L'ancien ministre de l'Emploi Faouzi Ben Abderrahman a livré, samedi 12 juillet 2025, une réflexion acérée sur le rôle de la politique dans la construction – ou la déconstruction – du tissu moral et éthique d'une société. Publié sur sa page Facebook, son texte met en garde contre les effets délétères d'une gouvernance fondée sur la division, la haine et la désignation d'ennemis intérieurs. Selon lui, la question de savoir si le pouvoir politique a un rôle à jouer dans « l'éthique sociale » ne se pose même pas. « Oui, c'est le rôle assigné à toute forme de leadership humain… Le pouvoir est associé à la direction, et celle-ci porte un contenu éthique et moral qui trouve un écho dans la société », écrit-il.
Revenant sur la période qui a suivi le 14 janvier 2011, Faouzi Ben Abderrahman rappelle que des valeurs de solidarité, d'entraide et d'unité nationale avaient alors émergé spontanément au sein du peuple tunisien, sans qu'aucune direction politique ne les impulse. Un élan collectif qui n'aura duré qu'un temps, en l'absence d'un leadership capable de l'accompagner et de l'institutionnaliser. L'ancien ministre établit un contraste saisissant entre deux types de leadership : celui qui désigne un ennemi extérieur au nom d'une cause nationale commune, et celui – plus toxique – qui invente des traîtres de l'intérieur, attise les haines de classe et stigmatise toute personne perçue comme « différente » ou « privilégiée », même si sa réussite est parfaitement légale. « Si la direction politique et ses figures pointent des ennemis intérieurs, évoquent des trahisons et des conspirations sans fin, et attisent la haine de classe contre ceux qui ne nous ressemblent pas – ou qui portent l'odeur de la richesse, même légitime – alors le contenu moral de la société fera surgir ce qu'il y a de plus laid dans la nature humaine : haine, mépris, racisme et criminalité ».
Pour Faouzi Ben Abderrahman, la responsabilité des dirigeants est double. Par leurs discours, leurs actes, et la manière dont ils façonnent l'espace public, ils peuvent soit élever la société, soit l'enfoncer dans la sauvagerie et la régression. « Tous les types de comportements coexistent dans toute société », rappelle-t-il, « mais ce sont les signaux donnés par le sommet de l'Etat qui légitiment ou inhibent leur expression ». Et de conclure, par une image parlante : « Parler de souveraineté nationale dans une société désunie, c'est comme remplir un seau percé ». Une souveraineté authentique, selon lui, ne peut se construire qu'avec une « front intérieur solide et compact », malgré les différences inévitables qui traversent tout corps social.