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La prison n'est pas faite pour des Ahmed Abdelkefi
Publié dans Business News le 29 - 09 - 2025

La nuit de mercredi à jeudi a produit une image que le pays n'aurait jamais dû donner de lui. Ahmed Abdelkefi, 85 ans, figure majeure et respectée de notre place financière, a été placé en garde à vue. On peut débattre de tout, sauf de ce qu'il a bâti : Port El Kantaoui, Tunisie Leasing, Tunisie Valeurs, Africinvest… Des institutions, des emplois, un horizon. Un homme de culture, engagé dans le public comme dans le privé, auquel notre économie doit un chapitre entier. Le voilà pourtant enfermé. La question est simple et elle suffit à elle seule : quel péril immédiat pour la société justifiait qu'un octogénaire passe la nuit dans une cellule avec la racaille du pays, plutôt que sous contrôle judiciaire, avec interdiction de voyage ou assignation à résidence ? Dans les Etats qui respectent eux-mêmes leurs bâtisseurs, on évite l'humiliation quand elle n'apporte rien à la vérité ni à la justice.

La liberté est la règle, l'incarcération l'exception
Le droit n'est pas une dramaturgie. Il est un équilibre. Sa règle cardinale, partout où l'Etat de droit n'est pas un slogan, tient en une phrase claire : « la liberté est le principe, la prison l'exception ».
L'exception se justifie uniquement lorsqu'il existe un danger avéré pour autrui, un risque sérieux de fuite ou de destruction de preuves, ou des faits d'une violence telle – meurtres, viols, agressions brutales – que la société doit se protéger immédiatement. Ni l'âge ni la notoriété ne constituent des passe-droits, et il n'est pas ici question d'en réclamer. Il s'agit d'appliquer la même règle à tout le monde, qu'on ait 25 ans ou 85 ans. Dans 90 % des situations, le contrôle judiciaire, l'interdiction de voyage, l'assignation à résidence et l'obligation de pointer suffisent. La privation de liberté ne doit jamais devenir un réflexe commode, encore moins un outil pédagogique destiné à envoyer un message.

La justice-spectacle au service de la plèbe
Le contexte de l'arrestation d'Ahmed Abdelkefi compte. Un régime en perte de vitesse cherche des victoires visibles et rapides.
Il en trouve dans l'étalage des arrestations, parce qu'une partie de la plèbe s'en repaît, surtout lorsqu'il s'agit de notables, de politiques ou de personnalités publiques.
La mécanique s'est élargie et ne touche plus seulement les figures célèbres. La semaine dernière, ce furent les habbatas, intermédiaires des marchés de gros, arrêtés et condamnés en un temps record, jusqu'à sept ans de prison, après des injonctions claires du président de la République au ministre de l'Intérieur.
La semaine précédente, un partisan de la cause palestinienne a écopé de six mois ferme pour avoir pointé… une arme en plastique vers un fourgon de police, geste enfantin que le véhicule n'avait même pas relevé sur le moment. On peut juger ces comportements, on peut les sanctionner. Mais l'empressement des procédures et la sévérité des peines, mises en scène pour « servir la plèbe », n'ont rien à voir avec une justice sereine. Elles relèvent du spectacle punitif d'un régime aux abois.

Proportion, dignité, Etat fort
Un Etat fort n'étale pas sa force, il la contient. Il n'humilie pas pour prouver qu'il gouverne, il convainc par des faits, des réformes, des résultats. La proportionnalité n'est pas une clause de style, c'est un fondamental. Les habbatas sont peut-être coupables de pratiques condamnables, mais des peines de cinq à sept ans, prononcées à marche forcée, interrogent la mesure.
Dans le même esprit, rien ne justifiait qu'Ahmed Abdelkefi passe la nuit derrière des barreaux. On pouvait l'entendre, le contraindre, l'empêcher de quitter le territoire, exiger sa coopération stricte. On pouvait surtout préserver ce que nous prétendons défendre : la dignité, la rationalité, l'image d'un pays qui sait faire la différence entre la fermeté et l'acharnement.
Ce principe de proportion dépasse d'ailleurs le seul cas Abdelkefi. Il éclaire aussi l'acharnement contre d'autres figures publiques : l'ancien haut magistrat devenu avocat Ahmed Souab, surnommé la « conscience du pays », poursuivi pour un acte mineur qui passerait inaperçu ailleurs, ou encore les accusés des affaires dites de complot contre l'Etat. Là, des politiciens et des avocats, parmi lesquels Karim Guellaty, administrateur de la société éditrice de Business News, ont écopé de décennies de prison au nom d'un prétendu terrorisme, quand leur véritable « crime » est d'avoir contesté le régime. Ils ont été condamnés sans être auditionnés. À chaque fois, la même mécanique se répète : des peines qui dépassent de loin les faits reprochés et qui trahissent moins la force de l'Etat que sa fébrilité.

Ce que dit ce moment de nous
À ceux qui entreprennent, innovent et investissent, le signal envoyé est clair et mauvais : peu importe ce que vous avez construit, la cellule vous attend au premier orage politique. Aux citoyens, on explique que la fermeté se mesure au nombre d'arrestations et à la vitesse des condamnations, non à la qualité des preuves, à la cohérence des procédures, à la stabilité des règles. Aux magistrats, on impose par l'ambiance une dramaturgie qui n'est pas la leur. Et au pays, on fait croire qu'on affermit l'ordre public alors qu'on mine la confiance, cet actif immatériel sans lequel l'économie se replie et la société se crispe.
Un Etat fort n'a pas besoin de multiplier les gardes à vue pour démontrer sa puissance. Il n'a pas besoin d'humilier des bâtisseurs de 85 ans ni de distribuer des peines disproportionnées pour convaincre qu'il gouverne. La vraie force d'un pays se mesure à la qualité de ses institutions, à la stabilité de son droit et à la protection qu'il offre à ses citoyens, y compris les plus vulnérables. « Un Etat fort n'est pas celui qui écrase, mais celui qui écoute et qui protège », rappelait Ban Ki-moon, ancien secrétaire général des Nations unies (2007-2016).
En Tunisie, ce rappel vaut avertissement : la répression spectaculaire n'est pas un signe d'autorité, c'est la preuve d'une fébrilité qui mine la confiance. Un pouvoir sûr de lui n'emprisonne pas pour rassurer la plèbe ; il agit, répare, construit. La justice n'a pas besoin d'effets de manche, elle a besoin de proportion, de dignité et de constance. C'est à cette hauteur que se juge la force d'un Etat.


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