Contrairement à ce que l'on pense, Ommek Saneffa maîtrise très bien les chiffres. En excellente cuisinière, elle sait très bien que, pour faire un bon couscous, le temps de cuisson des pois chiches est différent de celui des pommes de terre. Elle sait aussi que les grammages du sucre, de la farine et du beurre peuvent faire réussir comme faire complètement foirer sa recette de tarte aux fraises. Tout cela elle le sait et c'est pour cela que Ommek Saneffa est un ouvrage de référence en Tunisie en matière de concoction de bons petits plats maison.
Il n'est pas honteux de ne pas savoir des choses, de ne pas tout connaitre et tout maitriser. Personne ne sait tout. Nous sommes tous l'ignorant de quelqu'un et l'inculte dans un ou plusieurs domaines. Ce qui est honteux, en revanche, c'est de prétendre tout savoir et de dénigrer ceux qui, eux, s'y connaissent dans un domaine bien particulier. Ce qui est honteux aussi c'est de vouloir diriger seul tout un pays alors qu'on en ignore les fondements les plus rudimentaires et qu'on entraine, à cause de son ignorance, tout un peuple dans sa chute. Le chef de l'Etat – oui encore lui – ne s'y connait pas en économie. Ceci est une évidence pour tout le monde, sauf pour lui. Lui, ne s'en offusque pas outre mesure. Pire encore, il refuse de se faire aider, entourer, conseiller par ceux qui s'y connaissent et préfère déblatérer ses inepties au vu et au su de tous. Peu importe si cette ignorance peut impacter la vie de tout un peuple. Elle l'impacte déjà et cela se fait ressentir chaque jour.
Kaïs Saïed ignore sans doute sa propre ignorance en voulant « clarifier la situation financière et monétaire du pays », à l'occasion du forum mondial de Davos. Devant sa cheffe de gouvernement, sa ministre des Finances et le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, il n'hésite pas à minimiser l'importance des chiffres et des équilibres économiques affirmant que la situation « ne peut être abordée sur la base de chiffres et de taux uniquement, mais en prenant en considération les conditions sociales en premier lieu ». Pour lui, les équilibres financiers « ne se mesurent pas uniquement selon les critères des revenus et des dépenses mais tiennent compte, également, du principe de l'équité sociale, comme l'indique la constitution du 25 juillet 2022 ». Qu'est-ce que cela peut-il bien vouloir dire concrètement ? Des propos pareils ne s'inventent pas. Et pourtant, ce genre de propos n'est pas inédit à Carthage lorsqu'il s'agit d'économie. Rappelez-vous lorsque le président de la République s'était moqué des agences internationales de notation qu'il a qualifiées d'Ommek Saneffa. Un jeu de mots gênant par lequel il a voulu dire qu'elles n'ont pas le droit de donner des notes à la Tunisie. C'était après que l'une d'elles a dégradé la notation souveraine de la Tunisie. Autre souvenir gênant, celui du jour où il s'est moqué de la commission de Venise dont il a expulsé les membres après que cette dernière a publié un rapport incendiaire sur la situation politique en Tunisie.
Aujourd'hui, alors que le gouvernement est en Suisse, pour participer à Davos, l'un des rendez-vous économiques les plus importants au monde, que le FMI n'a pas encore programmé le dossier de la Tunisie dans son agenda, que le pays a plus que jamais besoin de ses partenaires pour sortir la tête de l'eau, Saïed s'aventure encore à vouloir donner des leçons et pense qu'il peut, à son niveau, réinventer la roue. En attendant, l'on se permet de donner des leçons sur des choses que l'on ne maîtrise pas alors qu'en réalité - et n'ayons pas peur de le dire - nous allons quémander quelques sous. Il y a un vieux dicton tunisien qui résume très bien cette honteuse situation, mais vous le connaissez sans doute tous très bien…