Les unités de la Garde maritime de la région du centre ont mené plusieurs opérations distinctes dans la nuit du 16 au 17 mars 2025. Ces interventions ont permis de secourir 612 migrants en situation irrégulière, originaires d'Afrique subsaharienne, dont les embarcations en panne risquaient de couler en pleine mer. La direction générale de la Garde nationale a précisé, dans un communiqué, que plusieurs tentatives de traversée illégale avaient été déjouées. Au cours de ces opérations, 18 corps de migrants ont été retrouvés.
Réagissant à cette annonce, le porte-parole du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), Romdhane Ben Amor, a souligné que les autorités communiquaient pour la première fois depuis juin 2024 des chiffres sur les migrants interceptés. Il s'interroge cependant sur le sort réservé à ces personnes une fois débarquées sur le sol tunisien.
Parallèlement, une vidéo largement partagée sur les réseaux sociaux montre un navire de la Garde nationale transportant plusieurs dizaines de migrants subsahariens interceptés en mer alors qu'ils tentaient de rejoindre clandestinement l'Europe. Ce qui a particulièrement retenu l'attention des internautes, c'est l'absence de détails concernant ce qui se passe après ces opérations de rapatriement, alors que les migrants sont empêchés d'atteindre les côtes italiennes. Il demeure flou où ces personnes sont placées une fois débarquées.
En juillet 2023, l'Union européenne (UE) et la Tunisie ont signé un mémorandum d'entente visant à renforcer leur coopération en matière de gestion migratoire. Cet accord prévoit une aide financière à la Tunisie pour renforcer le contrôle des frontières, les opérations de recherche et de sauvetage en mer, ainsi que les mesures de lutte contre le trafic d'êtres humains afin de réduire le nombre d'arrivées en Europe depuis la Tunisie. L'accord a toutefois suscité des critiques de la part de certains eurodéputés et organisations de défense des droits de l'Homme. Ils estiment qu'il ne prend pas suffisamment en compte les violations des droits humains en Tunisie, notamment les violences, les rafles et les arrestations arbitraires à l'encontre des migrants subsahariens. Des rapports font, en effet, état d'expulsions illégales de centaines de personnes vers des zones frontalières avec la Libye et l'Algérie, où elles sont exposées à des conditions dangereuses sans accès à l'aide humanitaire. Bien que le mémorandum entre l'UE et la Tunisie vise à renforcer la gestion migratoire, il a été vivement critiqué pour son manque d'attention aux violations des droits humains et aux méthodes adoptées pour intercepter ou secourir les migrants, tant sur terre qu'en mer.
Depuis, il s'est clairement avéré que les interceptions menées par la Tunisie ont contribué à réduire de plus de 60 % les arrivées de migrants en Italie rien qu'en 2024. L'Organisation maritime internationale a même annoncé la création d'une zone de recherche et de sauvetage (SAR) sous responsabilité tunisienne afin d'intercepter un plus grand nombre de migrants tentant de traverser la mer. Soutenue par l'Italie, cette initiative impose aux navires tunisiens d'intervenir au-delà des eaux territoriales pour secourir les migrants et les ramener en Tunisie.
On peut donc imaginer que de nombreux migrants sont ainsi ramenés sur le sol tunisien, confrontés à des tensions de plus en plus palpables et à un avenir incertain. La Ligue tunisienne pour la défense des droits de l'Homme (LTDH) a d'ailleurs alerté samedi sur la détérioration des conditions de vie des migrants subsahariens dans le pays et la gestion chaotique de la crise migratoire. La Ligue a exigé la fin immédiate de toutes formes de violences, d'abus et de discriminations envers les migrants. Elle a également appelé les autorités à assumer pleinement leurs responsabilités face aux décisions politiques ayant contribué à l'aggravation de la situation. La Ligue plaide pour l'adoption de politiques migratoires respectueuses des droits humains, tout en prenant en compte les impératifs économiques et sociaux du pays. Elle insiste sur l'importance d'une coordination renforcée entre l'Etat et la société civile pour aborder la question migratoire sans recours à des discours haineux. Dans sa déclaration, la LTDH rappelle que le respect des droits fondamentaux doit être garanti sans discrimination. Elle exhorte les autorités à mettre en place des politiques migratoires responsables, équilibrant la protection des droits humains avec la stabilité économique et sociale. Enfin, la Ligue met en garde contre toute instrumentalisation populiste de cette crise, qui risquerait d'aggraver les tensions et de nuire à la cohésion nationale.