Lundi 31 août 2020, le président de la République, Kaïs Saïed réunit les représentants des partis politiques pour examiner la situation politique actuelle dans le pays, à la veille de la plénière qui devait déterminer le sort du gouvernement Mechichi le lendemain. Durant cette réunion, Kaïs Saïed a souligné qu'il n'est pas question d'accorder sa confiance au gouvernement, pour décider, par la suite, de le remanier, peu de temps après le vote. Il a ainsi souligné que l'Etat tunisien et ses institutions doivent être au-dessus de tous les calculs et que les revendications du peuple tunisien doivent figurer parmi les objectifs de tous les responsables de l'Etat. Le 25 juillet 2020 quand Kaïs Saïed annonça que c'est Hichem Mechichi qui a été choisi pour composer un gouvernement, il lui a mis certaines conditions dont la première est que ce gouvernement soit apolitique. L'acceptation de la mission signifie, obligatoirement, l'acceptation des conditions. De ce fait, Hichem Mechichi a accepté que son gouvernement ne soit pas composé par des personnes choisies par les partis. Mardi 1er septembre, le gouvernement Hichem Mechichi obtient la confiance du parlement avec 134 voix (sur 217). Son gouvernement est apolitique et ne comporte aucune figure choisie par les partis. Lundi 11 janvier 2021, on parle déjà de remaniement et il est plus que probable que les ministres choisis par Kaïs Saïed soient éjectés du gouvernement.
Comment expliquer que Hichem Mechichi prépare actuellement un remaniement, moins de cinq mois après avoir obtenu la confiance du parlement ? La réponse à cette question est à la fois simple et triste. Triste de voir notre pays pris en otage par des politiciens si peu conscients du mal qu'ils font à la patrie. Ce qui arrive aujourd'hui a été dit il y a cinq mois en août 2020 « acceptons les conditions de Kaïs Saïed maintenant, nous procéderons à un remaniement demain ». Plusieurs médias, dont Business News, ont averti l'opinion publique sur la supercherie qui était en train de se jouer à l'époque. Le président de la République, pas dupe, a entendu les avertissements et a averti, à son tour, Hichem Mechichi de ne pas jouer ce jeu là. Il a également averti les partis durant cette réunion du lundi 31 août. Balivernes. Le 25 juillet quand il fut choisi, Hichem Mechichi était docile comme un agneau acceptant toutes les conditions du président de la République. Une fois la confiance du parlement obtenue, M. Mechichi a renié son engagement et a tourné le dos au président. Il a commencé par limoger Walid Zidi, ministre des Affaires culturelles, puis Mustapha Aroui, ministre de l'Environnement, quelques heures avant son arrestation et enfin Taoufik Charfeddine, ministre de l'Intérieur.
Pour tous ces limogeages, Hichem Mechichi avait sans doute raison. En exigeant un gouvernement apolitique, Kaïs Saïed avait sans doute tort, car sa condition est intenable. Sauf que voilà, un marché est un marché et Hichem Mechichi n'a pas respecté la parole donnée et le deal avec le président de la République. Ce que Hichem Mechichi aurait dû faire ? Ne pas accepter le portefeuille depuis le départ. Il fallait décliner la proposition du président de la République en déclarant qu'il lui est impossible d'accepter une pareille condition, celle de constituer un gouvernement apolitique. Mais accepter la condition du président puis lui tourner le dos est lâche. Accepter de composer un gouvernement apolitique pour le remanier moins de cinq mois après, c'est jouer avec les institutions du pays, c'est renvoyer une image d'instabilité totale à tous les partenaires nationaux et étrangers. On ne peut pas jouer comme ça avec le pays. On ne peut pas jouer comme ça avec les institutions. Ce que Hichem Mechichi s'apprête à faire est enfantin, triste et dangereux.
Le timing du remaniement est très mal choisi. Doublement mal choisi. La première raison est qu'on ne peut pas changer une équipe moins de cinq mois après l'avoir sciemment choisie. Il y a une erreur quelque part, soit dans le casting de départ, soit dans le casting à venir. Dans un cas comme dans l'autre, Hichem Mechichi cherche à corriger l'erreur par une autre erreur et ce avant même d'avoir donné suffisamment de temps pour évaluer le rendement de ses ministres. La seconde raison du mauvais timing du remaniement est que la présidence de la République s'apprête actuellement à lancer un dialogue national avec l'UGTT et un certain nombre de partis. A quoi sert ce dialogue, si le gouvernement est en train d'être remanié ? Les deux processus n'ont rien à voir l'un avec l'autre ? Plus aberrant que cela tu meurs ! Même si l'on est d'accord que ce dialogue ne va aboutir à rien de concret, il fallait que Mechichi lui donne sa chance de réussir. Si le dialogue réussit, et c'est une gageure, c'est à ce moment là qu'il procède au changement de son équipe. Une nouvelle équipe chargée d'exécuter les recommandations du dialogue national.
Quoi qu'il en soit, ce remaniement (s'il est exécuté) est une offense à l'encontre du président de la République. Ceux qui le veulent, Rached Ghannouchi en tête, cherchent à prendre les rênes du pays et à exclure le président de la République de toute activité politique. Rached Ghannouchi et Hichem Mechichi sont en train de « tartouriser » Kaïs Saïed, exactement comme ça s'est passé en 2012 quand le duo Ghannouchi-Jebali avait isolé Moncef Marzouki. Dans sa tête, Rached Ghannouchi, ex réfugié au Royaume Uni, le président de la République tunisienne doit ressembler à la Reine d'Angleterre. La cause de tout cela ? Un système politique inadapté à la réalité tunisienne. Personne n'a le pouvoir. Le président de la République, en dépit de ses 72%, ne peut pas gouverner et ne peut pas décider seul. Le parlement ressemble à un cirque où les députés se débattent au lieu de débattre. Quant au chef du gouvernement, il est entre deux feux, celui du président de la République qui l'a désigné et celui du parlement sans qui il ne peut rien gouverner. Plutôt que ce débat national, allons au fond du problème et débattons autour de notre système politique. C'est en le résolvant qu'on pourra résoudre tous les autres problèmes. Mais ça, c'est une autre histoire.