Le décalage entre la réalité du tourisme mondial, et celle du tourisme tunisien est visible à l'il nu. Pas besoin d'être un grand expert pour se rendre compte que la destination Tunisie est loin, voire très loin, de ses concurrents. Des concurrents qui, il ya quelques années, étaient ses « élèves », en la matière. Tous, professionnels et administration, se sont rendus à l'évidence, finalement, que l'élève a dépassé le maître et que ce dernier est dans l'obligation de réviser ses leçons, voire d'en apprendre des nouvelles. Aussi, comme une « grande », la destination Tunisie a eu le courage de se remettre en question, à travers l'étude stratégique de développement du tourisme tunisien à l'horizon 2016. Une étude dont le diagnostic, dur du reste, n'a surpris personne, tellement on s'y attendait. Un diagnostic qui laisse apparaître un secteur totalement en déphasage avec la réalité du tourisme mondial, un tourisme qui ne s'est adapté à presque aucunes mutations survenue dans le secteur. Et pourtant, les mutations sont profondes, radicales et révolutionnaires. C'est comme si on dormait sur nos lauriers en se contentant de ressasser nos réussites d'antan, convaincus que ça allait encore marcher.... Or, la réalité est toute autre. Une réalité qui s'est endurcie, eu égard aux objectifs ambitieux fixés par le Président de la République, pour le secteur, à l'horizon 2014. Des objectifs pour la concrétisation desquels, il a fallu repenser entièrement, la stratégie, l'approche, les moyens et les mécanismes. L'étude stratégique de développement du tourisme à l'horizon 2014 n'a rien inventé de particulier, au niveau du diagnostic du tourisme tunisien. Elle a confirmé ce qui a été déjà établi, par deux précédentes études internationales, désormais, restées dans les tiroirs, sans aucun suivi La nouveauté de l'actuelle étude, réside dans le fait qu'elle est accompagnée d'un plan d'action, daté, budgétisé. Pas moins de cinq axes stratégiques, 20 actions prioritaires et 160 mesures sont issues de l'étude afin de rétablir de l'ordre dans le secteur et de remédier aux multiples lacunes relevées par le diagnostic. A l'exception d'un savoir-faire avéré et historique, l'état des lieux du tourisme tunisien n'est en rien reluisant. Dans le diagnostic détaillé sur l'ensemble des composantes du secteur, réalisé par le Bureau d'étude Roland Berger, on y relève plus de points faibles que de points forts. Il est vrai que l'étude relève des atouts indiscutables de la destination Tunisie et de son tourisme. Il s'agit notamment d'un emplacement géographie idéal, une histoire et un patrimoine riches, ainsi qu'une infrastructure moderne. Le tourisme tunisien, souligne l'étude, s'est développé très tôt, suite à une politique volontariste de l'Etat, et sur la base d'un savoir-faire unique. En tout cas, cela semble, le seul point positif du tourisme tunisien. Le diagnostic, ne relèvera après, qu'une suite de points faibles, auxquels, il est impératif de remédier si, le tourisme national a envie de retrouver son positionnement, en Méditerranée. Aussi, -et ce n'est pas nouveau non plus- le diagnostic relève, une saisonnalité chronique du secteur. Car, les projets de développement touristique ont été essentiellement balnéaires. Pis encore, la capitalisation sur les filières de diversification (taux d'occupation et recettes additionnelles) est insuffisante. Sans compter que le pic d'activité touristique en Tunisie se concentre entre le mois de mai et celui d'octobre. D'ailleurs, 70% du chiffre d'affaires du secteur est réalisé au cours de la haute saison. Autre faiblesse du tourisme tunisien, une offre d'hébergement peu diversifiée présentant une qualité hétérogène. Elle est principalement, avec plus de 80%, une offre hôtelière avec en prime des unités en vieillissement. Sur les 240 mille lits en exploitation, environ 100 mille ont été construits, il y a plus de 20 ans. A cela s'ajoute, une qualité de services qui laisse à désirer, due à un déficit de formation ainsi qu'une situation financière critique avec le surendettement du secteur. Un endettement estimé à environ 3000 MD dont 800 MD, de dettes accrochées, et pour la résolution duquel, on a opté pour des solutions au cas par cas, plutôt que pour une solution globale. Sur un autre plan, celui des marchés émetteurs, le diagnostic relève que les marchés cible de la destination Tunisie ne sont pas traités en fonction de la spécificité des attentes de la clientèle avec en prime, une distribution hautement et exclusivement, centrée sur les Tours Opérateurs (TO). En effet, sur les principaux marchés de la destination, en l'occurrence le marché européen, ce sont les TO qui assurent la distribution et la commercialisation. Aussi, en France, 66% de la clientèle est détenue par les TO ; en Allemagne, la domination des TO est de l'ordre de 80% et en Grande Bretagne, elle est de 63%. Ceci étant, les mutations, que connaît le secteur du tourisme mondial, ont touché toute la chaîne touristique. Outre la domination des TO, un nouveau phénomène, est de plus en plus en vogue, celui du web. Plus de 70% des choix des destinations touristiques, et plus de 60% des réservations, s'effectuent, aujourd'hui, désormais, via Internet. Un facteur auquel, les professionnels tunisien n'accordent pas la place et l'importance qu'il mérite. Et pourtant, c'est le futur et l'avenir du secteur. Le diagnostic du tourisme tunisien a révélé une capitalisation insuffisante sur le canal web, soit très peu, voire pas du tout, de distribution directe. La majorité écrasante dépend de la bonne volonté des TO. Mais là où le bât blesse le plus, c'est à propos de l'image de marque de la destination Tunisie et de sa perception auprès de la clientèle des marchés cibles. L'étude relève « une image de "tourisme de masse balnéaire", en écart avec la diversité de l'offre et une déclinaison insuffisante des "identités" régionales. C'est en résumé, une image et une communication, en écart par rapport aux destinations concurrentes. Une situation qui, chez nous, a toujours été justifiée par le manque et l'insuffisance du budget. Ce qui est forcément juste, surtout quand on effectue une petite comparaison avec nos principaux concurrents. L'étude indique que le budget global de la destination Tunisie, en 2009 s'est élevé à 27 millions d'euros en 2009, contre 82 millions d'euros, pour la Turquie, soit 4 fois plus que le budget tunisien ! Le diagnostic démontre la nécessité de renforcer l'adéquation entre l'offre touristique et la demande dans une dynamique durable. Ceci passera forcément à travers la diversification et la mise en valeur du produit; la diversification des modes d'hébergement, une communication focalisée sur les produits innovants et un développement de l'animation. Plus encore, l'étude stratégique du développement du tourisme tunisien, à l'horizon 2014, a recommandé une mise à niveau de l'offre existante, une révision des normes actuelles de classement et des mécanismes de contrôle et d'incitation pour améliorer la qualité globale de l'offre. Elle a recommandé, par ailleurs, la mise en place d'une stratégie de marque du produit Tunisien et de ses composantes ; des plans marketings ambitieux en lien avec les objectifs quantitatifs par marché ; le développement du tourisme intérieur ; la consolidation des positions sur les marchés de proximité et le renforcement de la présence sur Internet. Sans compter la stimulation de la demande et le renforcement de la compétitivité et la durabilité du secteur. Ceci serait réalisé à travers, notamment, l'adaptation de la gouvernance touristique pour soutenir et favoriser le développement du secteur ; la remise à plat du modèle de formation, la sécurisation de la viabilité économique du secteur et l'intégration des problématiques de développement durable dans les développements futurs. L'étude s'est soldée par la mise en place d'un plan d'action budgétisé, avec un agenda précis, pour résoudre les problèmes du secteur et surtout concrétiser les objectifs qui lui sont assignés, dans le cadre du programme présidentiel de 2009/2014. Un plan d'action s'articulant autour de cinq axes stratégiques, 20 actions prioritaires et 160 mesures. L'ensemble de ces actions permettront d'atteindre les objectifs ambitieux mais réalistes du programme présidentiel. On rappellera que le secteur est appelé a atteindre l'objectif de 45,9 millions de nuitées, avec une croissance annuelle de + 5,5 % ; d'atteindre 54,3% de taux d'occupation ; 5365,7 MD de recettes en devises et de se rapprocher des 10 millions de touristes, à l'horizon 2014 ? Le tourisme tunisien sera t-il en mesure de relever ces défis ? Sera t-il à la hauteur de la confiance placée en lui, pour contribuer à retrouver des taux de croissance habituelle ? Aurait-il les moyens de ses ambitions ? Il est, tout d'abord, tenu à trouver et à identifier de nouvelles sources afin de financer le plan d'action, ses actions prioritaires et exécuter les 160 meures salutaires. Dans ce contexte, ce ne sont pas les idées qui maquent. On citera, entre autres, l'instauration d'une taxe de séjour, la généralisation de la taxe, payée pour l'instant uniquement, par les hôteliers, et les agences de voyage, à tous les bénéficiaires de l'activité touristique Aujourd'hui encore, la décision n'est pas encore prise. Mais, elle ne saurait tarder. Il y va de l'avenir du secteur touristique, un secteur hautement stratégique pour l'économie nationale. En tout état de cause, le plan d'action, présenté par le bureau d'étude international a déjà fait l'objet de quelques critiques de la part des professionnels et d'experts tunisiens en la matière. Des critiques, qui, au regard de l'administration, seraient prises en compte, pour la consultation nationale, prévue, le mois prochain, et dans le document final du plan qui serait présenté à un conseil interministériel, avant de mettre en uvre le plan d'action qui engagera l'avenir du tourisme tunisien. Insaf Fatnassi