La Tunisie vit, depuis le 25 juillet 2021, sous un régime qui s'est accaparé les pleins pouvoirs, mis au pas la justice et étouffé les libertés. Pour affronter le régime despotique, la majorité des partis, des ONG et des médias privés sont présents à l'appel. Mais pas ceux qui s'étaient autoproclamés révolutionnaires et militants en 2011. Juste après le 14 janvier 2011, des dizaines de Tunisiens ont occupé le devant de la scène politique se présentant comme de vrais militants ayant combattu le régime Ben Ali, depuis la Tunisie et l'étranger. Totalement inconnus par le peuple et par les médias, jusque-là, ils ont réussi à occuper des postes ministériels et autres hauts rangs dans les institutions de l'Etat. Supercherie ? Les quelques médias et hommes politiques qui ont dévoilé la véritable nature de ces vrais-faux militants avaient été accusés d'être des contre-révolutionnaires, ennemis de la démocratie. Soit. Depuis le putsch du 25 juillet, la Tunisie vit, de nouveau, sous le cauchemar du régime despotique. Théoriquement, ceux qui se sont présentés comme étant des militants en 2011 devraient figurer parmi ceux qui luttent contre ce régime. Que nenni, ces célèbres personnalités de l'époque sont parties majoritairement à l'étranger laissant le pays dans le marasme et les vrais militants seuls face à la gueule du loup.
Salim Ben Hamidane Etudiant ayant des casseroles judiciaires, il a préféré fuir la Tunisie vers le Soudan avant de s'installer plus tard à Paris où il est devenu avocat. Grâce à l'amnistie générale prononcée après le 14 janvier 2011, il a pu rentrer en Tunisie sans être inquiété. Il a rapidement occupé le devant de la scène politico-médiatique se présentant comme militant du parti CPR de Moncef Marzouki qui a participé à lutter contre le régime Ben Ali. La supercherie a trompé, au minimum, les 353.041 électeurs du CPR en 2011. Elu à l'assemblée constituante, il a rapidement quitté le parlement pour devenir ministre des Domaines de l'Etat, poste au sein duquel il a réussi à collectionner de nouvelles casseroles. Il a été cité dans plus d'une affaire judiciaire et il a été mis en examen dans la célèbre affaire de la Banque franco-tunisienne. Celle-ci traine encore dans les couloirs judiciaires depuis des années. Il a tenté de rejoindre le barreau tunisien, mais l'Ordre des avocats s'y est opposé catégoriquement sachant qui il est vraiment. À la date du putsch du 25 juillet 2021, il était en vacances en Tunisie, mais il a pu quand-même franchir les frontières malgré ses affaires judiciaires pendantes et bien que les interdictions de voyage frappant les personnalités politiques des régimes post 14-Janvier se comptaient par dizaines. Depuis, il évite soigneusement de rentrer au pays et toute déclaration médiatique hostile au régime qui pourrait rappeler son existence. Il devrait attendre que le pays se débarrasse de Kaïs Saïed pour rentrer et se présenter, à nouveau, comme militant ayant lutté contré la dictature.
Sihem Badi Tout comme M. Ben Hamidane, Mme Badi est membre du CPR et, comme lui, sans expérience aucune en matière de gestion des affaires de l'Etat. Médecin de profession, installée à Paris, elle était le chouchou de Moncef Marzouki à une certaine époque. Grâce à cette proximité, elle a été catapultée à la tête du ministère de la Femme après les élections de 2011 où elle a réussi à collectionner des casseroles. Le poste lui a en revanche ouvert les grandes portes des médias qui la sollicitaient sans cesse pour ses interventions polémiques et clivantes. Hargneuse, revancharde, Sihem Badi assumait totalement cette image et cherchait, par tous les moyens, à éjecter du paysage tout opposant à la troïka. De patriote, il n'y avait qu'elle. Après un échec cuisant aux législatives de 2014, elle a été éjectée du parti de Moncef Marzouki (qui a changé de nom dans la foulée de la défaite). L'ancien président CPR a trouvé en elle un bon bouc émissaire pour justifier la mauvaise image du parti et, donc, de l'échec. N'ayant plus rien à faire en Tunisie, elle est revenue à Paris pour s'occuper de son cabinet médical. À l'exception de France 24, elle est totalement ignorée par les médias. Après le putsch du 25 juillet, Sihem Badi brille par son désintérêt total de la chose publique. Elle n'est plus militante, elle n'est plus résistante, elle n'est plus rien. Exactement comme elle l'était avant 2011. Son sport favori du moment, c'est de se prendre tout le temps en photo comme les petites adolescentes ou les Instagrameuses écervelées.
Abdelwaheb Maâtar Avocat et membre dirigeant du CPR, voici un autre inconnu de la scène politique militante qui a été catapulté sur le devant de la scène au lendemain de la révolution de 2011. Grâce à sa grande proximité et amitié avec Moncef Marzouki, il a été nommé ministre de l'Emploi. Tout comme ses camarades Badi et Ben Hamidane, M. Maâtar n'a réalisé rien de particulier dans son département. Il a été cité une fois dans une affaire de népotisme (sa fille aurait intégré indûment le ministère de la Femme), rapidement étouffée. Au lendemain de l'échec de 2014, et la scission du CPR, Abdelwaheb Maâtar a quitté le camp Marzouki pour rejoindre celui de Samir Ben Amor. Il est, depuis, absent de la scène politico-médiatique et on ne lui connait aucune réaction face au despotisme de Kaïs Saïed.
Sihem Ben Sedrine Journaliste, Sihem Ben Sedrine était connue avant la révolution pour son militantisme. Sauf qu'il y a un détail important qu'elle a tout fait pour étouffer, c'est que son militantisme était soigneusement financé par des instances européennes. Mercenaire ? Le qualificatif l'a dérangée au point de traduire Business News devant les tribunaux depuis 2013 (certaines des affaires intentées contre notre journal se poursuivent encore en 2023). Sihem Ben Sedrine a rejeté les postes ministériels proposés par ses amis préférant lancer, avec son époux, sa propre radio à coups d'intimidations pour obtenir la licence de diffusion. La radio n'a pas réussi à décoller et a cumulé de gros déficits en un temps record. Peu importe, elle a un plan B, celui d'occuper le prestigieux rôle de présidente de l'Instance Vérité et Dignité, chargée de la justice transitionnelle, poste qu'elle a obtenu grâce à ses amis islamistes ainsi que Moncef Marzouki et Mustapha Ben Jaâfar. De justice, on n'a vu que de la revanche, de la haine et des mensonges. Les contrevérités durant sa présidence se comptent par dizaines. Plusieurs médias et personnalités politiques ont crié à la supercherie et au danger de la démarche, Sihem Ben Sedrine a toujours joué la politique de l'autruche et de la fuite en avant, écrasant au passage toute voix contradictoire. Les médias ? Elle leur colle des procès. Les adversaires politiques ? Elle les salit. Les membres de l'IVD, elle les pousse à la porte (à commencer par la défunte Noura Borsali) ou les renvoie purement et simplement (Mustapha Baâzaoui, Zouhaier Makhlouf, Lilia Bougura…). Les décisions du Tribunal administratif qui n'arrangent pas ses affaires ? Elle les jette à la poubelle. Dire que le processus de la justice transitionnelle a été un échec total est une vérité de La Palice. N'ayant plus rien à offrir et n'étant plus financée par des organismes étrangers, elle fait profil bas depuis des années et on n'a pas vraiment entendu sa voix après le putsch du 25 juillet 2021. Quant aux multiples affaires intentées contre elle depuis des années, elles trainent encore dans les couloirs judiciaires. Son silence s'explique. Pour le commun des mortels, la militante a vécu. Pour nous, elle n'a jamais existé.
Hamadi Jebali Emprisonné pour des actes terroristes avant la révolution, Hamadi Jebali s'est accolé le titre de prisonnier politique après le 14 janvier 2011. Titre qui lui a permis de devenir chef du gouvernement après les élections de la constituante. Son égo a tellement gonflé, durant la décennie 2010, qu'il s'est vu devenir président de la République en 2019. Aux élections, il n'a réussi à obtenir que 7364 voix (0,22%) se classant au vingtième rang. Il appelle à voter Kaïs Saïed au second tour et disparait, ensuite, de la scène politique. Son nom n'est plus cité que dans le cadre d'affaires judiciaires. Il dit qu'elles sont montées de toutes pièces par le régime. Il se réserve, néanmoins, de toute déclaration politique hostile au régime despotique. Comme les autres, son militantisme a vécu.
Et les autres ? La liste des vrais faux militants ne s'arrête pas là, loin s'en faut. Nous n'avons cité que les plus célèbres. On peut rajouter des dizaines d'autres comme Mohamed Ben Salem, Ameur Laârayedh, Abdelfattah Mourou, Sadok Chourou, Habib Ellouze... Tous se sont présentés comme des militants contre la dictature en 2011, mais ils ont étrangement disparu devant la dictature de 2021. D'autres noms de « disparus » peuvent être évoqués comme Youssef Chahed (aux Etats-Unis) ou Mehdi Jomâa (en France), mais ceux-là n'ont jamais prétendu à un quelconque militantisme en 2011. Cela reste moins pire que ceux qui sont devenus proches du régime despotique alors qu'ils se sont toujours présenté comme étant des militants de la démocratie. À la tête de cette catégorie infâmante, Mongi Rahoui et les membres du parti Echâab.
Les vrais militants d'avant et d'après Il n'y a pas que les usurpateurs et les retourneurs de veste, heureusement, il y a aussi de célèbres militants d'avant 2011 et qu'on retrouve en 2021, 2022 et 2023. Parmi ces militants, il y a des personnalités qui n'ont jamais cessé de dénoncer les injustices mais aussi des organisations dont l'UGTT, l'Onat, la LTDH... À la tête de ces militants d'avant 2011 et d'après 2021, on cite en premier lieu Ahmed Néjib Chebbi devenu bête noire du régime de Kaïs Saïed et Hamma Hammami. Aussi les quelques membres du parti Massar, Samir Taïeb (qui a fait quelques semaines de prison injustement), Issam Chebbi, Ahmed Seddik, Khalil Zaouia. Autre bête noire du régime, Moncef Marzouki. Bien qu'il soit à l'étranger (entre la France et les Etats-Unis), l'ancien président multiplie les enregistrements vidéo appelant à l'éjection de son successeur. Cela lui a valu d'être condamné à quatre ans de prison ferme, par contumace. Il doit supporter l'accusation fallacieuse d'atteinte à la sécurité extérieure de l'Etat. Mehdi Ben Gharbia était prisonnier politique avant 2011 et prisonnier politique après 2021. L'ancien ministre des Droits de l'Homme est trainé en justice pour une affaire de blanchiment d'argent. Durant la détention préventive, le juge d'instruction a fini par conclure qu'il était innocent et a décidé sa libération. Le parquet a fait appel (avec succès) pour le maintenir en prison et le juge a été révoqué. À ce jour, Mehdi Ben Gharbia tient le triste record de longévité parmi les prisonniers du régime actuel. On peut aussi évoquer Ayachi Hammami, avocat et porte-parole du comité de défense des juges révoqués. Ce dernier fait l'objet d'une enquête suite à une procédure engagée par la ministre de la Justice, Leila Jaffel, en vertu du décret n°54 relatif à la lutte contre les infractions se rapportant aux systèmes d'information et de communication. M. Hammami est accusé d'avoir « usé des réseaux sociaux pour répandre des rumeurs dans le but de porter atteinte à la sécurité publique ». On n'oubliera pas également l'avocate, militante et ancienne présidente de la Commission des libertés individuelles et de l'égalité (Colibe), Bochra Belhaj Hmida. Elle continue de militer en faveur des libertés individuelles et en dénonçant les travers du régime tyrannique de Kaïs Saïed. Il y a également les islamistes qui ont milité avant la révolution de 2011 et qui continuent à jouer le rôle militant après le putsch de 2021. On cite notamment Samir Dilou, Rached Ghannouchi (qui traine plein d'affaires en justice), Ali Laârayedh (actuellement en prison), Noureddine Bhiri ou Abdellatif Mekki et Abderrazek Kilani.