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Kaïs Saïed, la malédiction du palais de Carthage
Publié dans Business News le 28 - 03 - 2022

L'actualité sur le plan national. Les citoyens tunisiens patriotes, sensés, intelligents, prévoyants sont contents de voir l'eau coupée chez eux. C'était la semaine dernière. Le président Kaïs Saïed est allé inspecter les travaux à cause desquels la banlieue sud de Tunis est restée sans eau courante pendant cinq jours. « Contrairement à ce que propagent certains médias, les citoyens sont compréhensifs, voire contents de la coupure d'eau, dans le sens où ils sont conscients que ces travaux serviront leurs intérêts au final », a affirmé le président. Les agents de la Sonede ont expliqué au président que, grâce à la volonté d'Allah, ils allaient pouvoir achever les travaux avant les délais prévus. Et le président de répondre que, grâce à Allah toujours, il est possible de raccourcir l'Histoire. Au lieu des sept jours initiaux, la coupure d'eau n'a finalement duré que cinq jours. Heureux sont les habitants de la banlieue sud ! L'histoire ne mentionne pas leur degré de bonheur après la fin des travaux…
Ainsi donc, pour des travaux qui ne doivent durer que 24-48 heures sous d'autres cieux, on annonce publiquement qu'il faudrait une semaine pour les achever. On met, au final, cinq jours et on a le culot de dire que l'on a raccourci l'Histoire et que les agents étaient fort braves de travailler jour et nuit…
En 2011, les Tunisiens scandaient haut et fort, « pain et eau et pas de Ben Ali ». En 2022, les boulangeries n'ont plus de pain, l'eau ne coule plus dans les robinets et Ben Ali est décédé. Ils sont heureux les Tunisiens, dixit le nouveau président de la République.
Autre actualité sur le plan national, l'augmentation des prix du tabac. Aucune préannonce, l'augmentation a eu lieu la nuit du dimanche à lundi. Les plus grands gagnants de cette hausse sont les spéculateurs du tabac qui engrangent, estiment les professionnels, quelque 365 millions de dinars par an.

Dans le cadre de sa lutte contre la spéculation et la cherté de la vie, qui appauvrit les citoyens, Kaïs Saïed a visité un dépôt de fer et tancé et humilié son propriétaire. Juste après, le prix du fer a augmenté.
Quand il s'est attaqué aux grossistes des semoules, le pain subventionné est devenu rationné dans les boulangeries. Et, souvent, on n'en trouve plus à partir de midi. « Pain et eau et pas de Ben Ali », disaient-ils.
Toujours dans le cadre de sa lutte contre la cherté de la vie, il a pondu un décret prévoyant des peines très sévères contre les spéculateurs. Un décret volé dans le journal officiel algérien, soit dit en passant. Et voilà que la semaine même, il offre des bonus aux spéculateurs qui agissent au grand jour, au grand dam de tous les fumeurs. Les médias ont beau dénoncer la spéculation des revendeurs de tabac et l'interdiction faite aux grandes surfaces de vendre des cigarettes (en dépit de la loi), les mafias du tabac font ce qu'elles veulent, comme si le nouveau décret de Saïed ne les concerne pas.
Les Tunisiens seraient-ils contents de cette augmentation décidée dans la noirceur de la nuit (terme favori de Saïed) ? Visiblement oui, la popularité de Saïed est toujours confirmée dans les sondages, jusqu'à la semaine dernière.

Pendant que les Tunisiens « nagent dans le bonheur », le monde avance à son rythme. Un rythme mille fois plus rapide que le nôtre.
La guerre russo-ukrainienne bat son plein et ses répercussions se feront ressentir un peu partout dans le monde. Les experts internationaux prévoient des crises alimentaires dans plusieurs pays et on s'attend à une augmentation considérable des prix du gaz et du pétrole. Il y a l'avant et l'après guerre d'Ukraine.
Ainsi, d'après les informations obtenues par Business News, une ambassade occidentale est en train de mettre en place une cellule de crise pour anticiper la crise alimentaire qui va toucher la Tunisie dans les mois qui viennent.
Les industriels tunisiens de l'agro-alimentaire nous confirment cette sinistre prévision. Le patron d'une grande usine de biscuits nous fait part de la situation. « D'habitude, j'ai des stocks de semoule pour trois mois. Avec cette guerre ukrainienne, et la très probable augmentation des prix du blé, je devrais acheter des stocks pour un an et demi afin que le marché tunisien ne connaisse aucune pénurie. Sauf que, avec cette loi contre les spéculateurs, les abus observés de la justice tunisienne contre les hommes d'affaires et les invectives du président de la République contre eux, je ne veux prendre aucun risque et je fonctionnerai avec un stock d'un mois au maximum. Et tant pis s'il y a pénurie de biscuits sur le marché ou si l'usine ferme ».
Outre la crise alimentaire que prévoient les experts internationaux, il y a aussi la crise énergétique. L'Algérie qui nous fournissait en gaz jusque-là devrait désormais répondre aux commandes européennes, bien plus juteuses.
Imed Derouiche, expert en énergie et ancien DG de Petrofac, prévoit une crise énergétique à partir de cet été pour la Tunisie. En termes plus clairs, il y a des risques que l'on subisse des coupures d'électricité récurrentes en raison d'un probable rationnement du courant.

Où en est la Tunisie de tout ça ? Nulle part. Son président préfère concentrer son énergie et son temps à traquer et injurier ses opposants.
Qu'a préparé le gouvernement Bouden pour ces crises alimentaire et énergétique à venir ? Rien ! Mme Bouden ne dit rien !
Elle a élaboré une Loi de finances sur la base d'un baril de pétrole à 75 $, il est actuellement à 120 $ et elle ne dit toujours pas comment elle va procéder.
Elle a élaboré une Loi de finances sur la base d'un accord du FMI à la fin du mois de mars. Nous sommes à la fin du mois de mars et il n'y a aucun accord en vue.

Les opposants qui tirent la sonnette d'alarme ? Au mieux, ils sont ignorés, au pire ils sont jetés en prison.
Les syndicats qui tirent la sonnette d'alarme ? Ils sont dénigrés. Samedi, Mme Bouden a manifesté sa colère après Noureddine Taboubi coupable, d'après elle, de saboter ses négociations avec le FMI.
Les médias qui tirent la sonnette d'alarme ? Ils sont des menteurs, sous-entend le président. Monsieur le président, dites des médias ce que vous voulez, nous sommes le quatrième pouvoir et nous le demeurerons. Nous sommes même le premier pouvoir, d'après Malcolm X. Nous sommes là avant vous et nous resterons après vous, quoique vous disiez, quoique vous fassiez !

Le président Saïed et Mme Bouden sont dans le déni. Ils refusent de voir la réalité en face. Ils déclinent tout dialogue avec les forces vives du pays (syndicats, organisations, médias), ils n'anticipent pas les problèmes et les crises, se cherchent des boucs émissaires.
Au vu de ce qui se passe dans le pays, au vu de ce qui se passe dans le monde, la réalité va les rattraper. Les Tunisiens vont finir par se rendre compte qu'ils sont victimes (une énième fois) de la supercherie de leurs dirigeants. Que les boucs émissaires désignés par ces dirigeants ne sont pas les vrais coupables de l'inflation et des pénuries, inévitables, que les Tunisiens vont subir dans les prochains mois.
Les Tunisiens ont beau rejeter les appréciations des experts, les avertissements des opposants et les analyses des médias, ils vont finir (une énième fois) par être rattrapés par la réalité. Ce jour-là, ils vont (une nouvelle fois) se rebeller contre les dirigeants comme ils l'ont fait avec Ben Ali et la troïka.

Kaïs Saïed et son gouvernement ont beau mépriser les corps intermédiaires et désigner à tour de bras des boucs émissaires, ils vont finir par être rattrapés par la réalité. Ce jour-là, ils vont être catapultés, comme c'était le cas avec Ben Ali et la troïka. C'est immuable.
Je n'anticipe pas l'avenir, je ne suis pas un voyant. Je regarde juste ce qui se passe sous d'autres cieux, j'écoute les experts et tire les leçons du passé et de l'Histoire des peuples, à commencer par le nôtre.
L'Histoire nous enseigne que le palais de Carthage porte une malédiction contre ceux qui ont choisi de s'isoler et de gouverner tous seuls, ceux qui mentent à leur peuple et ceux qui n'ont pas su anticiper l'avenir.
Les Tunisiens sont contents de la coupure d'eau, prétend le président. Ils le seront davantage quand il y aura coupure d'électricité, pénurie de carburant et rationnement de pain.

* Le titre de la malédiction du palais de Carthage a été déjà utilisé en 2012 par Business News sous la présidence de Moncef Marzouki, alors qu'il était à l'époque à la tête des sondages.
Il s'est vérifié rapidement, Moncef Marzouki est parti, Business News est resté et le peuple a fini, tardivement, par se rendre compte de la supercherie de son président.


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