La Bourse de valeurs mobilières de Tunis (BVMT) s'efforce de maintenir un rythme croissant malgré les retombées de la crise économique et financière mondiale. L'année 2008 a été une année de tous les records pour la société et il y a de fortes chances pour que l'année 2009 soit à l'image de sa précédente. Déjà, le bilan des activités de la Bourse de Tunis affiche des résultats remarquables. Cependant, les décideurs de la BVMT n'arrivent pas, semble-t-il, à convaincre les opérateurs étrangers de pas retirer leurs investissements. D'où un flux net négatif de 118,9 MDT. En outre, la communication financière ne semble pas être le nerf de guerre de la BVMT. Il n'y a pas de corrélation évidente entre le cours boursier et la santé économique et financière des entreprises. A cela s'ajoutent certaines mesures prises par les décideurs, notamment celle relative à la diffusion des cours avec un différé de 15 minutes, qui sont loin de faire l'unanimité. La BVMT a été souvent critiquée tant au niveau de sa taille qu'au niveau du volume de ses activités sans oublier des flottements parfois exagérés des cours. Ces derniers évoluant tantôt à la hausse, tantôt à la baisse sans qu'il y ait, vraisemblablement, un rapport direct entre ces fluctuations et la santé économique et financière des entreprises. Néanmoins, la BVMT est l'une des rares Bourses à garder la tendance haussière pendant l'année 2009." Les résultats sont bons, mais restent en deçà de nos ambitions". Cette constatation a été faite par Mohammed Bichiou, directeur général de la BVMT lors de la conférence de presse tenue samedi 5 décembre 2009 et traitant du bilan des activités de la Bourse de Tunis et ses perspectives. M. Bichiou a brossé un tableau succinct des multiples réalisations au cours de l'année 2009. Une année certes difficile pour la société. Pourtant, les réalisations ne manquent pas. Durant l'année 2008, particulièrement au dernier trimestre, la BVMT a évolué dans un environnement économique et financier international extrêmement difficile. Le moins que l'on puisse dire est qu'elle a réussi à maintenir un rythme haussier du marché financier même s'il a manqué de profondeur. Sur le marché primaire , les émissions ont augmenté de plus de 80% passant de 348 MDT en 2007 à 640 MDT en 2008 (sur la base des visas du CMF), ce qui correspond à 8,3% dans le financement de la formation brute de capital fixe privé (FBCF) contre 7,5% en 2007. Sur le marché secondaire, le volume d'échanges a plus que doublé pour atteindre 2,1 milliards de dinars en 2008 contre 900 MDT en 2007. Le volume quotidien moyen est passé à 8,6 MDT contre 3,7 MDT en 2007. En 2009, la BVMT semble avancer à un rythme plus rapide. Le nombre des émissions a atteint 31 opérations contre 27 en 2008. Le montant total mobilisé a atteint, au 3 décembre 2009, 864 MDT contre 664 MDT en 2008. Sur cette même période l'indice Tunindex a évolué de 41,49%. Sa part dans le PIB est passée de 10% à 21%. La contribution de la bourse dans le financement de la FBCF a atteint 12% contre 8,3% pour toute l'année2008. Sur le marché des titres de créances, 21 emprunts obligataires ont été admis sur la cote de la Bourse depuis le début de l'année représentant un montant global de 485 MDT, ce qui porte l'encours des emprunts obligataires admis à la cote de la Bourse et négociables sur le NSC à 1,3 milliard de dinars. L'année 2009 a été caractérisé, également, par les "grandes " admissions. Après une première introduction de la Société de Production Agricole de Teboulba (SOPAT) au marché alternatif de la cote de la Bourse en novembre 2007, une deuxième introduction sur le même marché a eu lieu au mois de juin 2009. Il s'agit de la société SEVICOM qui évolue dans le secteur des infrastructures télécom, électricité et eau. Cette jeune entreprise, au vu des dires des conférenciers, s'en sort bien en dépit d'une conjoncture qui ne joue pas en faveur d'une telle introduction. Les fonds mobilisés dans le cadre de cette opération ont atteint 3,25 MDT. Les décideurs ont veillé à ce que les participations dans le capital de SEVICOM proviennent des investisseurs "poids lourds" et surtout experts. La cote de la Bourse s'est enrichie, également, par l'introduction de la société " Ciments de Bizerte". Une opération qui a mobilisé un montant de 101,3 MDT. Une première dans l'histoire de la BVMT puisque les fonds levés représentent le montant le plus important jamais réalisé sur la place de Tunis et de surcroît exclusivement auprès d'investisseurs tunisiens. Pour l'année 2010, le Conseil d'administration de la Bourse va statuer sur la demande d'admission à la cote de 8 entreprises. On en connaît déjà une. Il s'agit de l'assurance SALIM, filiale de la BH, opération qui sera réalisée dans le cadre d'une OPS réservée au public. Les performances de la BVMT au titre de l'année 2009 se jaugent à l'aune non seulement d'un environnement juridique propulseur (Fonds de garantie clientèle, amendement de la loi relative à la relance du marché financier, code de prestation des services financiers aux non-résidents) mais aussi des réformes organisationnelles qui ont touché, notamment, l'indice Tunindex et les indices sectoriels. Cependant, une remarque de taille s'impose. Les opérateurs étrangers commencent à fuir notre Bourse. En témoignent les cessations des étrangers qui, frôlant les 230,2 MDT, dépassent les acquisitions ayant mobilisé 111,3 MDT, ce qui donne un flux net négatif de 118,9 MDT. Comment la BVMT explique-t-elle ce résultat négatif ? Répondant à une question posée par Business News concernant ce sujet, Youssef Kortobi, PDG de la BVMT, a minimisé l'impact des sorties des capitaux étrangers. "La grande partie des portefeuilles est détenue par des nationaux. La présence étrangère est à environ 2% soit 250 MDT. Il n'y a aucune crainte même dans le cas de cessations. Notre marché renferme des signes de bonne santé, tous nos indicateurs sont à la hausse ce qui drainera de nouveau les capitaux étrangers.", a-t-il précisé. Une opinion largement partagée par Adel Grar, président de l'Association des Intermédiaires en Bourse (AIB) Les investisseurs étrangers procèdent suivant une logique de placement régional, précise t-il. En d'autres termes, les capitaux étrangers ciblent les places de la région MENA. Suite à la conjoncture économique défavorable, un investisseur qui a subi des pertes, par exemple, dans la bourse égyptienne, il sera forcé à retirer ses placements en Tunisie pour compenser ses pertes. "Ce sont les règles de jeu, il faut les accepter. Cela dit, même si un investissement d'une quelconque catégorie est retiré, il revient sur une autre. La Tunisie est une plateforme de passage entre deux marchés émergents : MENA et les marchés frontaliers (Afrique Subsaharienne, Asie, )", a-t-il indiqué. Business News a saisi l'occasion pour interroger les conférenciers sur la mesure relative au différé de 15 minutes, la communication financière et la décision présidentielle portant sur la convertibilité totale du dinar tunisien. Pour ce qui est de différé, M. Grar nous a indiqué que cette mesure, même si elle a été "sévèrement" critiquée, relève d'une démarche rationnelle. Elle ne vise que le grand public. La BVMT continue à diffuser les cours en temps réel vers les diffuseurs d'informations et les intermédiaires en bourse qui, à leur tour, diffusent l'évolution des cours à leurs clients. "Pourquoi 15 minutes ? Je ne saurais donner une réponse. On s'est aligné à ce qui est pratiqué déjà sous d'autres cieux", a-t-il ajouté. Côté communication financière, M. Kortobi a indiqué :" en ce qui concerne la communication obligatoire, nous enregistrons un meilleur respect par les sociétés cotées des délais fixés pour la publication de leurs indicateurs d'activité et de leurs états financiers. Mais il y a aussi la communication financière volontaire. Le rythme de ces communications va s'accélérer encore plus au courant de ce mois de décembre. Eu égard à l'importance de cette question, je ne peux que saluer l'initiative de l'IACE qui a préparé un rapport-modèle englobant les principes de la bonne gouvernance qui sera proposé lors des journées d'entreprise et ce pour une meilleure communication financière transparente et fiable". Les conférenciers nous ont laissé sur notre soif sur la question de la convertibilité du dinar tunisien et les répercussions d'une telle décision sur les opérations de la BVMT. Alors que doit-on retenir de tout ça ? La BVMT n'a pas lésiné sur les efforts pour améliorer sa contribution à l'économie nationale. Mais il n'y a pas que les bonnes intentions. Son rôle reste encore modeste en dépit des réformes réalisées dans ce domaine. Elle n'a pas à rougir. Il y a beaucoup de travail à faire, notamment en matière de restructuration, de transparence et de communication pour qu'elle puisse devenir une plateforme régionale attirante et capable de drainer des capitaux étrangers. Walid Ahmed Ferchichi