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Sfax : l'arbre qui cache la forêt de la mauvaise gestion des déchets
Publié dans Business News le 20 - 11 - 2022

La crise environnementale majeure qui sévit actuellement à Sfax, secondaire à l'accumulation des ordures en plein centre-ville, est loin d'être la conséquence d'une problématique récente, mais bien d'un défaut structurel et profond qui se rattache à la question générale de la gestion des déchets dans notre pays.
Et disons-le clairement, ce qui s'est produit à Sfax, et qui relate à peu de choses près les évènements vécus à Djerba en 2012, risque de se reproduire dans n'importe quelle autre ville tunisienne, aujourd'hui ou demain.
Mais au risque de décevoir nos chers lecteurs, il n'y aura pas dans cet article ni désignation d'un coupable pouvant seul, porter le chapeau de cette catastrophe (non pas par peur des conséquences du célèbre décret -loi 54 et de son article 24 promettant de guillotiner les langues, mais bien parce que l'affaire est complexe et les responsabilités multiples et intriquées) ni la prescription d'un remède miracle qui pourrait d'un claquement de doigt, débloquer la situation.
Nous tenterons toutefois après l'analyse des tenants et aboutissants ayant mené à ce cataclysme, de dresser les grandes lignes pouvant mener à une sortie de crise sur le court terme, et surtout les plans à adopter pour que plus jamais, nos villes ne subissent dans le futur pareille injustice environnementale.
Pour saisir les raisons ayant aboutit à cette crise, il est indispensable que l'opinion publique, avec toutes ses composantes, comprenne notre système de gestion des déchets. Et l'on se contentera ici pour des raisons de clarté, de parler des déchets ménagers et assimilés (DMA), ceux qui concernent de la manière la plus directe nos concitoyens.
Selon une stratégie dont l'application a débuté depuis les années 2000, les déchets que produisent les ménages sont gérés suivant une chaine qu'on qualifie de linéaire, et qui comprend plusieurs intervenants, allant du producteur ( les ménages eux-mêmes ) jusqu'au gestionnaire final des décharges qu'on qualifie de « contrôlées », en l'occurrence l'agence nationale de gestion des déchets ( ANGED) sous l'égide du ministère de l'Environnement. La collecte première de ces déchets est assurée par les communes, alors que tout le restant de la chaine (gestion des centres de transfert et/ou les décharges) relève de la compétence de l'ANGED.
Sans rentrer dans les détails décrivant tous les maillons de cette chaine, l'élément fondamental à retenir est le devenir final de ces déchets que nous produisons. Dans ces décharges contrôlées (il en existe une douzaine sur l'ensemble du territoire national), la technique employée est celle de l'enfouissement. Cette technique est réputée pour avoir deux inconvénients majeurs : premièrement la saturation des sites dans lesquels elle est employée, nécessitant leur fermeture au bout de quelques années. Deuxièmement, le dégagement de gaz toxiques qui proviennent de la décomposition des déchets à majorité composés de matière organique, détruisant la nappe phréatique et polluant l'air environnant.
Il va sans dire que les limites et les inconvénients néfastes de cette méthode d'enfouissement, ont poussé les riverains des zones limitrophes à ces décharges (proximité aggravée par l'urbanisation croissante et souvent anarchique des dernières décennies) à réclamer leur fermeture (décharge de Guellala à Djerba, décharge de Aguereb à Sfax, décharge de Borj Chekir à Tunis).
Et aussi légitime que puissent être ces réclamations, la fermeture des dites décharges sans solution de rechange durable, ne peut conduire qu'à des désastres encore plus nocifs pour l'environnement. Les autorités (locales, régionales ou nationales) se trouvant souvent, sous la pression des habitants, dans l'obligation de choisir des solutions rapides mais inadaptées, comme celles de déplacer les déchets vers des décharges sauvages, à ciel ouvert. C'est ce qui a conduit à ce que vit actuellement la ville de Sfax, et qui risque de se produire partout ailleurs.
Quelles sont alors les solutions à adopter pour éviter ce type de catastrophe environnementale et sanitaire ? Et surtout, ces solutions sont-elles durables ?
On n'inventera rien de nouveau en disant, qu'à la méthode linéaire pour la gestion des déchets décrite plus haut, et dont on a noté les limites et les conséquences négatives sur l'environnement, on oppose la méthode dite intégrée, dont le but final et de réduire au maximum la quantité de déchets destinés à l'enfouissement. Cette méthode implique un changement drastique dans tous les maillons de la chaîne, comme la réduction de la production des déchets, le tri à la source chez l'habitant ( on se contente ici de parler des DMA), le recyclage et le concept d'économie circulaire, et l'installation d'unités de valorisation des déchets (qui produisent notamment de l'énergie) pour remplacer les décharges classiques .
Les pays développés ont d'ailleurs commencé l'adoption de cette méthode de gestion intégrée depuis plus d'un demi-siècle avec des degrés de réussite variables. A cet instar, l'Europe s'est fixée comme objectif d'atteindre le concept « Zéro déchets » à l'horizon 2030.
En Tunisie, et comme mentionné ci-dessus, la mise en place des décharges contrôlées ainsi que les centres de transferts, remplaçant les anciennes décharges sauvages, a commencé dès le début des années 2000. Mais il semble clair que cette méthode a atteint ses limites, faisant de ces décharges de véritables bombes à retardement menaçant l'environnement et la santé de nos concitoyens.
A ce titre, est-il utile de rappeler que les recommandations, pour la transition vers une gestion intégrée des déchets ne datent pas d'aujourd'hui. Elles figurent même dans un manuel publié en 2005 par le ministère de l'Environnement ! Depuis, de multiples rapports, manuels ou recommandations émanant de commissions diverses, avec la participation de divers acteurs (associations, ONG, Fédération nationale des villes tunisiennes, ministère de l'Environnement …) ont émis les mêmes conclusions, à savoir l'abandon de la méthode linéaire de gestion des déchets au profit de la méthode intégrée (j'en suis témoin en tant que membre de la commission nationale pour la gestion des déchets qui se réunit régulièrement depuis 2018).
Les raisons qui freinent ce processus de transition sont multiples.
Notons tout d'abord, qu'une gestion intégrée des déchets (et particulièrement des DMA) relève d'un processus plus complexe, impliquant notamment l'adhésion du producteur (réduction, tri à la source), la mise en place d'un circuit de collecte plus couteux, l'installation de centres de tri et/ou d'unités de valorisation onéreuses. Cela implique également l'existence d'un cadre juridique adéquat (taxation spécifique et ciblée, partenariat public-privé, production d'énergie par des entreprises privées et son exploitation...). Cadre qui est loin actuellement d'être au point. S'y ajoute le problème foncier et l'acceptabilité citoyenne pour l'implantation d'unités de valorisation remplaçant les anciennes décharges (à titre d'exemple notons ici qu'après la fermeture de la décharge de Guellala à Djerba, un projet de valorisation des déchets financé par le secteur privé était fin prêt pour un démarrage effectif et rapide, mais n'a pas pu voir le jour à cause de tiraillements politiques !).
Nous ne pouvons également ignorer dans ce contexte, le climat politique général instable que traverse la Tunisie depuis 2011, et qui rend tout processus décisionnel difficile, lent, voire périlleux tant le contrat de confiance entre gouvernants et gouvernés est fragile.

Pour revenir à ce qui se passe à Sfax, et qui on ne cessera de le rappeler, risque de faire l'effet boule de neige pour atteindre n'importe quel autre ville, l'urgence actuelle est d'arrêter les dégâts en transportant les ordures loin des zones d'habitation urbaines. Mais où ? Et sous quelle forme ?
A mon sens, déplacer le problème en déposant les déchets dans des décharges sauvages à ciel ouvert ne fera que reproduire la même catastrophe d'ici peu de temps. Faut-il alors rouvrir la décharge contrôlée de Aguereb afin de prolonger son exploitation (par exemple pour une année), le temps qu'une solution plus durable puisse voir le jour ? Aussi incongrue soit-elle, je pense qu'il s'agit là de l'option la plus rationnelle. Il revient alors aux autorités (locales et nationales) à entreprendre un gros travail de dialogue et de pédagogie afin de convaincre les habitants du bien-fondé d'une telle option.
Reste que pour le moyen et long terme, nous n'avons d'autres choix, que de changer de paradigme et d'opter vers la méthode durable pour gérer nos déchets. Un plan national avec un calendrier précis pour remplacer les décharges actuelles en unités de valorisation doit voir le jour de toute urgence. C'est un travail colossal qui doit résoudre des équations complexes d'ordre juridique, foncier, financier et environnemental. Mais il doit être fait !
En amont des unités de valorisation, et comme mentionné ci-haut, tous les maillons de la chaine allant de la production, collecte, transport, doivent subir des transformations fondamentales avec la contribution des différents intervenants : citoyens, société civile, entreprises privées, collectivités territoriales (communes, régions), institutions et autorités de tutelle (Anged, ANPE, ministère de l'Environnement, ministère de l'Energie..).
J'insiste enfin sur la nécessité d'une campagne nationale de communication et de sensibilisation de grande envergure visant à placer le producteur des déchets (en l'occurrence les ménages pour les DMA) au cœur du processus. Car faut-il toujours le rappeler : les déchets les plus propres sont ceux qu'on ne produit pas !

Kais Nigrou
Conseiller municipal – Commune de la Marsa


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