L'Ecole Supérieure d'Economie Numérique organise ESENet Talent Fair 2025 : l'ESEN met l'IA au cœur de l'entreprise    Tunis : Nouveau projet pour booster les agriculteurs et sécuriser leurs terres    Marouane Mabrouk : la caution abaissée à 800 MD par la Chambre criminelle    L'ATB inaugure sa nouvelle agence au Mall of Sfax : un nouvel espace au service de la proximité et de l'innovation    Tunis : TIS Circuits investit et crée de nouvelles opportunités d'emploi pour les Tunisiens    Etude : La moitié des jeunes Tunisiens utilisent Internet pour connaître leurs droits sexuels et reproductifs    La chanteuse et actrice Algérienne Biyouna décédée à l'âge de 73 ans    L'IA, un levier stratégique pour la transition écologique et le développement durable en Tunisie    Décès de Biyouna : la star algérienne de ''Nassibti Al-Aziza'' s'éteint    Classement des meilleurs modèles d'IA en novembre 2025 : Gemini 3 Pro domine ce marché compétitif    Elyes Ghariani: L'Union européenne à l'épreuve des nouvelles dynamiques sécuritaires    La Ligue des champions : Des matchs choc ce soir !    Ce vendredi à la librairie Al Kitab Mutuelleville: Jilani Benmbarek présente son nouveau livre «Lumière sur une aventure»    La Tunisie en deuxième position mondiale de la consommation de pâtes    La Tunisie dans un groupe difficile pour la CAN 2025 !    Triomphe tunisien au Caire : Afef Ben Mahmoud sacrée meilleure actrice pour « Round 13 »    Kais Saied : Tout responsable, quel que soit son niveau, doit sentir qu'il œuvre sous la Constitution du 25 juillet    Météo agitée : fortes pluies et vents puissants au programme de ce mardi    Ligue 1 : Réunion clé pour réformer l'arbitrage et renforcer le football tunisien    Justice administrative arabe : La Tunisie prend la tête de l'Union pour 2026-2027 !    Pour une oléiculture durable et résiliente face au changement climatique    Samir Allal - Une COP et après : le capitalisme prédateur à l'épreuve du climat    Les nouveaux ambassadeurs du Burkina Faso, du Liban et des Etats-Unis d'Amérique présentent leurs lettres de créances au Président Kais Saied (Vidéo et album photos)    Red Sea Film Festival 2025 : le cinéma nord-africain à l'honneur à Djeddah    Météo en Tunisie : temps nuageux, légère hausse des températures    Khadija Taoufik Moalla - Dépasser la notion de "race": vers une humanité réconciliée    Kairouan acclame son illustre fille, Hafida Ben Rejeb Latta (Album photos)    Le jour où: Alya Hamza...    Mohamed-El Aziz Ben Achour: La médina et ses citadins    Zouhaïr Ben Amor - La philosophie dans le quotidien: penser pour vivre, vivre pour penser    Le Musée paléo-chrétien de Carthage sera rouvert en décembre 2025    Météo en Tunisie : températures maximales comprises entre 15 et 21 degrés    Alerte Technique : Cloudflare frappé par un ''pic de trafic inhabituel''    Le SNJT organise un mouvement national dans toute la Tunisie pour défendre la liberté et la dignité des journalistes    La lecture du Pr Slim Laghmani de la résolution du conseil de sécurité relative au plan Trump pour Gaza    Météo en Tunisie : temps nuageux, pluies éparses    Tunisiens en France : êtes-vous concernés par la fin de la gratuité des soins ?    Ridha Bergaoui: Des noix, pour votre plaisir et votre santé    La Tunisie accueille les nouveaux ambassadeurs du Soudan, du Danemark et du Canada    Match Tunisie vs Jordanie : où regarder le match amical préparatif à la CAN 2025 du 14 novembre?    Hafedh Chekir: Accroissement naturel de la population en Tunisie    Jamila Boulakbèche et Isra Ben Taïeb remportent 2 médailles d'or aux Jeux de la Solidarité islamique 2025    Match Tunisie vs Mauritanie : où regarder le match amical préparatif à la CAN Maroc 2025 du 12 novembre?    Secousse tellurique en Tunisie enregistrée à Goubellat, gouvernorat de Béja    Congrès mondial de la JCI : la Poste Tunisienne émet un timbre poste à l'occasion    Le CSS ramène un point du Bardo : Un énorme sentiment de gâchis    Ligue 1 – 11e Journée – EST-CAB (2-0) : L'Espérance domine et gagne    New York en alerte : décès de deux personnes suite à de fortes précipitations    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Gabès, le cri étouffé d'une région que la présidence redécouvre
Publié dans Business News le 01 - 10 - 2025

Après un mois de septembre étouffant, marqué par des dizaines d'intoxications d'élèves et des scènes d'hôpitaux dignes d'un cauchemar, Kaïs Saïed s'est enfin emparé du dossier. Mais cette réaction tardive intervient après des années de déni, et quelques mois seulement après que le régime a préféré réprimer les voix citoyennes plutôt que d'affronter la pollution.

Mardi 30 septembre 2025, Kaïs Saïed a convoqué les ministres de la Santé, de l'Environnement et de l'Industrie pour une réunion consacrée à la situation environnementale à Gabès. Dans une allocution solennelle, de 3'53'', le chef de l'Etat a évoqué « des milliers de victimes », « un environnement complètement détruit » et « un crime qui a conduit à la destruction de la vie ». Des mots forts, qui résonnent comme un constat d'échec : celui d'un Etat qui a laissé pourrir la situation depuis des décennies, jusqu'à ce que la tragédie éclate de plein fouet en septembre.

Septembre noir
Car Gabès a connu en quelques jours ce que les habitants ne subissaient auparavant qu'une fois l'an. Les 9, 10, 16 et 27 septembre, la région a été frappée par une série de fuites gazeuses. À Ghannouch, Bouchemma et Chott Essalem, ce sont des centaines d'intoxications collectives : hommes, femmes, ouvriers, enfants. Le 27 septembre, au collège de Chott Essalem, plus de cinquante élèves ont été victimes de malaises, d'étouffements, de pertes de conscience. Seize d'entre eux sont encore hospitalisés, certains avec des paralysies partielles ou un relâchement nerveux inquiétant.
Le collectif Stop Pollution dénonce une « catastrophe nationale » et accuse les autorités d'avoir fait preuve d'un laxisme criminel en laissant tourner les usines du Groupe chimique tunisien (GCT) comme si de rien n'était. « On a préféré la production à la santé publique », martèlent ses militants, rappelant que le simple bon sens aurait imposé l'arrêt immédiat de l'activité industrielle.

L'hôpital débordé, les enfants accusés de simuler
Le vendredi 26 septembre, une cinquantaine d'élèves du collège de Chott Essalem avaient été frappés par des malaises respiratoires. 17 d'entre eux ont été hospitalisés à l'hôpital régional de Gabès, certains présentant une faiblesse musculaire inquiétante, d'autres un début de paralysie partielle. Très vite, l'établissement a été dépassé.
Le 28 septembre, six enfants de l'école primaire rejoignent à leur tour les urgences. À cette date, seize élèves étaient encore hospitalisés. L'hôpital envisage alors un transfert collectif vers Sfax, avant de se rétracter et de faire venir une équipe médicale de Sfax à Gabès. Loin de rassurer les familles, cette intervention a provoqué un tollé. Selon le collectif « Stop pollution » une des médecins aurait affirmé, devant des parents atterrés, que les enfants « simulaient leurs malaises ». Un propos odieux, si confirmé, qui a enflammé la colère des familles et accentué le sentiment d'abandon.
Le 29 septembre, l'hôpital régional a fini par annoncer le transfert des cas les plus graves vers la capitale à l'hôpital Rabta. Mais là encore, ce n'était qu'un effet d'annonce. Au lieu d'un envoi immédiat et massif, le plan prévoit des départs étalés dans le temps : quatre enfants seulement doivent être transférés aujourd'hui 1er octobre, cinq autres le 6 octobre et les cinq derniers le 13 octobre. À l'heure de l'écriture de ces lignes, aucun transfert n'a encore eu lieu. Autrement dit, des adolescents en détresse devront encore attendre des jours dans un hôpital inadapté, alors que leur état est jugé préoccupant.
À la date du 30 septembre, quatorze enfants étaient toujours hospitalisés à Gabès. Des familles désespérées oscillent entre colère et résignation. Pour elles, l'épisode hospitalier illustre la double peine : la pollution qui asphyxie leurs enfants, et un système de santé qui, loin de les protéger, les accuse d'exagérer leur douleur et les laisse dépérir dans l'attente d'un transfert hypothétique.
On devrait cependant s'attendre à une accélération suite à l'intervention présidentielle.

Le silence imposé au printemps
Ce qui est curieux, c'est que malgré la gravité de la situation, on remarque peu de mobilisation citoyenne et quasiment pas de manifestations de colère. Pourquoi ce silence des riverains qui supportent, tous les jours dans leur air, une pollution insoutenable ? Pour répondre à la question, il faudrait revenir quelques mois plus tôt. En mai, des voix citoyennes avaient été réduites au silence par la répression. Une manifestation écologiste organisée le 25 mai, avait débouché sur des arrestations brutales et des accusations absurdes. Trois jeunes militants — Mohamed Ali Trimi, Moez Rajhi et Anas Chatouna (17 ans, lycéen en pleine période d'examens) — ont été condamnés à la prison ferme, quatre mois pour le premier et deux mois pour les deux autres. La sentence est tombée le 28 mai, soit trois jours après les événements. Une condamnation en un temps record qui a provoqué une polémique sur les réseaux sociaux.
La Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH) et plusieurs ONG sont montées au créneau pour dénoncer une criminalisation pure et simple des mouvements citoyens. Des associations avaient rapporté des cas de torture et de mauvais traitements. Sur les réseaux sociaux, un professeur avait écrit au sujet d'Anas : « Aujourd'hui, il aurait dû être en classe. Ce n'est pas un criminel ». Mais le message était clair : quiconque proteste sera brisé. La peur a réduit au silence une région exaspérée. C'est pour ça que, face à leurs enfants, les parents se retrouvent quasiment seuls aujourd'hui.

Une bombe à retardement
Ce silence n'a duré qu'un temps. Car la pollution ne se tait pas. La répression de mai a retardé l'explosion, mais elle a transformé Gabès en bombe à retardement. En septembre, ce ne sont plus seulement des militants qui suffoquaient dans les commissariats, mais des enfants qui suffoquaient dans les écoles. Et cette fois, le régime n'a pas pu étouffer les cris.
Depuis des années, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) parle d'« écocide ». L'organisation rappelle l'explosion meurtrière de 2021, les intoxications scolaires de 2023, et dénonce « l'abandon systématique » de la région par les ministères de l'Environnement et de l'Industrie. Le décret de 2017, qui prévoyait l'arrêt du déversement du phosphogypse en mer et le démantèlement des unités polluantes du GCT, est resté lettre morte. Pire : de nouveaux projets d'ammoniac et d'hydrogène vert, imposés sans concertation, risquent d'aggraver la catastrophe.
Le FTDES le rappelle : le droit à un environnement sain est inscrit dans la Constitution. Sa négation à Gabès est un déni de justice.
Kaïs Saïed a raison lorsqu'il parle de crime. Mais ce crime n'est pas seulement celui de décisions industrielles passées. Il est aussi celui d'un Etat qui a fermé les yeux, réprimé les militants, accusé des enfants de simuler leur maladie, et laissé une région suffoquer.
Les habitants de Gabès n'attendent plus des discours. Ils veulent des actes. Des fermetures d'unités polluantes, des soins, des transferts rapides, une justice qui sanctionne les coupables et non les victimes. Ils veulent pouvoir respirer.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.