Elle a fait trembler les islamistes pendant des années et elle est, maintenant, la bête noire du régime putschiste de Kaïs Saïed. Avec sa triple casquette d'avocate, de chroniqueuse dans les médias et de militante, Sonia Dahmani dérange et c'est suffisant pour qu'elle soit persécutée par les partisans de Kaïs Saïed. Sonia Dahmani est de nouveau convoquée devant la justice. La dernière fois, c'était en janvier suite à une plainte déposée par la ministre de la Justice en personne, pour des propos tenus à l'antenne. On ignore encore les raisons de sa nouvelle convocation, mais il est fort à parier que c'est à cause de sa langue qu'elle ne sait décidément pas tenir. Cette nouvelle plainte est concomitante avec une très large campagne hostile sur les réseaux sociaux. Campagne essentiellement menée par les partisans du régime putschiste de Kaïs Saïed. Comme souvent, quand il s'agit de femmes, le dénigrement porte un nauséabond caractère sexuel. La campagne a démarré en milieu de semaine avec une exclamation à la matinale d'IFM, une des émissions politiques les plus suivies du paysage médiatique tunisien. S'exprimant à propos de la migration irrégulière, elle a dit : " De quel pays extraordinaire parle-t-on ? Celui que la moitié des jeunes veulent quitter ?". C'était suffisant pour que les laudateurs du régime réagissent au quart de tour et injurient l'avocate sur des centaines de comptes des réseaux sociaux. La dame est habituée et a une solide carapace qui l'immunise contre les propos écœurants des laudateurs du régime. Jeudi 9 mai, tard le soir, Sonia Dahmani annonce qu'elle a reçu une convocation pour comparaitre devant le juge d'instruction, conformément aux dispositions de l'article 24 du décret 54 liberticide. Le même article et le même décret que dans la poursuite de Leïla Jaffel, ministre de la Justice. Elle risque jusqu'à dix ans de prison. Le timing de la convocation est troublant. Sa concomitance avec la campagne hostile des réseaux sociaux ne saurait être une simple coïncidence.
Sonia Dahmani dérange et cela ne date pas d'aujourd'hui. Sous le régime de la troïka, elle était tout le temps aux premiers rangs pour épingler le pouvoir, le président de l'époque Moncef Marzouki et les islamistes du gouvernement. Ses informations précises et ses analyses percutantes ont longtemps empêché la troïka de faire ce qu'elle voulait du pays. Sous ce régime putschiste de Kaïs Saïed, Me Dahmani n'a pas changé son fusil d'épaule. Elle a même gagné en expérience et maturité. Elle est là pour contredire et démentir la propagande des gouvernants et leurs laudateurs. Tous les jours sur IFM et chaque semaine sur Carthage +, elle fait face Néjib Dziri, parachuté chroniqueur, en dépit de ses limites intellectuelles, son vocabulaire populiste et son bagage culturel proche du zéro. Avant le putsch du 25 juillet 2021, Néjib Dziri était proche des islamistes et se prenait en photo avec Rached Ghannouchi. Puis, il a retourné sa veste pour être aux côtés de Nabil Karoui avant de retourner sa veste, une nouvelle fois, pour devenir un fervent défenseur zélé du régime Kaïs Saïed. Fortement suivie, l'émission d'IFM éclaire le public sur les limites du régime. Il n'est pas rare que des clashs éclatent entre Néjib Dziri et les journalistes-analystes sensés du plateau, tant la différence de niveau est grande. C'était le cas avec Hassen Ayadi (qui a fini par démissionner), avec Zied El Héni (qui a été licencié) puis avec Mourad Zeghidi et Sonia Dahmani qui continuent à résister à la petitesse et mesquinerie du représentant du régime. Cherchant à faire taire coute que coute cette émission à fort audience, le régime a lancé plusieurs affaires en justice, contre l'animateur-vedette Borhen Bssais et ses chroniqueurs, mais aussi contre l'actionnaire principal et le directeur de la radio. La convocation de Sonia Dahmani du 9 mai n'est donc qu'un épisode de plus dans l'acharnement du pouvoir contre la matinale d'IFM. Il ne veut plus de ton libre et critique dans le paysage médiatique. La campagne concomitante sur les réseaux sociaux ciblant l'avocate est là pour appuyer la pression.
Le régime putschiste a, certes, ses partisans qui réagissent au quart de tour, mais Sonia Dahmani ne manque pas de fans, non plus. Elle pourrait même être plus populaire que lui. Rebondissant sur la convocation, le secrétaire général d'Attayar et ancien député, Nabil Hajji, diffuse cette célèbre chanson entonnée dans tous les virages des stades et appréciée par tout le public footballistique : « ô grands parents, on est venus dans ce trou qu'ils appellent notre pays ! ». « Ecoutez cette chanson et vous connaitrez l'opinion des habitants de ce pays sur ce pays. Il se trouve que Sonia Dahmani dérange car elle a gardé sa voix haute quand la majorité est allée se cacher sous la table », fait remarquer M. Hajji. Le célèbre blogueur Mehrez Belhassen (également connu sous les pseudonymes Bigga, big trap boy et extravaganza) a multiplié les publications de soutien depuis l'annonce de la convocation de Me Dahmani. Il a fait le parallèle avec la honteuse photo de la piscine de Radès et la grève de la faim du prisonnier politique Jaouhar Ben Mbarek, s'interrogeant qu'est-ce qui est plus préjudiciable pour l'image de la Tunisie, les propos sincères de Sonia Dahmani ou la mort d'un homme en prison ou encore le fait de cacher le drapeau tunisien avec un torchon. Comme MM. Belhassen et Hajji, ce sont des centaines de partisans de l'avocate qui lui manifestent depuis hier leur soutien. Leur poids et leur nombre est, incontestablement, plus important que les laudateurs du régime putschiste. Il n'y a pas que cette différence. Le niveau général des partisans de Me Dahmani est sans commune mesure avec celui des partisans du régime putschiste. Alors que ces derniers ne font qu'injurier et user de propos dégradants, les opposants du régime et soutiens de Me Dahmani font appel au bon sens et aux valeurs universelles. Cette différence de niveau est visible à l'œil nu sur les réseaux sociaux et audible, tous les matins, sur IFM. Et c'est ce qui exaspère le régime de Kaïs Saïed, il n'arrive pas à attirer vers lui des leaders d'opinion sensés et crédibles. Il doit compter sur des gens comme Néjib Dziri et Atef Ben Hassine, qui a superbement échoué aux dernières législatives et qui a été le premier à lancer les invectives contre Sonia Dahmani. À défaut de pouvoir ramener les meilleurs, le régime se démène pour les harceler à coups de convocations judiciaires et de campagnes orchestrées nauséabondes sur les réseaux sociaux.