La condamnation de Marine Le Pen à cinq ans d'inéligibilité et quatre ans d'emprisonnement, dont deux ferme sous bracelet électronique, a provoqué un véritable séisme politique en France. La décision du tribunal de Paris, rendue lundi, empêche à ce stade la cheffe de file du Rassemblement national (RN) de se présenter à l'élection présidentielle de 2027. Face à cette situation, Marine Le Pen a adopté une posture de défiance, dénonçant une manœuvre du "système" pour l'écarter du pouvoir. « Le système a sorti la bombe nucléaire et s'il utilise une arme aussi puissante contre nous, c'est évidemment parce que nous sommes sur le point de gagner des élections », a-t-elle affirmé devant les députés de son parti. Une justice sous tension C'est la magistrate Bénédicte de Perthuis, spécialisée dans les affaires financières, qui a prononcé la peine d'inéligibilité. Forte d'une longue expérience, elle a dirigé les débats du procès qui s'est tenu entre septembre et novembre. Son parcours est marqué par plusieurs affaires retentissantes, notamment le procès des dirigeants d'EADS pour délit d'initiés et celui de Claude Guéant pour primes en liquide. Diplômée en expertise comptable avant d'entrer dans la magistrature, Bénédicte de Perthuis a bâti une réputation de rigueur et d'indépendance. Elle a présidé de nombreux procès de corruption et d'escroquerie, et n'a jamais été affiliée à un syndicat de magistrats, un détail qui réfute les accusations de partialité politique portées par certains opposants. Son impartialité n'a jamais été remise en cause, mais la violence des attaques à son encontre a pris une tournure alarmante. Une enquête a été ouverte sur des menaces de mort visant plusieurs magistrats impliqués dans ce dossier. « S'en prendre nommément aux personnes qui incarnent l'institution judiciaire ne saurait être accepté », a rappelé le parquet de Paris. Un bastion en colère Dans son fief d'Hénin-Beaumont, la colère gronde parmi les militants et électeurs du RN. « C'est honteux! Ils l'ont démolie, c'est fait pour faire barrage », s'indigne Jacqueline Bossuyt, 78 ans. « Les gens vont se révolter, ça peut pas rester comme ça ». Comme elle, de nombreux habitants voient dans cette décision une manœuvre politique pour empêcher Marine Le Pen d'accéder au pouvoir. « C'est un assassinat politique. Tout ça, magouillé par le roi Macron, comme d'habitude », dénonce Marc Mahieu, un retraité de 63 ans. Le maire RN d'Hénin-Beaumont, Steeve Briois, parle d'une « dictature des juges » et d'une « exécution tout court ». D'autres électeurs expriment leur perplexité. « Qu'elle soit condamnée, c'est normal si elle a fait quelque chose, mais qu'elle ne puisse pas être élue, je ne suis pas d'accord », affirme Laurent, tandis qu'Audrey, 39 ans, confie son trouble : « Je ne vais pas savoir pour qui voter ». Pour certains, Jordan Bardella apparaît comme une solution de repli, bien que beaucoup préfèrent encore voir Marine Le Pen se battre. Une contre-offensive politique Le RN a réagi violemment à la condamnation, dénonçant une "tyrannie des juges" et une décision éminemment politique. Jordan Bardella, président du RN et dauphin de Marine Le Pen, a établi un parallèle avec la Roumanie, où un candidat d'extrême droite prorusse a été privé d'une victoire potentielle. « Tout sera fait pour nous empêcher d'arriver au pouvoir », a-t-il déclaré. Face aux attaques, le procureur général près la Cour de cassation, Rémy Heitz, est sorti de sa réserve pour défendre l'indépendance de la justice. « La décision a été rendue au terme d'un procès équitable, à la suite d'un débat contradictoire qui a duré deux mois, une instruction qui a duré des années », a-t-il souligné. Le RN refuse d'abandonner la bataille et entend mobiliser ses sympathisants. Des distributions de tracts et des manifestations sont prévues dans les jours à venir. « Nous ne sommes pas des fachos », a promis Jordan Bardella, insistant sur le caractère "pacifique" des actions du parti. L'avenir du RN et de 2027 Si le RN espère une issue favorable en appel, un second procès ne pourrait avoir lieu avant au moins un an. Cette situation complique l'échiquier politique pour 2027. Certains électeurs du RN misent déjà sur Jordan Bardella comme plan B, bien que beaucoup auraient préféré voir Marine Le Pen mener une quatrième campagne présidentielle. Sur la scène internationale, la décision judiciaire a suscité des réactions contrastées. Des figures comme Donald Trump, Elon Musk ou encore Giorgia Meloni ont exprimé leur soutien à Marine Le Pen, tandis que la classe politique française est divisée. Jean-Luc Mélenchon a critiqué une « décision qui devrait revenir au peuple », tandis que d'autres, comme Olivier Faure (PS), ont jugé « affolant » le fait de contester la justice. Malgré cette tempête politique et judiciaire, Marine Le Pen a assuré qu'elle ne se laisserait "pas éliminer" et qu'elle comptait se battre en appel pour retrouver sa liberté politique. L'issue de cette bataille judiciaire sera déterminante pour l'avenir du RN et le paysage politique français en 2027.