C'est l'une des marques les plus célèbres et les plus aimées en Tunisie. Elle est consommée par 700.000 Tunisiens tous les jours. C'est surtout une marque pour laquelle on a un énorme capital de sympathie. Bébés, on prenait son lait en poudre. Enfants, on consommait ses glaces et nos mamans utilisaient son lait concentré. Adultes, on dégustait son café. Ses produits se consomment par ailleurs du matin au soir. Nestlé marque célèbre ? Assurément ! Paradoxalement, la marque est également des plus inconnues en Tunisie ! Quel est son poids dans le pays ? Que représente-t-elle dans notre tissu économique ? Que fait-elle ? Quels sont ses projets ? Bertrand J. Sigwalt, son CEO en Tunisie, présente quelques éléments de réponse sans tout nous dire pour autant. Ce n'est pas pour rien que les Helvétiques sont connus pour leur secret ! Au départ, c'était une indiscrétion publiée par le site d'informations Tustex faisant valoir que la Princesse Holding El Materi vient de vendre l'ensemble de ses parts dans Nestlé Tunisie à la firme Nestlé International. Dans le milieu, on appelle ça un scoop et, pour le publier, nous nous devions de le vérifier en dépit de la crédibilité de celui qui l'a révélé. Petit hic : les responsables de Nestlé Tunisie refusent de répondre et opposent une fin de non recevoir. « Le Groupe Nestlé en général ne fournit pas d'explication concernant sa structure actionnariale tant au niveau local qu'au niveau mondial, nous répond Bertrand J. Sigwalt. Il souligne que la structure actionnariale de Nestlé Tunisie n'a aucun impact sur les activités opérationnelles de Nestlé en Tunisie. Cela étant, M. Sigwalt se montre disposé à répondre à toute question relative à l'entreprise et son action en Tunisie. On confirmera, entre-temps auprès du vendeur, que la holding El Materi a bien cédé ses parts aux Helvétiques. Le combien et le pourquoi demeureront un secret comme seuls les Suisses savent bien garder. Quid de Nestlé Tunisie ? L'entreprise va bien, répond M. Sigwalt qui nous reçoit dans son fort élégant nouveau siège sis à la Cité El Khadhra à Tunis. Elle emploie 263 personnes, possède une usine, propose une quinzaine de marques (dont trois locales) et réalise un chiffre d'affaires de 65 millions de dinars. Trop peu au regard de ce que réalise certains industriels de l'agro-alimentaire en Tunisie, à l'instar de Délice-Danone ou la SFBT. Infinitésimal au regard des 100 milliards de dollars de chiffre d'affaires de Nestlé international, supérieur à celui de Pepsi, Coca-Cola et Danone réunis ! Bertrand J. Sigwalt ne se laisse pas ébranler par ces comparaisons. Aussi bien lui que son entreprise sont là pour faire des affaires. Et, pour eux, il n'est pas question de pénétrer un marché s'ils ne vont pas occuper une place de leader ! Challenger au pire des cas. Du coup, ils font des arbitrages produits. Les commerces tunisiens devront donc se suffire des gammes proposées : Nescafé, Glaces Nestlé (plusieurs marques), Cérélac, Grain d'Or, lait concentré sucré, etc. En tout, une quinzaine de marques sur les sept mille produits proposés par Nestlé International. On ne verra ni Nestea, ni Maggi, ni Nesquik, ni Buitoni. Cet arbitrage produit n'obéît pas uniquement à des questions de rentabilité et de taille de marché, cependant. Il est bon de signaler que chaque marché a ses spécificités gustatives. Le Nescafé vendu en Tunisie a un goût différent de celui proposé au Maroc ou en Algérie. De même, le Kit Kat ou le Maggi proposé en Belgique n'a pas le même goût que celui proposé en France. Ceci est imposé par des réalités du marché. Le consommateur d'un pays donné a des exigences et des goûts différents de ceux d'un autre pays. La même stratégie est valable pour les yaourts. Les Délice-Danone de Tunisie sembleront être plus délicieuses pour les Tunisiens que les Danone d'un autre pays. En clair, la recette d'un produit n'est pas forcément transposable d'un pays à un autre, d'où cet éternel arbitrage chez le fabricant. Cela explique également pourquoi Nestlé Tunisie n'exporte pas (sinon une toute petite partie) de ses marques locales qui font des émules dans le pays. C'est le cas des glaces et Grain d'Or notamment. On fera remarquer à notre interlocuteur l'absence de toute marque d'eau de Nestlé en Tunisie. Ce à quoi le CEO répond que l'eau est une question de logistique et de transport et que la Tunisie a déjà un très grand nombre de marques d'eaux minérales par rapport à la taille de son marché. En clair, Nestlé ne veut pas prendre le risque de se lancer dans un marché où elle ne va pas gagner grand-chose et où ses concurrents directs (la SFBT notamment avec ses multiples marques) ont un atout logistique des plus importants pour la distribution. Le plus gros regret, c'est incontestablement le Nespresso. Ces capsules de café datant de 1986 dont les ventes ont été fortement boostées par George Clooney est ce qu'il y a de plus chic chez Nestlé (excusez la subjectivité !). On ne les trouve pas dans les grandes surfaces, mais dans de très élégantes boutiques situées dans les artères principales des grandes villes. C'est ce traitement VIP qui a fait le succès de la marque. Le client déguste son café issu des grands crus (dans un salon de préférence) comme il déguste son cigare. Un territoire pour un véritable moment d'exception. Et Tunis ? Force est de remarquer que les bureaux de plusieurs hommes d'affaires tunisiens sont équipés de ces machines spéciales Nespresso. Leurs capsules, ils les achètent au marché parallèle ou les ramènent de leurs différents déplacements à l'étranger. M. Sigwalt se désole, évoque la taille du marché tunisien tout en soulignant que Nespresso est une entité totalement à part chez Nestlé International. En clair, ce n'est pas son département. N'empêche, son bureau en est équipé comme tout chef d'entreprise amoureux du café qui se respecte ! Que projette-t-il de faire ? L'essentiel pour nous est d'anticiper les besoins des Tunisiens, répond Bernard J. Sigwalt. Nos produits sont simples et proposent des valeurs nutritionnelles importantes. Il s'agit donc de raffermir le lien avec ces 700.000 consommateurs/jour en leur proposant des produits répondant à leurs attentes et à leur budget. A ce propos, il réserve quelques surprises aux consommateurs avec de nouveaux produits portant l'emblème et la qualité Nestlé à un prix abordable pour les consommateurs à budgets serrés. Avec une entreprise si expérimentée (elle est fondée en 1866) ayant autant de capital sympathie, les réponses nous laissent sur notre faim nous pressant de dire encore et toujours : what else ? Crédit photo 1 : Business News Crédit photos 2, 3 et 4 : Rim Temimi Nizar BAHLOUL