Marine Le Pen a été reconnue coupable de détournement de fonds publics, lundi 31 mars 2025, par le tribunal de Paris, qui poursuivait la lecture de son jugement, décisif pour l'avenir politique de la cheffe de file de l'extrême droite. La présidente Bénédicte de Perthuis a débuté la lecture de son jugement vers 10H20 - la lecture devrait durer au moins deux heures. Elle a condamné tous les élus, dont Marine Le Pen, à une peine d'inéligibilité avec exécution immédiate. Cette peine d'inéligibilité était attendue car elle est obligatoire pour le détournement de fonds publics (le délit reproché à Marine Le Pen), mais l'exécution provisoire l'est beaucoup moins. Devant Marine Le Pen, assise en veste bleue au premier rang, aux côtés notamment du vice-président du parti Louis Aliot, le tribunal a rapidement annoncé que les neuf eurodéputés poursuivis étaient coupables de détournement de fonds publics, et les douze assistants coupables de recel. Ils ont signé des « contrats fictifs » et il y a bien eu l'existence d'un « système » au sein du parti, a déclaré la présidente Bénédicte de Perthuis. « Il a été établi que toutes ces personnes travaillaient en réalité pour le parti, que leur député ne leur avait confié aucune tâche », qu'ils « passaient d'un député à l'autre », at-elle détaillé. « Il ne s'agissait pas de mutualiser le travail des assistants mais plutôt de mutualiser les enveloppes des députés », a-t-elle poursuivi. « Que les choses soient claires : personne n'est jugée pour avoir fait de la politique, ce n'est pas le sujet. La question, c'était de savoir si les contrats ont reçu une exécution ou pas », a déclaré le magistrat. Au terme de deux mois de procès (30 septembre-27 novembre) et à la surprise générale, l'accusation avait requis à la rencontre de la cheffe de file de l'extrême droite une peine de cinq ans d'inéligibilité avec exécution provisoire (s'appliquant immédiatement, même en cas d'appel) en plus de cinq ans de prison dont deux ferme (une peine aménageable), ainsi que 300.000 euros d'amende. « Un monde peut s'effondrer » « Je lis ici et là que nous serions fébriles. Personnellement, je ne le suis pas, mais je comprends qu'on peut l'être : avec l'exécution provisoire, les juges ont un droit de vie ou de mort sur notre mouvement », a commenté la cheffe de file du Rassemblement national dans La Tribune Dimanche. « Je ne crois pas qu'ils iront jusque-là », a-t-elle ajouté, dans une de ses rares expressions publiques sur cette échéance. Après sa condamnation, vu les délais habituels de la justice, on peut imaginer que son deuxième procès se tient dans au moins un an, soit une décision pas avant l'automne 2026, quelques mois avant la présidentielle. Mais si elle est déjà probablement inéligible durant cette période, cela risque de perturber sa marche vers l'élection : « ça fait une préparation à la présidentielle particulière, quand même », reconnaissait un membre de sa garde rapprochée la semaine dernière, parlant d' « épée de Damoclès. Lundi, c'est un monde qui peut s'effondrer ». Selon un sondage Ifop pour le JDD publié ce week-end, si une élection présidentielle se tenait aujourd'hui, la cheffe de fichier du Rassemblement national arriverait largement en tête au premier tour, avec entre 34% et 37% des intentions de vote en fonction des candidats face à elle. Enjeux inédits Le tribunal a bien en tête les enjeux inédits de sa décision. Notamment parce que Marine Le Pen a passé une grande partie de son procès à leur expliquer « la réalité » de la vie politique. En balayant en bloc les accusations de « système » mis en place pendant près de 15 ans dans son parti pour payer avec l'argent de l'Europe des assistants parlementaires « fictifs » qui auraient en vérité travaillé pour le RN (ex-Front national). Ses 24 coprévenus (plus le parti, contre qui une amende de 4,3 millions d'euros, dont 2 millions ferme a été requis) - neuf ex-eurodéputés frontistes et leurs 12 anciens assistants parlementaires - ont quasi unanimement suivi sa ligne, malgré un dossier parfois accablant. La justice ne peut pas être comptable des « ambitions » politiques de chacun, ayant justifié les procureurs dans leurs réquisitions, en demandant l'inéligibilité immédiate pour tous les prévenus.