurtre de l'audiovisuel tunisien ne passera évidemment pas sans conséquences pour ce qui est de la relation avec la centrale syndicale.
Le choix d'avoir un chef de gouvernement apolitique paraissait être une bonne idée. Mais c'est une fausse bonne idée comme l'ont montré les péripéties de la formation du gouvernement, de l'octroi de la confiance et les premières décisions prises. Hichem Mechichi peut éventuellement être un super administrateur, un prince du parapheur, mais il lui manque une composante essentielle pour faire son job : la fibre politique. Tant qu'il n'aura pas acquis un peu de coffre politique, sa nouvelle Troïka l'usera très vite, et sera la première à le lâcher, si leurs intérêts le dictent.