Dans une lettre poignante adressée à sa mère, Saloua Ghrissa, détenue depuis dix mois sans procès, Balkis Ghrissa, étudiante en France, exprime sa douleur et son indignation face à une situation qu'elle juge intenable. « J'ai été patiente bien trop longtemps, je trouve. Cela fait maintenant dix mois que ma mère est en prison sans procès, seulement enfermée », écrit-elle. Selon elle, « pendant plus de huit mois, ma mère est restée enfermée alors qu'il n'y avait ni juge, ni enquête, rien ! ». Aujourd'hui, explique-t-elle, « on lui a demandé d'attendre encore quatre mois, qui vont bientôt prendre fin… du moins je l'espère ! »
Pour Balkis Ghrissa, au-delà de la militante et de la femme courageuse, c'est la mère qui manque chaque jour : « Depuis le mois de septembre, je n'ai pas vu ma mère, je n'ai pas entendu sa voix, je n'ai pas vu son sourire. » Elle confie que, lorsqu'elle vivait en Tunisie, sa mère l'appelait « chaque heure », alors qu'aujourd'hui, elle doit « attendre chaque lundi pour avoir des nouvelles d'elle, uniquement grâce à ma sœur qui est auprès d'elle en Tunisie. » La jeune femme raconte également son combat intérieur, déchirée entre ses études et l'envie de retrouver sa mère : « Chaque minute qui passe, chaque seconde, je pense à prendre un billet d'avion pour aller voir ma mère, même si ce n'est que pour quinze minutes. Mais j'ai fait une promesse à ma mère : réussir mes études. Vous croyez que c'est facile ? » Elle confie que « le stress est devenu une partie de moi, la rage, la colère aussi ! Voilà ce qu'on inflige à ceux qui se battent pour la liberté. Cela nous détruit mentalement et physiquement, nous ainsi que nos familles. »
Sa lettre se termine sur une note de lassitude et de désespoir : « Ma mère n'en peut plus. Jusqu'à aujourd'hui, elle se demande ce qu'elle a pu faire de mal pour se retrouver entre ces quatre murs, privée de ses filles. » Avant de conclure : « Je ne veux pas trop parler car je n'ai plus la force. Je veux simplement que ma mère soit libérée et que justice soit faite. » À travers sa lettre, Balkis Ghrissa entend rappeler que l'histoire de sa mère est avant tout celle d'une femme, d'une militante, mais aussi d'une mère privée de ses enfants.
Saloua Ghrissa, militante des droits humains, chercheuse, ainsi que fondatrice et directrice exécutive de l'Association pour la promotion du droit à la différence, est détenue depuis le 9 décembre 2024, soupçonnée de financement étranger. Ancienne professeure d'enseignement supérieur aujourd'hui à la retraite, elle est accusée de manquements dans la gestion de son organisation.