La Tunisie peut-elle se targuer d'être une destination golfique ? Peut-elle prétendre à bon un positionnement international en la matière ? Avec 10 parcours de golf opérationnels, exploités dans des conditions difficiles, et une clientèle qui ne dépasse pas les 1%de golfeurs européens et un marketing noyé dans la promotion institutionnelle, peut-on dire que le produit, en lui-même, existe déjà? Et si le produit existe, quel marketing doit-on adopter pour séduire les millions de golfeurs, au moins, en Europe ? Le magazine Tourisme Infos, a tenté d'apporter des éléments de réponse à toutes ces interrogations. Il est vrai qu'on devrait parler « marketing du produit golfique ». Or, le mal qui ronge l'activité a amené l'évocation, encore une fois, des problématiques des parcours, de management, de qualité des prestations, de formation et, en dernier ressort, de marketing. Un mal qui semble incurable puisque depuis plus dix ans, ce sont les mêmes reproches, les mêmes critiques et les mêmes souffrances. A l'exception peut-être, d'un petit changement au niveau de l'administration de tutelle. En effet, convaincue des bienfaits de l'activité, des recettes en devises qu'elle pourrait générer et de la montée en gamme qu'elle pourrait assurer, le tourisme tunisien s'active à développer l'activité golfique et à l'inscrire en bonne place, dans la foulée de la diversification du produit et de l'offre touristique de la destination. Mieux, on vient de nommer, depuis pas très longtemps d'ailleurs, un responsable au sein de l'administration de tutelle, chargé entièrement de l'activité golfique, en l'occurrence Mme Kallel. Elle est le vis-à-vis des professionnels de l'activité qui, d'ailleurs, ont bien salué cette initiative. Aujourd'hui, la Tunisie ne dispose que de 10 parcours de golf qui, de l'avis de tous, sont insuffisants pour en faire une destination golfique. A ce titre, le PDG de l'Agence Foncière Touristique (AFT), Habib Ferchichi, a indiqué que cinq nouveaux parcours entreront en exploitation très bientôt, dont deux, ceux à Hammamet et à Nabeul, sont entrés en phase de construction. Mieux cinq autres sont à l'étude avec cette nouveauté, fort importante pour les promoteurs, celle de pouvoir consacrer 5% de la superficie du parcours, à la composante immobilière. Une composante, dont les promoteurs et managers de Golf affirment qu'elle est indispensable pour garantir une rentabilité. La nouvelle est certes bonne. Elle est confirmée et règlementée. Cependant, une autorisation préalable est impérative. Une autorisation, comme le précise le PDG de l'AFT, « accordée au cas, par cas ». En d'autres termes, sur les 10 projets, dont les terrains ont été identifiés, il n'est pas certain qu'ils auront tous, cette autorisation. La décision relève exclusivement, de la décision discrétionnaire de l'administration. Or, si un promoteur envisage d'investir, quelques 25 MD, la moyenne pour un parcours de qualité de 18 trous, il aura du mal, sans cette autorisation, à convaincre les banques et autres partenaires indispensables, à le suivre. Par contre, avec la composante immobilière, le projet semblerait plus porteur, plus rentable et plus attractif pour les banquiers. Ce qui est certain et vérifiable, c'est que le seul parcours à avoir bénéficié de cette autorisation, dès le départ, est le parcours du « Résidence ». C'est lui qui, apparemment, à réussi à convaincre l'administration et à bousculer ses habitudes. En tous les cas, le retour sur investissements est réalisé sur l'immobilier et rapidement. Après quoi, le Golf Cytrus de Hammamet a réussi à obtenir son autorisation, après plus de dix ans, et envisage d'inclure la composante immobilière qui, au regard de son patron, ne manquera pas d'améliorer la rentabilité du parcours, et de se concentrer davantage sur la d'autres problématiques, (formation, qualité du parcours, qualité des prestations, le marketing ). Les autres parcours, y compris les nouveaux qui, espérons-le, verront le jour, rien n'est encore certain. Mehdi Trabelssi, promoteur d'un parcours à Djerba a obtenu l'autorisation du golf, mais pas, jusque là, celle de la partie immobilière. Il attend encore et espère l'avoir pour mener son projet à bon port. Il faut dire que l'absence, auparavant, de la possibilité d'intégrer une composante immobilière, dans le projet golfique, a découragé pas mal de promoteurs à mettre le paquet et à investir dans l'activité. Une activité dont l'investissement est lourd et le retour sur investissement pas évident. D'où, le retard pris par la Tunisie à se développer sur ce créneau, pourtant porteur alors que d'autres destinations touristiques, bien qu'elles aient lancé l'activité bien longtemps après la Tunisie, l'ont dépassé et de très loin. Les chiffres témoignent de ce retard pris par la Tunisie. Elle parvient à attirer à peine 1% de la clientèle disponible, en Europe. La destination enregistre, en effet, 250.000 greenfees par an, soit quelques 50 mille golfeurs annuellement, alors que l'Europe compte, à elle seule, 3,5 millions de golfeurs licenciés et deux autres millions qui ne le sont pas, mais qui jouent. Omrane Khelil, directeur du Parcours de Monastir a souligné qu'en termes de volume, le premier marché de la Tunisie, en matière golfique ce sont les Allemands, avec plus 60 mille greenfees, en 2008. Mais il y a aussi, le marché des pays scandinaves que la destination est en cours de perdre, faute de l'aérien. A cela s'ajoutent d'autres problématiques de l'activité, dont le manque de formation et le manque de perception de chaque marché émetteur Néanmoins, ajoute Omrane Khelil, le golf tunisien dispose d'atouts incontestables qu'il pourrait fructifier. Il s'agit notamment de la proximité de l'Europe, de la proximité de l'infrastructure hôtelière des parcours (une moyenne de 20 minutes de transfert) ; la stabilité politique et sociale, fort appréciée par les golfeurs, le climat agréable, le couple qualité-prix très compétitif, sans compter les efforts déployés pour tirer le produit vers le haut . Certes, beaucoup a été fait pour le développement de l'activité golfique en Tunisie. Mais, beaucoup reste à faire par ailleurs notamment au niveau de l'investissement dans les parcours, dans les programmes de formation (la Fédération Tunisienne de Golf s'active dans ce sens), et dans le marketing d'autant plus qu'en Europe, plus d'une centaine de Tours Opérateurs commercialisent la Tunisie et disposent d'un segment golfique et que l'Europe compte environ 24 salons spécialisés en la matière. Des salons auxquels, la Tunisie ne participe qu'à quelques uns seulement, faute de moyens. Dans cet ordre d'idées, Mohamed Mâali, directeur général de l'ONTT a tendu la main, grande ouverte, aux professionnels du golf afin de consolider les efforts et de s'attaquer au marketing ensemble, au moins en ce qui concerne les salons. Et, le DG n'a pas tort. Car, à quoi servirait la présence exclusive de l'administration de tutelle sur un salon spécialisé, si les professionnels n'y sont pas ? Dans les années à venir, la destination table sur 5% de parts de marché. Réussira-t-elle à concrétiser cet objectif ? En tous les cas, elle y gagnerait sans aucun doute. Car, la demande internationale existe. Elle est là, il n'y a qu'à la chercher, la séduire et la convaincre de venir jouer au golf en Tunisie. Pour ce faire, augmenter le nombre des parcours est une priorité. La volonté politique est ferme sur ce plan, et les décisions présidentielles en témoignent. L'intérêt apporté à l'activité, au plus haut niveau est largement justifié. Le golf est un segment générateur de devises, à même de hisser vers le haut la destination Tunisie, désormais taxée de destination plutôt bon marché, et d'assurer une montée en gamme des services et de la clientèle. En effet, ils sont plus de 50 millions de golfeurs dans le monde. Un nombre appelé à augmenter très rapidement, dans les années qui viennent. Une évolution qui traîne, cela va sans dire, à cause du retard dans ce segment, d'où l'impératif pour notre pays à revoir ses stratégies et son positionnement. Insaf Fatnassi