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Enquête sur les sociétés communautaires : entre mythe et réalité !
Publié dans Business News le 03 - 09 - 2023

Nous voilà près d'un an et demi après la publication du décret relatif aux sociétés communautaires. Il a été publié le 21 mars 2022. Un texte de loi qui, d'après le président de la République et porteur de ce projet, Kaïs Saïed, servira de locomotive à la croissance économique et au développement régional. Il s'avère que la réalité est bien plus contrastée.
La Tunisie est devenue, malheureusement, célèbre pour ses crises continues, son instabilité et son incapacité à remédier aux problèmes économiques. Les débats autour de l'adoption d'un nouveau modèle économique n'ont pas cessé depuis la révolution du 14 janvier 2011. L'importance d'adopter une nouvelle politique ou stratégie était évidente. Tout le monde semblait être d'accord à ce sujet. Néanmoins, ceci n'a pas conduit à de véritables changements !
Contexte politique et économique :
Il y a eu plusieurs tentatives imprégnées d'une légère touche idéologique. Au temps de la Troïka, nous avons vécu un rapprochement économique avec la Turquie et le Qatar. Par la suite, il y a eu un petit équilibrage entre les échanges avec les pays musulmans et la collaboration avec l'Occident. On parlait d'une nouvelle politique de voisinage, voire de la création d'un espace commun entre la Tunisie et l'Union européenne afin de favoriser la coopération économique et d'encourager les échanges entre les deux parties.
Malgré toutes ces tentatives, la Tunisie a continué à sombrer dans l'endettement et à aggraver son déficit budgétaire et commercial. Le changement du paysage politique à la suite de la désintégration de Nidaa Tounes, de la baisse de la cote de popularité d'Ennahdha et de l'élection en 2019, et pour la première fois de l'histoire de la Tunisie, d'un président n'appartenant à aucun parti politique, aurait pu être le catalyseur d'une nouvelle politique économique. Malheureusement, la volonté politique s'est avérée être axée sur le maintien du pouvoir plus que la mise en place de réforme. Le coup d'Etat du 25 juillet 2021 opéré par Kaïs Saïed n'a fait que consolider ce constat.
Depuis la monopolisation des pouvoirs, le chef de l'Etat, Kaïs Saïed, n'a cessé de répéter qu'il cherchait à mettre en place un système permettant aux Tunisiens de jouir des biens du pays et d'exploiter ses richesses. Afin de concrétiser ce projet, le président de la République a promulgué le décret N°15-2022 relatif aux sociétés communautaires publié au Jort N°30 du 21 mars 2022. L'article n°2 de ce texte affirme que la création de ce genre d'entreprise a pour principal but de réaliser la justice sociale et la répartition équitable des richesses à travers l'exercice collectif d'une activité économique au sein de l'espace géographique dans lequel les personnes l'ayant fondé se trouvent.
Les premières anomalies :
Rapidement et en raison de quelques dispositions de ce décret, un parallèle a été fait entre ce nouveau type d'entreprise et les coopératives agricoles. Un épisode de l'histoire de la Tunisie assez inquiétant et angoissant. L'idée était de réunir les producteurs, les agriculteurs et autres acteurs du secteur et de les organiser afin d'assurer une hausse de la production, une modernisation de l'agriculture et le plein emploi de ces derniers. Idem pour les entreprises communautaires, l'idée d'un point de vue purement théorique reste noble. Néanmoins, la pratique en a démontré les limites.
Tout d'abord, la question de la création de ces entreprises reste épineuse. Cette « innovation » se veut transversale et cherche à toucher l'intégralité des secteurs économiques en Tunisie. Or, la réalité est toute autre ! On n'entend parler que d'une chose : les sociétés communautaires agricoles. Les fondateurs de ces structures se ruent vers l'exploitation des terres domaniales délaissées. Essayer d'accéder à un autre secteur serait difficile.
De plus, les Tunisiens n'ont pas été vraiment emballés par l'idée des entreprises communautaires. Le nombre de sociétés similaires juridiquement constituées en Tunisie reste très limité, notamment durant les premiers mois suivant la promulgation du décret en question. On remarquera même l'absence totale de société communautaire durant les premiers mois suivant la promulgation du texte malgré tout le tapage qui l'a accompagné. Ceci pourrait être le fruit de deux éléments souvent évoqués par les critiques de ce type d'entreprises :
En premier lieu, l'absence de clarté au sujet de ces sociétés. Il s'agit de structures inconnues pour les Tunisiens. La question de la gestion de celles-ci est problématique. Il n'y a pas de modèle à suivre ou d'exemple à étudier. Quel modèle de statut ou de règlement adopter ? Quel formulaire remplir et quel document présenter ? Des questions auxquelles les plus de 90 articles du décret ne répondent pas.
En second lieu, les entreprises communautaires ont du mal à séduire les Tunisiens à cause de leur caractère excessivement utopique. Ces entreprises n'ont pour objectif que de servir l'intérêt public. La question des gains et de l'épanouissement économique personnel est abordée comme étant un élément secondaire. Les fondateurs de la société communautaire ne doivent pas être en quête de gains et de richesses. Ils devront se démener pour faire gagner de l'argent à l'entreprise qui à son tour financera les projets permettant de garantir le développement de la région.
Un processus qui a du mal à s'imposer :
Pour ce qui est de l'évolution chronologique du nombre des entreprises communautaires, l'étude des données publiées par le Journal officiel des annonces légales indique que la première société de ce type a juridiquement été créée en octobre. La courbe ci-dessous démontre clairement l'absence d'entreprise communautaire de mars à septembre 2022. Par la suite, deux entreprises ont été créées en octobre, deux autres en novembre, puis cinq en décembre.
Concernant la période janvier-août 2023, il y a eu une hausse remarquable du nombre de sociétés de ce genre suivie par un recul significatif. En janvier, huit sociétés ont été créées, sept en février, treize en mars, quatorze en avril et treize en mai. Ces cinq mois cumulent 55 entreprises communautaires, soit 69,62%. Cette hausse pourrait être liée à l'annonce de la création d'une ligne de financement des entreprises communautaires au sein de la loi de finances 2023.
Les deux mois suivants ont reflété une baisse de l'engagement des Tunisiens envers les entreprises communautaires. Sept entreprises ont vu le jour en juin et seulement deux en juillet. Par la suite, la courbe montre un petit rebondissement avec six sociétés créées en août. Ceci pourrait être expliqué par le lancement officiel et l'ouverture de l'accès à la ligne de financement évoquée par la loi de finances 2023. Ceci avait eu lieu en milieu du mois de juillet.
L'étude de la courbe d'évolution du nombre d'entreprises communautaires créées depuis la publication du décret en question démontre une instabilité et l'incertitude des Tunisiens vis-à-vis de ces sociétés. Le nombre d'entreprises créées semble insignifiant par rapport aux discours et aux appels lancés par le chef de l'Etat, Kaïs Saïed, pour la création de sociétés communautaires.

Typographie des entreprises communautaires :
Selon le Journal officiel des annonces légales, depuis la promulgation du décret en mars 2022 jusqu'à août 2023, 79 entreprises communautaires ont été créées, neuf durant la période mars-décembre 2022 et 70 durant la période janvier-août 2023.
Pour ce qui est de 2022, cinq entreprises communautaires s'étaient spécialisées dans le domaine de l'agriculture, soit 55,55%. Deux sociétés, soit 22,22%, œuvrent dans le domaine de l'environnement. Deux des neuf projets restants concernent les domaines du tourisme et du transport.
Concernant les huit premiers mois de 2023, 70 entreprises communautaires ont vu le jour. 43 d'entre elles se sont spécialisées dans l'agriculture, soit 54,43%. À la deuxième place du classement se trouvent les entreprises spécialisées dans le transport. Il s'agit de huit entreprises, soit 11,42%, suivi du secteur des services avec quatre sociétés, soit 5,06% et du secteur de l'extraction minière avec trois entreprises (3,79%).
Pour le reste, il s'agit des secteurs du tourisme, du textile et habillement, de la construction et bâtiment, du jardinage et de l'environnement et de la culture et divertissement avec respectivement deux entreprises par secteur, soit 2,53%. À la dernière place du classement, se trouvent les médias et communication et de l'énergie avec une société par secteur, soit 1,26%.
Au total et depuis la promulgation du décret N°15-2022 relatif aux sociétés communautaires, 48 sociétés agricoles ont été créées. Ce chiffre représente 60,75% du nombre total des entreprises. Ce chiffre reflète la domination des projets à caractère agricole et l'attachement à la question de l'exploitation des terres domaniales et de la sécurité alimentaire. Il s'agit principalement de sociétés cherchant à exploiter des terres domaniales afin de les cultiver ou d'élever du bétail.
Les deux autres secteurs occupant la deuxième et la troisième place du podium sont ceux du transport, du tourisme et de l'environnement. Le premier se trouve en deuxième position avec neuf entreprises créées entre mai 2021 et août 2023. Le tourisme et l'environnement se départagent la troisième position avec quatre entreprises par secteur, soit 5,06% chacun.
Les autres secteurs concernés sont ceux de l'extraction minière avec trois projets (3,79%), de construction et du bâtiment avec deux projets (2,53%) et un seul projet touchant à l'énergie (1,26%). On notera que ce projet se spécialise dans les énergies renouvelables.


Répartition géographique :
En 2022, seulement neuf entreprises communautaires ont été créées. Ce faible nombre expluque que la quasi-totalité du territoire tunisien n'était pas concernée par ce genre de projets. Celles-ci ont été implantées dans seulement six gouvernorats. Celui en ayant accueilli le plus grand nombre est celui de Gafsa avec trois sociétés du genre. Il est suivi de Mahdia avec deux entreprises. Les quatre autres entreprises ont été créées chacune à Béjà, Jendouba, Nabeul et Sidi Bouzid.
En 2023, le nombre de gouvernorats concernés a considérablement évolué. Il est passé de six à 19. La quasi-totalité du territoire a été touchée par ce phénomène. Les seuls gouvernorats n'ayant pas témoigné de la constitution juridique de sociétés communautaires sont ceux de Kébili, de Tataouine, du Kef, de Monastir et de Ben Arous.
Le gouvernorat avec le plus d'entreprises communautaires est celui de Gafsa. Il compte 19 structures du genre. Il est suivi de celui de Sidi Bouzid avec neuf entreprises communautaires. En troisième position, se trouve le gouvernorat de Kasserine avec six entreprises citoyennes.
Le décompte final montre que le gouvernorat de Gafsa est celui ayant le plus d'entreprises citoyennes avec 22 sociétés juridiquement constituées, soit 27,84% du total. Il est suivi de Sidi Bouzid avec dix entreprises citoyennes (12,65%), de Kasserine et de Jendouba avec six entreprises chacun (7,59%), de Siliana avec cinq entreprises (6,32%), de Kairouan, de Médenine et de Mahdia avec quatre entreprises chacun (5,06%), de Nabeul et Gabès avec trois entreprises chacun (3,79%) et de Tunis, Béja et Sfax avec deux entreprises chacun (2,53%).
Malgré les nombreuses tentatives du système en place et les appels à créer davantage d'entreprises citoyennes, les Tunisiens ne semblent pas être convaincus de la chose. Les chiffres reflètent le poids négligeable de ce type d'entreprise. Le tissu économique tunisien a dépassé la barre de 800.000 entreprises depuis l'année 2020. Ces chiffres nous montrent le faible impact des entreprises citoyennes, se voulant être la nouvelle locomotive de la croissance économique et du développement. Ces quelques 79 sociétés n'ont même pas atteint la barre des 0,01% du total des entreprises créées en Tunisie.
Ce chiffre ridicule démontre que la mise en place de ces structures n'a pas été étudiée de façon scientifique. Il prouve, également, que l'Etat a créé un nouveau type d'entreprise sans en expliquer la philosophie ou le fonctionnement aux citoyens. La question des entreprises communautaires reste un élément de propagande auquel on fait appel pour vendre du rêve en temps de crise. De plus, l'introduction de ces nouvelles structures n'a pas été accompagnée de réformes notables en matière de procédures administratives ou de textes juridiques relatifs à l'investissement. La création de ces entreprises n'aura pas d'impact en raison de l'absence d'une politique claire en matière d'investissement. Pour le moment, les entreprises citoyennes relèvent de l'utopie voire de l'imaginaire fantastique plus que du réel.


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