En refusant d'organiser la cérémonie de prestation de serment et de publier les décrets nommant les nouveaux ministres du gouvernement Mechichi II, le président Kaïs Saïed viole-t-il la constitution ? La formule est lancée, ces dernières heures, par de nombreux islamistes et députés qui, d'après eux, Kaïs Saïed viole gravement la constitution. L'accusation n'est pas gratuite, elle renvoie directement à l'article 88 de la constitution où il est question de motion de censure contre le président de la République. Cet article indique ce qui suit : « Les membres de l'Assemblée des représentants du peuple peuvent, à la majorité, présenter une motion motivée pour mettre fin au mandat du Président de la République en raison d'une violation grave de la Constitution. La motion doit être approuvée par les deux-tiers des membres de l'Assemblée. Dans ce cas, l'affaire est renvoyée devant la Cour constitutionnelle qui statue à la majorité des deux-tiers de ses membres. En cas de condamnation, la Cour constitutionnelle ne peut prononcer que la destitution, sans préjudice, le cas échéant, des poursuites pénales. La décision de destitution prive le Président de la République du droit de se porter candidat à toute autre élection ». Ce n'est pas la première fois que les députés évoquent, directement ou implicitement, l'article 88 de la constitution. Le premier à l'avoir brandi est le député de Qalb Tounes (proche des islamistes) Iyadh Elloumi. A lire également Yadh Elloumi menace le président de la République par l'article 88 de la constitution Cela présage d'un débat à venir sur la scène publique politique pour déterminer si oui ou non Kaïs Saïed viole la constitution. Les constitutionnalistes sont unanimes à ce sujet, la réponse est négative, le président de la République est dans son droit. Concrètement, les députés frondeurs peuvent-ils aller jusqu'au bout de leurs idées, déposer une motion de censure et faire destituer le président de la République ? Aucune chance pour cela puisqu'il faut réunir 109 signatures pour déposer la motion puis 145 signatures pour l'approuver. Ces chiffres sont impossibles à atteindre au vu de la disparité actuelle au parlement. Il faut ensuite renvoyer l'affaire de la Cour constitutionnelle qui n'existe toujours pas, par la faute de ces mêmes députés. A lire également Kaïs Saïed peut-il opposer un véto devant les nouveaux ministres ? En clair, en ce qui concerne cette question de prestation de serment, nous sommes dans une véritable impasse. A lire également Slim Laghmani : Kaïs Saïed a le dernier mot pour interpréter la constitution Conflit ouvert entre Kaïs Saïed et Hichem Mechichi : qui a tort, qui a raison ?