L'ancien ministre de la Santé et membre du bureau exécutif d'Ennahdha, Abdellatif Mekki, a été l'invité de l'émission « Dans le vif du sujet » sur RTCI, mercredi 23 juin 2021. Revenant sur la situation épidémiologique de la Tunisie, il a présenté ses recommandations pour ralentir la propagation du virus SARS-Cov-2. Le pays connaît une recrudescence alarmante des cas de contaminations au Covid-19. Le taux d'incidence ne cesse d'augmenter dans plusieurs gouvernorats, notamment Kairouan, Béjà, Siliana et Jendouba où le ministère de la Santé a recensé plus de 400 cas positifs par 100.000 habitants. Le taux national de tests positifs s'est lui établi à 31,63 % au 21 juin. Le nombre des décès est également en hausse. Au total, 105 décès ont été notifiés lundi portant le nombre des victimes du Covid-19 en Tunisie à 14.223. Interpellé sur l'inefficacité des mesures du gouvernement face à cette vague marquée notamment par une prédominance du variant britannique connu pour la rapidité de sa propagation, l'ancien ministre de la Santé a laissé entendre que plusieurs facteurs étaient responsables de la situation actuelle, en particulier la nonchalance en termes d'application des protocoles de prévention et l'absence de mesures adaptées à chaque gouvernorat. « C'est une responsabilité qui est supportée par tous les intervenants face à cette crise. Si on n'agit pas, la tempête ne va pas passer. Il y aura de la contagion de façon ascendante. La tempête ne va s'arrêter que grâce à nos efforts », a-t-il avancé Abdellatif Mekki a recommandé « un confinement général limité et ciblé », « une application par la force de la loi des mesures de prévention » dans les gouvernorats déclarés clusters, et une intensification de la campagne de vaccination pour maîtriser l'épidémie. Interrogé sur les erreurs que le gouvernement Mechichi aurait commis face à la situation sanitaire, il a évoqué une amélioration et une grande progression dans la gestion de la crise notant, toutefois, que la situation politique est l'une des principales causes des défaillances observées. Le politicien est, par ailleurs, revenu sur la crise politique actuelle et les efforts de médiation engagés par l'ancien membre d'Ennahdha, Lotfi Zitoun, pour décrocher une rencontre entre le président du Parlement et leader du mouvement islamiste, Rached Ghannouchi, et le président de la République, Kaïs Saïed. Soulignant qu'il n'avait pas d'information sur l'identité de l'instigateur de cette initiative, Abdellatif Mekki a relevé que les rencontres entre les trois présidences devraient être « un pain quotidien », de par la nature du régime politique appliqué en Tunisie et la conjoncture actuelle qui nécessite une synchronisation entre tous les acteurs de l'Etat. Il a fait savoir, dans ce même contexte, que Rached Ghannouchi et Kaïs Saïed avaient convenu à plusieurs reprises de se rencontrer sans qu'une date ne soit fixée, laissant entendre que les efforts de Lotfi Zitoun n'aboutiraient à rien. « Je pense qu'ils devraient se rencontrer spontanément et parler intensément pour explorer les perspectives de la résolution de cette crise politique qui fragilise le pays », a-t-il soutenu ajoutant que les structures d'Ennahdha sont à l'œuvre pour rapprocher les points de vue et trouver une solution à cette crise multidimensionnelle. Au sujet de l'attachement d'Ennahdha à Hichem Mechichi pour son maintien à la tête du gouvernement alors que le président de la République voudrait l'écarter du dialogue national, Abdellatif Mekki a expliqué que son parti ne voyait aucune raison motivant le départ de Hichem Mechichi. Il a, cependant, signalé qu'aucune hypothèse n'avait été écartée précisant qu'Ennahdha a suggéré de démarrer le dialogue sans condition pour ensuite ouvrir tous les dossiers y compris celui de Hichem Mechichi et son éventuelle démission. Rappelant que le président de la République n'a pas formulé cette condition clairement et explicitement mais à travers des intermédiaires, le politicien a estimé qu'imposer des conditions entraverait le déroulement de ce dialogue national. Le chef de la Centrale syndicale, Noureddine Taboubi, a, rappelons-le, déclaré que Kaïs Saïed souhaiterait exclure le chef du gouvernement imposant sa démission comme condition sine qua non au démarrage du dialogue. Concernant la position d'Ennahdha vis-à-vis des appels à des élections anticipées pour débloquer l'impasse politique actuelle, Abdellatif Mekki a assuré qu'on ne pourrait écarter cette hypothèse notant que l'organisation de ces élections sera une nécessité en cas d'échec des négociations, même si cela n'est pas la solution, à son sens. Notant que des élections anticipées pourraient compromettre les discussions engagées avec les bailleurs de fonds internationaux – le Fonds monétaire international, entre autres – , il a ajouté que le parti Ennahdha était en train d'œuvrer pour trouver des solutions et assurer la pérennité du gouvernement en place et derrière la continuité des négociations avec le FMI. Commentant une éventuelle victoire du Parti destourien libre en cas d'élections anticipées, le dirigeant nahdhaoui a assuré que son parti était profondément démocrate et ne pourrait se permettre de s'opposer aux résultats d'un suffrage. Abdellatif Mekki a, également, déclaré que le plus urgent serait de résoudre le dossier du remaniement ministériel bloqué par le président de la République jugeant inadmissible la gestion par intérim de onze ministères. En janvier, Hichem Mechichi a opéré un remaniement ministériel d'envergure mais le président de la République a refusé de convoquer les nouveaux ministres pour la prestation de serment à Carthage créant ainsi un blocage politique à la Kasbah. Kaïs Saïed a, rappelons-le, jugé le remaniement anticonstitutionnel et s'est opposé à la nomination de quelques personnalités soupçonnées, à son sens, de corruption.