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Kaïs Saïed dopé pour les élections
Publié dans Business News le 09 - 12 - 2022

Législatives molles, législatives douteuses, législatives dénoncées, législatives boycottées. Pour faire face à une campagne des plus atones, voire la plus atone depuis l'indépendance, le président de la République est descendu lui-même sur le terrain.

Conflit de prérogatives entre l'Instance supérieure indépendante pour les élections et la Haute autorité indépendante pour la communication audiovisuelle, appels au boycott de la part de la majorité des partis politiques, nombre de candidats très inférieur à celui des précédentes législatives, candidats tournés en dérision sur les réseaux sociaux, mise en doute de l'intégrité de l'Isie, télévision et radios publiques qui appellent à la grève le jour des élections, plusieurs médias (dont Business News) qui ont décidé de boycotter la campagne électorale, il n'y a pas l'ombre d'un doute, les législatives du 17 décembre 2022 ne ressemblent à aucune autre campagne électorale depuis l'indépendance.
Autre évidence, le Tunisie est à des années-lumière de ces législatives. Ses priorités sont de trouver du lait, du sucre, des médicaments et le mode d'emploi pour boucler des fins de mois de plus en plus difficiles.
Sentant venir un taux de participation très bas et la colère monter, le président de la République a multiplié cette semaine les visites de terrain et les déclarations approximatives dans une vaine tentative de séduction.

Lundi 5 décembre, et comme chaque année, le président de la République est allé à la Kasbah réciter la fatiha en mémoire du martyr Farhat Hached. Il n'y a rien de particulier là-dedans, sauf que le président de la République a changé le programme de la visite cette année. Juste après la fatiha, il a traversé en longueur toute la médina de Tunis pour s'offrir un bain de foule à l'avenue Habib Bourguiba.
D'après les vidéos diffusées par la présidence, ce bain de foule ne ressemble pas aux précédents. À aucun moment, on ne voit un Kaïs Saïed acclamé par la population, comme lors de ses sorties un an plus tôt. Il a fini sa balade par une énième visite au ministère de l'Intérieur.
Le bilan de ce changement de programme est un embouteillage monstre à Tunis aussi bien du côté du centre-ville que de la Kasbah, Bab Sâadoun, Gorjani, Bab Jedid…
La journée n'est pas finie, Kaïs Saïed s'est ensuite dirigé à l'usine du géant laitier Délice pour visiter les locaux et trouver une explication à la pénurie de lait que subissent les Tunisiens depuis plusieurs semaines.
En réalité, il n'en avait que cure des explications de Hamdi Meddeb, PDG de Délice, Kaïs Saïed a sa propre explication sur la pénurie et il tenait à la donner devant les caméras de son équipe vidéo (l'unique présente à toutes ses visites). Le chef de l'Etat a affirmé que la production de lait couvrait l'intégralité des besoins de la population, en s'interrogeant sur la disponibilité du beurre et du yaourt et non pas du lait compensé en briques. Les spéculateurs transforment, selon lui, le lait standard en lait 0% afin d'avoir plus de revenus et de pousser vers l'augmentation des prix. Le chef de l'Etat a, encore une fois, qualifié les circuits de distribution de « circuits d'affamement du peuple ».
« Y-a-t-il des vaches qui donnent du lait et d'autres qui donnent des yaourts ? Le lait, c'est du lait ! Pourquoi le fromage et le beurre sont disponibles ? Y-a-t-il des vaches qui donnent du lait écrémé et d'autres qui donnent du lait demi-écrémé ? », s'est-il interrogé devant les caméras.
Le message est passé. Les explications des experts, des industriels et des agriculteurs sont toutes balayées d'un trait au profit de l'argumentaire présidentiel.
Peu importe si cet argumentaire populiste est contraire à la réalité, il fait désormais foi auprès de la population crédule, en cette période électorale.

Ce même lundi 5 décembre, le président de la République rend visite au ministère des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières. En l'absence de journalistes, et en nous limitant uniquement à la propagande présidentielle, on ne saurait dire si cette visite a eu lieu avant ou après la visite de Délice. Ce qui est sûr, c'est qu'elle s'est faite en l'absence du ministre Mohamed Rekik, donnant ainsi l'impression qu'elle était inopinée.
Ici aussi, le discours est populiste. Tellement populiste que le président ne se rend même pas compte d'une grosse bévue, étrangement relayée par ses services de communication le lendemain mardi 6 décembre.
Au ministère des Domaines de l'Etat, Kaïs Saïed mène un véritable discours de campagne dont la teneur n'a rien à voir avec le lieu.
Dans la vidéo, le président affirme que le pôle judiciaire et financier a été créé pour dissimuler les crimes. La phrase discrédite, salit et humilie les magistrats ? Peu importe, en période électorale, il faut une sacrée dose de populisme.
Il enchaîne en parlant de la pénurie de lait, causée par les spéculateurs, du drame de Zarzis, de conciliation pénale, etc. Quel rapport avec les Domaines de l'Etat ? Peu importe, il faut que la population saisisse le message, c'est que Kaïs Saïed veille sur le pays, mais que des forces obscures l'empêchent de bien faire.
La grosse bévue annoncée plus haut ? Dans cette sortie au ministère des Domaines de l'Etat, et toujours devant les caméras, Kaïs Saïed s'est interrogé sur les raisons derrière l'absence des membres de la Commission nationale de conciliation pénale. « Ces derniers n'ont toujours pas pris leurs fonctions malgré la publication d'un décret présidentiel à la date 11 novembre 2022 ! », a-t-il dit. Entendez par là que les « méchants » fonctionnaires refusent de travailler et de répondre aux directives et décrets du président de la République.
En réalité, les membres de la commission en question ne pouvaient pas prendre leurs fonctions, car le décret présidentiel qui les a nommés leur exige de prêter serment devant le président de la République et que ce président de la République ne les a toujours pas invités à cette cérémonie. Elle sera organisée deux jours plus tard.
Mais peu importe la vérité, le seul message reçu par le citoyen lambda est que les fonctionnaires ne sont pas à leurs bureaux lors de la visite inopinée du président.

La journée charnière du lundi 5 décembre n'est pas achevée pour autant. Le lendemain mardi, la présidence publie une vidéo montrant Kaïs Saïed, torse bombé, visiter les locaux de la présidence du gouvernement à la Kasbah et au lycée Sadiki. De la pure propagande électoraliste ? Ça y ressemble comme deux gouttes d'eau.

Mardi 6 décembre, Kaïs Saïed rajoute une couche et elle est bien grossière cette fois. Il s'est rappelé de l'existence de Sidi Bouzid, ville chérie de tous les populistes et autoproclamés révolutionnaires. C'est par là que la révolution de 2011 s'est déclenchée et c'est là que Kaïs Saïed a prononcé tous ses discours enflammés avant et après son élection.
Cela fait un bail qu'il n'a pas rendu visite à Sidi Bouzid et il y est allé ce mardi 6 décembre. S'en rappeler en pleine période électorale ne porte qu'un sens : le président est en campagne.
Habitué des effets d'annonce, le président inaugure le lancement des travaux de l'autoroute Sidi Bouzid-Jelma (dont on entend parler pour la première fois) et parle de désenclavement des régions intérieures et d'une nouvelle Histoire de la Tunisie. « Nous avons les capacités et la détermination de construire la Tunisie telle que nous la voyons ». En l'absence de journalistes, il n'y avait personne pour l'interroger sur ce qu'il a fait de concret durant les trois années de sa présidence dont seize mois de pouvoir total. Il a préféré se faire entourer de gouverneurs laudateurs (Bizerte et Ben Arous notamment).

Comme la journée du lundi 5 décembre, la journée du mardi était remplie d'activités extérieures du président. Chose très rarement vue (voire jamais vue) depuis son élection en octobre 2019.
Après (ou avant, on ne sait pas), il est allé à une usine de fabrication de produits pharmaceutiques. Le communiqué de Carthage ne précise pas le nom de cette usine, ni où elle se trouve.
La visite coïncide avec la grève des pharmaciens grossistes remontés contre le ministère des Finances qui a décidé, en 2022, de leur imposer une retenue à la source dont l'effet serait dévastateur sur leurs activités. On parle carrément de la probable faillite des quelque 70 pharmaciens grossistes et il y avait une réelle panique parmi les médecins, les pharmaciens et les citoyens.
Kaïs Saïed balaie d'un trait la polémique et résume la situation en une phrase : « la Tunisie ne manque de rien pour subvenir à ses besoins en médicaments ». Le sempiternel sous-entendu, il y aurait des forces occultes qui affament les Tunisiens et les menacent maintenant dans leur santé.
Depuis l'usine, il annonce que la crise actuelle allait être résolue. Et c'était le cas. Le ministère des Finances a cédé, ce qui a permis au ministère de la Santé d'annoncer le lendemain que la grève est levée et que la crise est résolue grâce aux « directives du président de la République ». Eh oui, le ministère de la Santé se met aussi à l'heure de la propagande et de la langue de bois en pleine campagne électorale.
Après la visite de l'usine et de Sidi Bouzid, le président s'est déplacé à Kairouan. Le communiqué annonçant cette visite n'a été diffusé que le lendemain. Dans une vidéo de propagande, on l'entend parler d'un projet (a priori l'hôpital de Kairouan) en souffrance. « « Y en a marre ! Ce projet aurait dû commencer à traiter des patients. Nous sommes toujours au stade des études... », a déclaré le président. La faute au coronavirus, affirme le gouverneur. Le président le corrige : « D'autres éléments ont conduit à des négligences. Plusieurs projets ont été négligés en raison de la corruption de certaines parties que je ne nommerais pas ».

Mercredi 7 décembre, la journée est moins remplie que les précédentes, mais elle n'a pas manqué de populisme pour autant.
Depuis la caserne d'El Aouina, à Tunis, le président s'est réuni avec un nombre de dirigeants les appelant à accélérer les enquêtes en cours dans l'affaire du naufrage de l'embarcation de Zarzis.
Lors de cette rencontre, le président de la République a noté que plusieurs indices montraient de multiples défaillances ainsi que plusieurs détails inhabituels dans les opérations de migration clandestine.
Cela est quand même étrange que le président ne se rappelle qu'en cette période électorale du drame de Zarzis, alors que celui-ci traîne depuis des mois et a fait la une des médias pendant des semaines.
La colère des habitants a été accueillie, rappelons-le, par le dédain du gouverneur de la région et la répression policière.

La semaine aurait pu se poursuivre avec d'autres visites de terrain du président, mais il a dû se déplacer à Riyadh pour participer au sommet sino-arabe. Parions qu'il se rattrapera à son retour.
Ces visites feront-elles remonter pour autant le taux de participation aux législatives ? Vu l'interdiction stricte de publier un quelconque sondage en cette période, il n'y a aucun indice permettant de savoir si la campagne présidentielle a eu de l'effet ou pas sur les électeurs.
Ce qu'on peut dire, d'ores et déjà, c'est que ces législatives ne figurent quasiment pas sur les unes des médias, à l'exception des médias publics, entre les mains du régime.


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