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Obsolescence du référentiel
Publié dans Business News le 18 - 06 - 2022

Depuis l'avènement de la culture qui remonte aux premières tentatives de gérer l'état nature, toutes les sociétés humaines, toutes les civilisations ont fonctionné selon un référentiel structurant. Sans ce référentiel, on aurait perpétré un « état nature » qu'il soit de paix ou de guerre. Le référentiel n'est jamais un point d'ancrage figé. Il est plutôt en mouvement et témoigne de la volonté collective -elle-même une agrégation de volontés individuelles- de créer les conditions de vie les plus paisibles possibles, selon la version optimiste de l'état nature. L'ensemble des normes, ordres, lois, règles, traditions, us et coutumes structurants d'une société constitue un système de références qui influence les pratiques quotidiennes de chaque individu.
C'est ce que Pierre Bourdieu, appelle l'habitus. Cette prédisposition chez l'individu à agir dans le respect de l'ensemble de ces normes. C'est aussi une servitude passionnelle comme le dit Spinoza, ou l'obsequium selon son expression, rappelant que les individus agissent selon le déterminisme des affects ou plus simplement, les émotions qui provoquent le désir de transformation. Bien qu'au fondement de chaque volonté de changement il y ait un habitus (Bourdieu) ou un Obsequium (Spinoza), il demeure néanmoins que la volonté comme outil de puissance concourt à la transformation du réel dès lors qu'une volonté collective s'organise pour déconstruire la norme et favoriser une norme plus adaptée au désir collectif. En d'autres termes toutes les sociétés vivantes procèdent selon deux axiomes d'apparence contradictoires, avec d'un côté l'habitus ou l'obsequium et de l'autre la volonté de dépassement de l'ordre établi. Il est admis selon Spinoza que cette volonté-même soit la résultante d'un déterminisme qui la précède. Dans ces conditions, une valeur comme la justice ne peut être atteinte que si les individus et l'agrégation de leurs affects respectifs convergent vers un objectif commun qui passe par la déconstruction du droit comme le dit Derrida.
Entre dépassement et subsomption
C'est dans ce rapport d'obéissance, de servitude volontaire, d'habitus, d'obsequium d'un côté et la volonté de dépassement que naissent et évoluent les référentiels. Les référentiels représentent alors l'ensemble des normes qui organisent la vie d'une communauté à un moment donné de son histoire. La volonté collective d'une communauté, elle-même l'agrégation des volontés individuelles, préside à l'évolution des référentiels vers un meilleur « être » collectif. Le degré de civilité de cette communauté se mesure à l'aune à la fois du respect des référentiels et de leur dépassement. Une communauté figée attachée à un référentiel immuable, en dépit des changements produits par les individus (changements économiques, politiques et sociaux) ou changements introduits par des facteurs extérieurs (changements climatiques, géographiques), cette communauté figée ne peut pas être insensible à ces changements. Elle ne peut que réagir selon deux modèles opposés. Le premier modèle est celui de la volonté de dépassement et d'adaptation aux changements avec la volonté d'améliorer les conditions d'être, appelant cela le modèle progressiste cherchant l'expansion des possibilités d'être des individus. Le deuxième modèle est celui de la volonté inversée, celle qui concourt à la régression, à la subsomption de l'être qui réduit volontairement son champ d'action à travers une résistance aux changements. Expansion et dépassement d'un côté, rétrécissement et subsomption de l'autre.
Pluriculture vs monoculture ?
Tout d'abord, le référentiel structurant dans les sociétés où la volonté de dépassement est à l'œuvre comporte des clés à même d'apporter des réponses aux défis que posent les évolutions économique, politique, technique et sociale desdites sociétés. Plus le référentiel est ouvert sur le monde et ses évolutions, plus il y a des clés disponibles pour gérer ces évolutions. Un bref exemple peut nous permettre d'y voir un peu plus clair.
Si l'on prend l'âge d'or des arts et des lettres et des sciences qu'a vécu Baghdad du temps du Calife Haroun Arrachid (765 - 809) on constate que le développement humain, scientifique et artistique de cette période était dû à une série d'influences et de confluences qui ont irrigué la Mésopotamie à travers les siècles. Influences chinoise, grecque, indienne, perse ont conflué et ainsi multiplié les référentiels et apporté les clés nécessaires à la compréhension et à la maîtrise des phénomènes régissant la vie de la Cité. Apogée et début du déclin d'une civilisation qui se voulait « un tout monde » selon l'expression d'Edouard Glissant. La multiplication des prismes et des référentiels a présidé à ce développement fulgurant d'une civilisation débarrassée de la camisole idéologique et théologique. Mais aussi le début du déclin au fur et à mesure que les référentiels se rétrécissaient.
On passe ainsi d'un « tout monde » à un « petit monde » dont les dirigeants ont été gagnés par la monodie, l'univocité et le dogmatisme, en obstruant toutes les sources d'irrigation possible. La vie avait progressivement disparu au fur et à mesure que les livres brulaient et les référentiels disparaissaient avec. L'horloge tournait ainsi à l'envers, et au lieu d'assurer une expansion continue en démultipliant les référentiels, les Abbassides se sont cantonnés à aller chercher un référentiel de plus en plus réduit. La subsomption était donc à l'œuvre et se traduisait par des querelles intestines donnant lieu à des assassinats et un rétrécissement constant des espaces intellectuels passant des savoirs au savoir unique, des livres au livre unique, des influences au rejet du divers, du pluriculturel au monoculturel/monocultuel.
C'est ainsi que meurent les civilisations au fur et à mesure qu'elles se soustraient au monde et qu'elles perdent les clés nécessaires à la compréhension de ce monde. Plus de droit de cité pour Ibn Roshd (Averroès), cette incarnation de la pluriculture/pluridiscipline, tour à tour, médecin, chirurgien, pharmacien, philosophe, poète, théologien, mathématicien, juriste. L'hétéropraxie cède la place à l'orthopraxie et le dogmatisme, l'hétérogène à l'homogène, le rationnel cède la place au rituel. Livres et référentiels brulés, jeté en prison jusqu'à sa mort (1198) par un Calife (Al Mansour) gagné par l'orthodoxie et l'obsession de la vérité unique et indiscutable.
Liberté et création cèdent la place à l'oppression et à la répétition. Il fallait tout expurger, à commencer par le langage, ritualiser le quotidien selon des codes rigides et immuables pour faire disparaitre les référentiels et n'en garder qu'un seul et unique. Qu'importe s'il est obsolète, inadapté aux évolutions du monde. La norme pour la norme et non pour augmenter les possibilités d'être. La raison congédiée, place à la psalmodie et au mimétisme. Le champ de l'interprétation étant fermé, le savoir clôturé, la voie est à présent ouverte aux rites et à la répétition. Rite vestimentaire, rite langagier, rite gestuel, tout le quotidien est rythmé par les rites devenus mode vie. Il suffit de regarder les rues dans tous les pays couverts par la civilisation vaincue, dite arabo-musulmane, pour se rendre compte à quel point l'uniforme a pris le dessus sur le divers.
Depuis le 12e siècle de notre ère à nos jours, le référentiel n'a pas changé. Cette civilisation devenue rabougrie, vaincue, hors du temps ne cesse de se rétrécir et avec le rétrécissement s'installe un gouffre de plus en plus difficile à combler. Entre un monde où la vitesse a pris le dessus, où l'ambition de l'Homme n'a plus de limites ni dans le temps ni dans l'espace et un monde incapable d'accéder aux nouveaux référentiels et qui, faute de volonté de dépassement, a décidé d'inverser le mouvement. On exhume les morts, on les vénère, on érige leurs paroles au rang d'une norme supérieure, on pousse l'obsequium à son paroxysme, jusqu'à ne plus exister.
Que peut faire aujourd'hui Ibn Taymya, pour nous aider à comprendre le monde et nous apporter les clés nécessaires au développement de l'industrie 4.0 ? Il ne s'agit pas ici d'un jugement sur les qualités intrinsèques d'Ibn Tyamya, mais de l'obsolescence de sa pensée en tant que référentiel. Il n'apporte aujourd'hui aucune clé à même de relever les défis que pose un monde en perpétuel mouvement. C'est la loi de l'obsolescence, qui atteint aussi bien les objets que les idées si ces dernières ne s'ouvrent pas au principe de la transformation.
Une civilisation qui n'a que les morts à vénérer, qui se complait dans la thanatopraxie ne peut créer la vie, ni même contribuer à sa préservation.


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