Les grèves chez Tunisie Telecom se suivent et se ressemblent. C'est toujours la même revendication du syndicat : licencier les 63 contractuels aux salaires dits mirobolants. En ce mardi 10 mai 2011, on a enregistré une énième grève. On ne les compte plus ! Malgré toutes les tentatives du gouvernement de trouver une solution, malgré les appels au calme de l'investisseur émirati qui a ouvertement soutenu ces contractuels, malgré la démission de deux PDG et le « congé » d'une semaine du 3ème PDG, le syndicat de l'opérateur n'a pas daigné changer sa position. Loin du syndicat et de ses leaders, nous avons interrogé quelques salariés qui nous affirment leur ras le bol de cette histoire et ce pour de multiples raisons. La question principale du différend n'est pas réellement dans les salaires mirobolants de ces contractuels, mais dans la disparité des salaires au sein de l'entreprise. Le gouvernement a promis de s'atteler à résoudre ce problème en mettant en place une seule grille salariale valable pour tout le monde. Ce qui revient à dire que les salariés titulaires et anciens de l'entreprise vont voir leur rémunération augmentée considérablement. « Mais pourquoi donc nous prive-t-on d'une augmentation de 100 ou de 200 dinars, juste pour voir ces contractuels partir ? », s'interroge un cadre de l'opérateur. Un autre évoque une question d'ordre moral : « je ne veux en aucun cas être responsable de près ou de loin dans le licenciement d'une personne qui de surcroit est un collègue et qui, de surcroit encore, est Tunisien. C'est contraire à nos croyances, à notre éthique, à notre éducation». Le hic, c'est que la mise en place d'une grille salariale unique exige quelques mois de travail et les syndicats ne l'entendent pas de cette oreille. Ils veulent tout, tout de suite. « Mais puisqu'il y a un réel blocage, attendons quelques mois. Après tout, on a attendu des années, on peut encore patienter le temps que les choses se calment dans le pays », répond notre premier interlocuteur. Les deux sont d'accord pour dire que tout cela ne va finalement profiter qu'à quelques personnes du syndicat et que ceux qui vont en profiter le plus, ce sont les opérateurs concurrents. « Je suis malade pour Tunisie Telecom. J'adore mon entreprise et je ne suis pas du tout convaincu par toute cette histoire », nous disent-ils. Mais pourquoi donc continuent-ils à observer des grèves et à suivre les consignes de leur syndicat, en dépit des coupes qui seront effectuées dans les salaires la fin du mois, puisque les journées de grève ne sont pas payées ? « C'est qu'on a peur d'être montrés du doigt. On a également peur de sanctions de nos supérieurs hiérarchiques qui pourraient être de mèche avec le syndicat ». Et quand on va voir les supérieurs hiérarchiques, c'est le même son de cloche. Un chef d'agence à Tunis nous avoue franchement qu'il a peur de ses subalternes syndiqués de lui dire « dégage » ! Du coup, et en cette ambiance de méfiance totale des uns par rapport aux autres, Tunisie Telecom observe, aujourd'hui, son énième grève. Et demain est un autre jour. Les directions ouvriront de nouveau et le travail reprendra dans une ambiance tendue en attendant un autre préavis de grève et un autre communiqué de l'actionnaire émirati.