Cette semaine, on ne parlera pas du sauveur du 25-Juillet qui s'attèle à réinventer les valeurs de la démocratie au gré des ses élucubrations. On n'évoquera pas la conférence de presse tenue sans journalistes. Il faudra être ouvert d'esprit et accepter l'évolution de la pensée humaine vers de nouvelles pratiques. On n'invoquera pas non plus Montesquieu qui se retrouve malencontreusement cité en rapport avec les tentatives présidentielles d'intervenir dans la Justice. Tout connaisseur relèvera que le philosophe français n'a en aucun cas dit que la Justice est une fonction, cette notion étant ultérieure, mais passons. Toutefois, Montesquieu a bien dit ceci : « Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps […] exerçaient ces trois pouvoirs ; celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers ». (Cf. De l'Esprit des lois, 1748. Livre XI, chapitre VI). On ne relèvera pas aussi le fait que l'omni-président ait décidé que la constitution n'était pas valable et qu'il se soit enfin prononcé, après moult atermoiements, pour son abrogation. C'est « l'exception tunisienne » qui frappe à nouveau. Cette expression on nous l'a serinée à nous en casser les oreilles. Nous voilà donc dans une nouvelle phase de cette exception tunisienne et va savoir où cela nous mènera. On le saura bien assez tôt. Entre-temps, dans l'autre bord, nous ne sommes pas mieux lotis. Les plaies de la Tunisie sont innombrables, mais il en est une qui a pris ces dix dernières années une proportion biblique. Une catastrophe.
Aucune honte. Une vilenie incommensurable. Une effronterie impudente. Un cynisme poussé à son extrême. Voilà que le cheikh de la confrérie, sorti de son trou (qu'il a commencé à quitter il y a peu de temps à cause des déraillements d'Ubu roi), s'adresse à nous de sa voix tremblotante pour accuser les méchants d'avoir poussé un militant à s'immoler par le feu. Il se pare de son habit de victimisation, usé jusqu'à la trame, et nous débite ses contre-vérités sur la torche humaine qui a consumé le temple au moment de son trépas. Un martyr qu'il nous dit, victime de la pauvreté et de la marginalisation, victime de la guerre médiatique qui a visé les militants d'Ennahdha, victime du 25-Juillet par extrapolation. Le cadavre de l'immolé était encore fumant. Il n'était pas encore froid que Ghannouchi tel un vautour charognard (quoique cet animal est au moins utile à la nature) se jette sur les lambeaux de chair carbonisés pour réinventer le récit victimaire. L'image est dégueulasse ? Pas autant que la réalité et l'étendue du culot de Ghannouchi et ses acolytes. Il s'avère que le défunt est une victime du mouvement. Embrigadé, incarcéré pendant une dizaine d'années, libéré, il se retrouve dans la précarité et lâché par ceux à qui il a fait confiance et qui lui promettaient compensation. Il s'agit d'une affaire nahdho-nahdhaouie et la symbolique de s'immoler au siège central du mouvement en est la pure manifestation. C'est dire les valeurs d'Ennahdha qui fait en réalité partie d'une organisation tentaculaire qui n'a jamais hésité à sacrifier ses fils ou plutôt ses frères. Un petit tour du côté de la genèse et de l'Histoire de l'organisation est plus qu'édifiant. Je vous le recommande. Que Ghannouchi ait rapidement exploité la mort d'un disciple éconduit, pour envoyer ses messages politiques et taper sur l'adversaire du moment et les journalistes, n'étonne guère. Tourner un odieux suicide à son propre avantage et pour se maintenir à flot ne le débecte aucunement, au contraire. Gare à l'attendrissement. Compatir avec les blessés est une chose, tomber dans le piège de la solidarité avec cette entité n'est que grave erreur. L'immolation par le feu de Sami Sifi, au cœur même du temple nahdhaoui, revêt une forte symbolique. Celle de la consumation d'un projet politico-théocratique qui a détruit des générations d'adeptes avant de s'atteler à détruire la société tunisienne et tout un pays.