Dans le cadre d'une série d'analyses, à la recherche de moyens fiables pour améliorer les chances des partis d'opposition quant à se constituer en tant que véritables alternatives crédibles, je considère que les modèles (supposés) utilisés pour le montage de partis dans une Tunisie postrévolutionnaire, est à revoir. Le modèle adopté actuellement par les nouveaux partis exige un second regard sur le plan stratégique car il est construit autour d'un mécanisme trop lourd qui accorde très peu d'importance à la mobilisation des différentes ressources. Est-ce parce que les partis n'ont pas eu suffisamment de temps pour s'organiser et développer des programmes et des visions? Est-ce parce qu'ils sous-estiment l'importance du marketing politique ? Est-ce parce qu'ils essaient encore d'apprendre comment communiquer ou lever des fonds? Est-ce parce qu'ils sont à la recherche des stars au lieu des militants ? Est-ce parce que dans leur empressement à s'imposer sur la scène politique ils n'ont jamais pu instaurer des procédures normalisées pour construire un parti? Ou est-ce tout simplement parce qu'ils sont en train d'apprendre sur le tas? Je voudrais mettre l'accent sur deux facteurs importants : Imaginons que certains dirigeants de l'opposition décident de sillonner l'ensemble du pays, pour être à l'écoute des gens, sans trop parler, manger ce qu'ils mangent, partager leurs sourires et leurs larmes, tenir dans leurs bras les petits enfants et réconforter la vieille dame malade. Que se passerait-il si ces gens sentent que ces politiciens sont conscients de leurs besoins et qu'ils sont sincèrement soucieux des défis auxquels ils font face ? Ne serait-ce pas la meilleure façon d'établir la crédibilité et d'affirmer que l'opposition est vraiment proche de la population ? C'est ça le vrai leadership transformationnel et c'est exactement ce qui manque. Le contact direct. C'est ainsi qu'on construit de puissants partis solides et durables qui s'appuient sur des bases infaillibles. On n'a pas besoin de donner de son argent mais tout simplement de son temps et une partie de son cœur. On aura transformé des spectateurs méfiants et désespérés en des participants actifs, pleins d'espoir et des militants potentiels. C'est ainsi qu'on peut construire un vrai parti. Toutefois les partis d'opposition sont tout sauf réussis quant à la mobilisation stratégique des ressources humaines. En ce qui concerne le déploiement au niveau local, il fonctionne plus par défaut que par conviction car il est modulé par les demandes qui affluent de ceux qui aspirent à devenir des représentants régionaux du parti. En conséquence, nos partis sont motivés par des ambitions plutôt que par une vision, avec des foyers non coordonnés éparpillés sur tout le pays. C'est l'un des facteurs qui ont produit l'absence de choix le 23/10/2011.Ce choix ou cette alternative se doit d'être proche des gens et de présenter des propositions solides et viables. Un autre défi face aux partis d'opposition en Tunisie est la nécessité de bien réorganiser le parti en interne. Une structure en bonne et due forme impliquerait de séparer le leadership politique de la gestion du parti. En d'autres termes, il ya un besoin urgent de professionnaliser le fonctionnement interne de nos partis (une question de méritocratie) si on a l'ambition de répondre aux attentes des Tunisiens. Une gestion où les affectations sont fondées sur la popularité ou la loyauté est contre-productive et ne peut qu'engendrer des pratiques inéquitables. Aujourd'hui, plus que jamais dans le passé, et peut-être dans l'avenir, la professionnalisation des activités de nos partis politiques doit se concentrer sur deux volets interdépendants : la mobilisation des militants et le financement du parti. C'est l'absence de mise au point dans ces deux domaines qui ont fait que nos partis sont ce qu'ils sont : Une opposition qui chante les mêmes vieilles mélodies et essaie de convertir les déjà convertis. Mobiliser des adhérents impliquerait de travailler avec des groupes spécifiques de citoyens tels que les syndicats, les organisations professionnelles et la société civile. La force d'engagement de ces partenariats ouvre les portes à des contributions financières. Il est bien clair que les adhérents seraient encouragés à apporter des contributions financières s'ils ont la garantie d'une gestion prudente des ressources du parti. En outre, en dehors de la bonne gouvernance, la bonne gestion financière est impérative pour la survie des partis. De ce fait, la gestion financière ne doit pas être tributaire de la seule volonté des dirigeants politiques : un personnel ayant une expertise dans la collecte de fonds et avec les compétences requises en comptabilité doit être recruté et rémunéré. Je crois que ces deux points majeurs peuvent servir de catalyseur de réformes dans nos partis. Cette étape, une fois achevée, doit être suivie par un processus de négociation des normes opérationnelles et les meilleures pratiques de gestion. Il est à noter, qu'en l'absence de ces reformes, les éventuelles alliances ou les partenariats futurs, représenteraient des défis insurmontables, ce qui interdirait des coalitions possibles et priverait les Tunisiens d'une alternative politique viable, d'autant plus que les prochaines élections sont au tournant. *Lotfi Saïbi est originaire de Sidi Bouzid, professeur en leadership et CEO de 4D-Leadership House. Formé à Harvard, il a longtemps vécu aux USA et est rentré en Tunisie depuis la révolution