Sur les privatisations des dix-sept entreprises faisant partie du programme de 2007, la moitié (au moins) n'a pas encore été conclue. Il y en a qui n'ont pas encore vu leur appel d'offre publié et d'autres qui ont été déclarés infructueux au bon milieu du processus. Concernant d'autres encore, comme la Star ou la Stia par exemple, on demeure encore dans l'incertitude sur l'issue à donner. Est-ce un manque à gagner pour le pays ou est-ce une temporisation visant à attendre un peu pour gagner davantage ? Pas moins de dix-sept entreprises font partie du programme de privatisation de l'année 2007. C'est tout un processus de désengagement de l'Etat afin de contribuer au replacement de l'entreprise privée au cur de la nouvelle régulation de l'économie. La privatisation est, ainsi, perçue comme un outil permettant de répondre aux impératifs comme aux exigences du renouveau de l'économie tunisienne dans un environnement devenu, de plus en plus, hostile aux modalités managériales paternalistes héritées et exigeant des changements systémiques stratégiques touchant le ressort de la dynamique de l'économie où l'Entreprise se retrouve en première ligne, au lieu et place de l'Etat. Au vu de ce qui a été fait jusque là, il est indéniable que le processus a été bien mené et que l'Etat a extraordinairement réussi son ouvrage dans la privatisation (partielle ou complète) de plusieurs entreprises : Tunisie Telecom, Banque du Sud, BTK, Magasin Général, AMS Il n'en demeure pas moins que l'on ne doit pas voir uniquement la partie remplie du verre et de garder un il sur ce qui n'a pas (encore) été réalisé. Ainsi, sur les 17 entreprises qui devaient être privatisées en 2007, on remarque qu'au moins neuf d'entre elles demeurent encore sous la tutelle de l'Etat et que rien n'a encore été fait. Non seulement, le programme n'a pas été mené comme prévu, mais on garde un silence total sur son état d'avancement. Le meilleur exemple en cela est la privatisation de la Stia qui a fait objet, ces derniers jours, de mille et une rumeurs. On annonce ainsi qu'elle a été privatisée (annonce faite par Webmanagercenter et le quotidien de l'Etat La Presse) au profit du groupe Mabrouk pour 4,5 millions de dinars, et on annonce quelques jours plus tard que la privatisation est en cours de finalisation. La semaine dernière, Tustex apprend que l'appel d'offres de la Star (ouverture du capital à 35%) a été reporté à une date ultérieure. Aucune source officielle (c'est la DG de la Privatisation qui devrait le faire) n'a daigné communiquer sur le premier ou le second dossier. Silence total, étrange et inquiétant pour les investisseurs étrangers habitués à une meilleure communication en la matière. Idem concernant l'appel d'offres de la Banque tuniso-émiratie (BTE, pour la cession de 38,90% du capital) qui aurait dû être publié en 2007 ou encore la Sotrapil (ouverture de capital à hauteur de 20 % supplémentaire), la Stip (51,90 %), etc. On n'en sait pas davantage, non plus, sur les issues des appels d'offres concernant d'autres entreprises. Outre la Stia et la Star, qu'en est-il (officiellement) de la SNDP dont on sait (non officiellement) que l'appel d'offres a été déclaré infructueux ? Qu'en est-il pour la STC (société tunisienne du sucre, à 64,37%), la société de ciment de Bizerte, etc. Qu'en est-il aussi pour la Banque Franco-Tunisienne qui, apprend-on selon différentes sources toutes non officielles, a fait l'objet d'un grand intérêt de la part d'investisseurs arabes et européens et dont l'appel d'offres est bloqué pour une question de contentieux avec un ancien actionnaire ? Le cas de la BFT soulève à lui seul de multiples interrogations. Quelles sont les raisons du non-achèvement et quelles sont les raisons de l'absence totale ou presque de communication, notamment quand ça ne va pas fort ? On ne le sait que trop, quand ça va bien, tout le monde en parle. On se rappelle encore ce qui a été dit, fait et écrit lors de l'ouverture du capital de Tunisie Telecom et, plus récemment, lors de conclusion de la cession de la BTK. La communication, sur ce dernier dossier, a été exemplaire digne des pays les plus développés. Seulement voilà, comme l'exige la règle en la matière, quand on communique, on se doit de le faire pour tout et non pour une sélection ! Autrement, il y a un problème énorme de crédibilité et de réputation. Il s'agit pourtant bien de « bijoux » publics et le droit de savoir ne peut être incontesté, surtout que tout le processus (à l'exception de la communication) se fait dans la transparence. Cela dit, tout un chacun sait que la privatisation ne se limite pas à un simple transfert de propriété du secteur public au secteur privé ni à la recherche de la maximisation des recettes des privatisations. L'Etat est attentif à deux éléments essentiels de la privatisation : la pérennité de l'entreprise à privatiser et la préservation du plus grand nombre d'emplois compatibles avec les critères d'efficacité et de rentabilité de ladite entreprise. L'Etat porte également son intérêt sur le bon fonctionnement des mécanismes du marché dans lequel évolue l'entreprise à privatiser, afin notamment, d'éviter les situations de monopole. Autant de raisons qui poussent les autorités de tutelle à déclarer infructueux un appel d'offres ou à repousser à une date ultérieure sa conclusion. Le meilleur exemple en cela est ce qui a été fait lors de la privatisation de la Banque du Sud dont l'appel d'offres a été déclaré infructueux dans un premier temps. La temporisation n'a pas été inutile puisque le deuxième et dernier épisode a été d'un grand succès avec l'entrée d'Attijariwafa Bank. L'Etat a voulu (et veut encore) le beurre et l'argent du beurre, c'est légitime et incontestable. Reste qu'il y a un programme à suivre. Un programme dressé et communiqué à tous nos partenaires internationaux et l'on se doit de le respecter. S'il y a un hic quelconque, et c'est dans l'ordre normal des choses, on se doit de l'expliquer par égard au public, mais aussi pour rassurer ces mêmes partenaires et investisseurs. On sait aussi que les procédures d'évaluation et de dépouillement des offres sont effectuées à travers un processus interdépartemental décentralisé, auquel contribuent des intervenants externes à l'administration, lesquels permettent de garantir une totale transparence des opérations. L'ensemble des intervenants impliqués se trouvent par ailleurs directement intégrés dans le processus de prise de décision. Autant d'éléments rassurants et que l'on se doit de préserver pour réussir ce qui reste à faire, comme on a si bien réussi ce que l'on a déjà fait. Nizar BAHLOUL