Indice de perception de la corruption 2008 : La Tunisie 62ème sur 180 pays Ceci est la confession d'un ancien ami que nous ne fréquentons plus depuis qu'il est devenu alcoolique. Dans ces aveux, il raconte comment il a attrapé le vice et comment aujourd'hui il ne peut plus vivre sans prendre de ...pots-de-vin ! « La première fois, c'était dans mon bureau : l'un de mes voisins qui me demandait un service difficile à rendre sans contrepartie, me pria de prendre un pot avec lui. Il faut dire que ce jour-là j'étais complètement fauché et que je n'avais pas sur moi de quoi payer un bonbon à un enfant qui me le demanderait ! J'acceptai donc d'accompagner le voisin au bistrot le plus proche et c'est là que j'éprouvai les premiers plaisirs de la délicieuse ivresse. En fait, mon voisin était plus généreux que je ne le croyais et m'offrit plus d'un pot au bar et même sur le chemin du retour ! La sensation était tout à fait nouvelle et si agréable ; je me sentais différent et en quelques minutes métamorphosé puisque j'avais de quoi payer à tous les enfants de mon quartier les jouets de leurs rêves et pas seulement des confiseries ! Pour rendre le service demandé, il fallait contacter mon supérieur hiérarchique, et je vous le dis franchement j'avais la trouille : qui sait ce qu'il me ferait s'il sentait mon haleine pourrie et devinait que l'on m'avait payé un pot ! J'hésitai donc longtemps avant d'aller le voir, mais au bout de deux jours j'étais dans son bureau en train de lui expliquer ce que le voisin attendait de moi et de lui ! Au début, il fronça les sourcils et fit quelques moues pas très rassurantes, puis me demanda des renseignements sur le client, ce qu'il faisait dans la vie, ce qu'il possédait comme biens, s'il pouvait rendre quelques services en retour et surtout s'il était disposé à payer un autre pot à mon chef, cette fois ! Je m'empressai alors de raconter l'histoire du bistrot et me fis prolixe quant à la prodigalité de mon cher voisin ! « Hum, fit mon chef, dites lui de passer me voir samedi ! ». Je ne sus jamais ce qui se passa entre les deux hommes, mais mon voisin avait toujours le sourire aux lèvres depuis, et mon directeur me demandait souvent de ses nouvelles ! Il paraît qu'ils s'étaient grisés du même vin que celui qui me fit vivre les plus beaux transports de mon existence !
La vie de prince Après le service rendu au voisin, il y en eut bien d'autres sollicités par des citoyens plus ou moins généreux que lui. Mon chef était toujours de la partie et il nous arrivait de prendre dix à vingt pots par jour, chacun de son côté ou ensemble ! Je ne rentrai plus chez moi de mauvaise humeur et ma femme qui remarqua le bouleversement produit grâce aux pots-de-vin que je prenais de plus en plus fréquemment, me supplia de ne jamais arrêter d'en prendre ! Je reconnais qu'elle a elle aussi tiré parti de ma nouvelle passion et s'est offert en moins de deux mois plusieurs nouvelles robes et chaussures ! Les enfants non plus ne se sont pas privés et profitèrent de fort belle manière de la métamorphose survenue dans la vie de leur père : consoles de jeux, VTT dernier modèle, portables de PDG, vêtements importés etc. ! Nous changeâmes de voiture et en une année construisîmes un petit chalet dans le quartier huppé de mes supérieurs ! Entre-temps, les clients se faisaient plus nombreux et leurs pots plus enivrants ! Et j'ai découvert en fréquentant les bistrots que les amateurs de pots-de-vin se comptaient par milliers autour de moi ! Il ne fallait donc pas dormir sur ses lauriers et laisser les autres chiper d'éventuelles largesses consenties par les demandeurs de services interdits ou « difficiles » ! Nous créâmes ainsi, mon directeur et moi, une association pour la sauvegarde de nos intérêts réciproques, société qui fonctionna à merveille et à plein régime pendant quelques années puis quand mon supérieur fut promu, sans me prendre avec lui dans son nouveau service, il me fallut reprendre à zéro avec le remplaçant, désigné à ce poste dans le but d'assainir notre administration, d'après ce que des collègues bien informés racontaient !
La panne sèche Les premiers jours, je tâtais de différentes manières le terrain et le « pouls » du nouveau nommé : rien à faire, c'était un dur, un incorruptible ! J'ai eu beau l'inviter à des pots entre bons amis, il a toujours décliné mes offres. Même quand mon épouse s'était rendue chez lui pour proposer à la sienne de goûter à notre breuvage magique, celle-ci lui fit savoir que ce ne serait pas de refus si son mari acceptait de le partager. Nous vécûmes ainsi quelques mois difficiles pendant lesquels nous prîmes moins de pots que de coutume, ce qui ne laissa pas d'affecter notre train de vie et m'accula à recevoir à la place des commissions saoulantes de maigres dessous de tables pour lesquels je devais trop m'abaisser, pardon me baisser ! Les pots-de-vin nous manquaient et nous ressemblions pendant que nous étions à sec à des toxicomanes en manque : ma femme devenait irritable et se grattait tout le temps les mains ; mes enfants s'agrippaient à mes poches jusqu'à les déchirer et n'arrêtaient pas d'aboyer après moi pour quelques dizaines de dinars de plus. Moi-même je donnais des signes inquiétants de démence et voyais partout des pots-de-vin ! J'allais en personne chercher les bontés des clients généreux alors qu'elles venaient jusqu'à moi naguère !
L'espoir de nouveau ! La traversée du désert ne durera pas longtemps -fort heureusement- puisque l'administration a désormais un nouveau directeur qui promit lui-même, dans une allocution solennelle prononcée le jour de son arrivée, de rompre avec les pratiques de son prédécesseur ! C'est de bon augure, cette fois le pouls du directeur bat, il a du répondant ! L'espoir est permis, bientôt nous trinquerons ensemble chez moi et ailleurs ! Les pots-de-vin couleront à flots ! J'en suis déjà ivre de joie, hic, mes pots chéris, hic, mes bien aimées commissions, hic mes tendres pourboires, comme vous m'avez manqué ! » Badreddine BEN HENDA
NDLR : Aux dernières nouvelles, le pot aux roses de cet amateur de pots-de-vin a été découvert et une enquête est en cours pour identifier ses compagnons de beuverie ! -------------------------------- Indice de perception de la corruption 2008 : La Tunisie 62ème sur 180 pays « Transparency International », l'Organisation Internationale Non Gouvernementale (ONG) dont le secrétariat international siège à Berlin a rendu public au mois de septembre 2008 à Tunis les conclusions du rapport annuel sur la perception de la corruption dans 180 économies. L'indice composite de perception de la corruption mesure entre autres le niveau d'abus de biens publics à des fins personnelles dans une économie. Aucun pays n'est épargné de la corruption, là où il y a des rapports commerciaux, il y aura sans doute quelque part une personne prête à se sucrer. En effet, il n'y a pas plus universel que les pots-de-vins et la corruption dans le monde. Selon le rapport 2008, le Danemark, la Nouvelle-Zélande et la Suède sont les pays les moins corrompus. L'Irak, Myanmar et la Somalie sont les pays les plus corrompus dans le monde. Ainsi il semble que corruption et pauvreté vont de pair. La Tunisie a été classée cette année 62ème sur les 180 pays couverts par l'étude, perdant ainsi une place au classement annuel de l'année 2007 où elle avait été classée 61ème et 12 places au classement de 2006 en occupant le 51ème rang. Le degré de corruption relevé au niveau des administrations publiques et la classe politique suit une courbe ascendante en Tunisie. Toutefois, et en lui attribuant la note : 4,4/10 sur une échelle allant de 0 à 10*, la Tunisie reste à la tête du peloton des pays du Maghreb, d'Afrique du Nord et de certains pays arabes devançant ainsi le Koweït (65ème), le Maroc (80ème ), l'Arabie Saoudite (80ème ), l'Algérie (92ème ), l'Egypte (115ème ) et la Libye (126ème). Par ailleurs, certains pays du Moyen-Orient « se dégraissent » de plus en plus en améliorant considérablement l'indice de perception de la corruption. Il s'agit notamment du Qatar (28ème), les Emirats Arabes Unis (35ème ) et le Bahraëin (43ème ).