Les soldes d'été démarreront dans une dizaine de jours et un nouvel échec se profile. Non seulement la loi entravante n°40 de 1998 régissant les soldes n'a pas été amendée mais le pouvoir d'achat du Tunisien est en érosion constante. Le ministère du Commerce et du Développement des exportations a annoncé, ce lundi 29 juillet 2024, le démarrage des soldes d'été le mercredi 7 août jusqu'au mardi 17 septembre 2024. Cela dit, et malgré l'échec de la dernière saison de soldes, aucune mesure n'a été annoncée par le ministère pour la réussite de cet événement semestriel.
Mi-férier dernier, le président de la Chambre nationale syndicale du commerce du textile et du prêt-à-porter, Mohsen Ben Sassi avait annoncé l'échec de la période de solde, en expliquant que la majorité des Tunisiens ne s'y était pas intéressée. Ainsi, les commerçants participants à la période des soldes ont constaté une récession en plus d'une baisse des ventes par rapport aux années précédentes. Et d'estimer que cette baisse des ventes est la conséquence directe de la dégradation du pouvoir d'achat des Tunisiens et de la détérioration de la situation économique du pays. Il faut dire que les prix de vente sont en hausse à cause de la hausse des prix des matières premières (tissus, accessoires, …) pour les produits confectionnés localement et la hausse des droits de consommation et de douane de presque 100% pour le prêt-à-porter importé outre la hausse exorbitante des coûts de transport alors que le pouvoir d'achat des Tunisiens stagne.
Même si l'inflation a été contenue à 7,3% en juin 2024, contre 7,2% en mai 2024, selon les dernières statistiques publiées par l'Institut national de la Statistique (INS), le ressenti des Tunisiens est autre et quand on observe dans le détail, l'inflation est à deux chiffres pour plusieurs produits de consommation courante de type alimentaire. Au total, les prix de dix familles de produits ont augmenté plus vite que l'inflation enregistrée en juin 2024 et sept ont enregistré une hausse à deux chiffres. En général, on recommande que l'inflation ne dépasse pas les 3% dans un pays, ce qui stimule l'économie et préserve le pouvoir d'achat. Or, on est au-dessus de ce taux, ce qui explique les difficultés rencontrées par les Tunisiens et la baisse flagrante de leur pouvoir d'achat ces dernières années. Ainsi, il y a six denrées dont l'inflation a été supérieure à 15% en un an. Il s'agit du café en poudre avec une hausse de plus de 35%, suivi par la viande d'agneau et de mouton avec une hausse de 24,3%, puis l'huile alimentaire avec une hausse de 22%. Les sels et condiments, la viande bovine ainsi que les légumes frais figurent dans le Top 6 des hausses de plus de 15%. Les prix ont augmenté respectivement de 16,7%, 16% et 15,5%. Toutes les denrées sont consommées quotidiennement par le Tunisien, ce sont elles qui plombent son couffin et qui sont à l'origine de son ressenti que l'inflation réelle est bien supérieure à celle officiellement déclarée par l'INS. L'inflation officielle prend en compte d'autres produits dans son panier qui ne sont pas forcément achetés quotidiennement par les citoyens ou qui ne pèsent pas trop lourds dans son budget. Ainsi le cas des meubles et articles de ménage (4,2%), des télécommunications (2,2%), des loisirs et culture (5,4%) des prix du loyer et des factures d'eau et d'électricité (6,2%). Tous ces produits qui n'ont pas connu une hausse significative durant les douze derniers mois font tomber le chiffre officiel global de l'inflation. C'est arithmétique.
D'ailleurs, le professeur universitaire en sciences économiques, Ridha Chkoundali, avait expliqué en mai dernier que « ce qui compte, pour le citoyen tunisien, c'est ce qu'il dépense quotidiennement en nourriture et autres produits, et dont l'inflation est le double ou le triple de la moyenne générale d'inflation, et ce qu'il ressent réellement face à l'inflation des prix. Aussi, ce que surveille le citoyen tunisien, c'est le comparatif des prix avec le mois précédent et non au même mois de l'année dernière. Or, l'inflation mensuelle a augmenté à 0,9% au mois d'avril contre 0,7% au mois de mars, ce qui signifie que les prix continuent à évoluer de façon insensée jusqu'à des niveaux que les citoyens tunisiens ne peuvent plus suivre ». En juin 2024, les prix à la consommation augmentent de 0,5% en un mois. Cette augmentation est principalement attribuée à la hausse des prix de l'alimentation de 0,4% notamment due à la hausse des prix des viandes ovines de 2,5% alors que les prix du groupe habillement et chaussures a augmenté de 1,7%. Le Tunisien est obligé de faire des arbitrages de favoriser les dépenses de première nécessité comme la nourriture, les soins, les médicaments sur d'autres dépenses moins importantes comme celles conscrées à l'habillement. D'ailleurs, de plus en plus de Tunisiens s'approvisionnent dans la friperie, vu qu'ils ne sont plus capables d'acheter des vêtements neufs.
Autre facteur impactant et qui est pointé par les professionnels dans l'échec des soldes est le non-amendement de la Loi n°40 de 1998 régissant les soldes : une loi qui est devenue entravante pour les commerçants. À titre d'exemple, cette loi ne permet pas aux boutiques de faire des soldes sur les nouvelles collections (à moins de 90 jours d'arrivage), ce qui explique que les Tunisiens ne trouvent pas souvent les produits exposés avant les soldes mais d'anciennes collections, décevant de ce fait les acheteurs. Intervenant ce matin même au micro de Jihene Miled dans l'émission Ahla Sbeh sur Mosaïque FM, Mohsen Ben Sassi avait réitéré son appel au ministère pour s'assoir à la table du dialogue et amender cette loi qui est devenue archaïque et ne répond plus à la demande et aux besoins des Tunisiens.
Les soldes d'été arrivent, mais les Tunisiens ont d'autres priorités comme nourrir leurs familles. Il est plus qu'évident qu'acheter des vêtements n'est pas leur priorité. Avant leur démarrage, la saison des soldes est déjà mise à mal.