2023 s'annonce être une année compliquée pour la Tunisie. Outre les problèmes financiers s'ajoute le stress hydraulique. Ainsi, alors que le pays peine à trouver des ressources financières pour financer son budget, il se retrouve confronté à une rareté de l'eau, donc à une baisse des récoltes en fruits et légumes mais surtout en céréales. Le point. Vendredi 21 avril 2023, jour de Aïd Esseghir, l'ambassadeur américain, Joey Hood a profité de l'occasion pour féliciter le peuple tunisien et annoncer l'arrivée d'une cargaison de 25 mille tonnes de blé dur en provenance de son pays. Un don qui tombe à pic vu les prévisions, qui sont de plus en plus pessimistes. En effet, le Syndicat des agriculteurs de Tunisie (Synagri) avait annoncé fin mars dernier que selon des estimations préliminaires, la récolte sera en deçà de celle espérée, ne dépassant pas les quatre millions de quintaux, soit seulement 12,5% des besoins du pays estimés à 32 millions quintaux. Et d'appeler les autorités de tutelle à se rendre aux endroits où les cultures n'ont pas été sinistrées, à Bizerte, Béja et Jendouba, pour mettre de côté les semences de l'année prochaines. Or, la situation a évolué depuis et l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (Utap) a revu à la baisse ces estimations pensant que les récoltes de céréales ne dépasseront pas les 1,8 à 2,5 quintaux, ne couvrant même pas les besoins en semence pour l'année prochaine. Outre les dégâts enregistrés au niveau des arbres fruitiers, des légumes et des fourrages et par extension à l'élevage de bétail.
Certes, le ministère de l'Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche a pris une batterie de décisions et mesures, mais qui interviennent bien tard, sachant que quatre années de sécheresse se sont suivies et qu'il n'y a pas eu de stratégie annoncée pour contrer ce fléau. Et il a fallu que les citoyens réagissent face aux coupures fréquentes d'eau pour que le ministère reconnaisse l'état de fait et annonce les mesures aux citoyens. Ainsi, le gouvernement devra s'approvisionner en céréales mais aussi en diverses denrées habituellement produites en Tunisie sur les marchés internationaux et en devise, pour faire face à la demande des Tunisiens. Or, avec nos ressources limitées, n'ayant toujours pas conclu d'accord avec le Fonds monétaire international (FMI), la situation risque de devenir compliquée avec, probablement, une succession de pénuries touchant les produits de base et le carburant (les produits importés par l'Etat). En plus, avec les restrictions à l'importation imposées au secteur privé, sa diabolisation et la cabale faite contre tout stockage, le tout avec volonté de maîtriser l'inflation en fixant les prix sans prendre en compte les coûts de revient, la situation risque de se compliquer davantage.
Rappelons dans ce cadre que dans la loi de finances 2023, l'Etat a décidé d'accroître ses dépenses en augmentant la pression fiscale et qu'il table, tout au long de l'année 2023, sur l'engrangement de 14,86 milliards de dinars de ressources provenant d'emprunts extérieurs et 9,53 milliards de dinars de ressources provenant d'emprunts intérieurs. En 2022, l'Etat tunisien a réussi à mobiliser 18,16 milliards de dinars de ressources d'emprunt à fin décembre 2022 sur les 21,19 milliards de dinars prévus dans la loi de finances rectificative 2022 (-1,8 milliard de dinars que les prévisions). 10,5 milliards de dinars proviennent de l'emprunt intérieur, soit 1,22 milliard de dinars de plus que ce qui a été prévu dans la LFR 2022 et +3,17 milliards de dinars dans la LF 2022. 7,65 milliards de dinars proviennent d'emprunts extérieurs, soit moins de 4,26 milliards de dinars que ce qui a été prévu dans la LFR 2022 et moins cinq milliards de dinars dans la LF 2022 Ainsi, l'Etat a réussi à minimiser la casse grâce aux appuis budgétaires étrangers reçus, n'ayant pas réussi à conclure un accord avec le FMI, et grâce aux emprunts intérieurs. Le hic, c'est que le recours intensif au marché intérieur l'a épuisé et a accentué l'effet d'éviction du secteur privé du marché du crédit alors qu'il souffre déjà du resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale de Tunisie (BCT). D'ailleurs, les bons de trésor assimilables (BTA) ne trouvent plus preneur. Les banques préfèrent les bons de trésor à court terme (BTC) car refinancés par l'autorité monétaire. D'ailleurs, cette dernière a injecté en 2022 quatre milliards de dinars pour le financement du budget de l'Etat : l'encours de financement étant passé de douze milliards de dinars à seize milliards de dinars. Soulignons aussi que généralement, ce sont les fournisseurs de l'Etat et les bénéficiaires de la compensation qui trinquent. Business News a vérifié auprès de certains d'entre eux et la majorité a été payée sur des anciens dus et doit toujours à l'Etat plusieurs mois d'impayés en retard.
2023 s'annonçait déjà compliquée avec les problèmes budgétaires de l'Etat, mais avec le stress hydraulique, il faudra s'attendre au pire, surtout si une solution financière n'est pas vite trouvée. Le manque de fonds pourrait obliger le gouvernement à faire des choix, comme l'année dernière et se matérialiser par des pénuries. Affaire à suivre.