Samedi 23 mars, la Tunisie a été secouée par l'impact d'une nouvelle qui s'est répandue, en premier lieu, sur les réseaux sociaux, à savoir le viol d'une fillette de trois ans. La gravité de cet acte odieux est accentuée d'autant plus qu'il a été perpétré dans un jardin d'enfants. Une vidéo a circulé mettant en scène la victime s'exprimant quant à l'horreur qu'elle a connue. Entre compassion et colère, les avis oscillent, mais ne divergent pas, car l'atrocité d'un tel acte est incontestable. Après la publication de la vidéo où les parents de la fillette et la fillette elle-même relataient les faits, Sihem Badi, ministre de la Femme s'est exprimée sur le sujet via les ondes de Radio Shems Fm. Le viol s'étant déroulé dans une structure éducative censée être régie par son ministère, Mme Badi, a suscité la vindicte générale par la nature de ses propos et sa prise de position. En effet, la ministre avait mis en doute les déclarations des parents et de l'enfant prétextant que le viol ne s'était pas passé au sein du jardin d'enfants, mais dans le cadre familial. Cependant, les parents sont formels sur ce point crucial de l'affaire et mettent sur le banc des accusés le gardien de la structure et, par conséquent, d'une manière indirecte, sa directrice. Alors que la ministre s'était empressée de blanchir cette structure d'accueil, il semble que celle-ci exerce sans autorisation officielle et qu'elle ne réponde donc pas aux normes de contrôle exigées pour de pareils établissements. En effet, la présidente de la Chambre nationale des jardins d'enfants, Nabiha Tlili, a confirmé, dans une déclaration à Shems Fm, que l'établissement en question n'a pas de licence. Plus encore, elle a fait porter la responsabilité de ce qui est arrivé au ministère de la Femme et de l'Enfance. Sihem Badi, au rendement plus que contesté, s'est illustrée, bien avant ces faits, par un discours controversé, banalisant l'affaire du prédicateur qui encourageait le port du voile par des petites filles. L'inaction de la ministre de la Femme est plus culpabilisatrice que toute forme de parole dans un contexte où prolifèrent violence et agressivité. Notons que d'autres actes de viol ont été commis ces derniers jours. Il s'agit notamment du viol collectif d'une femme enceinte et de celui d'une sourde et muette âgée de 11 ans. Frôlant le ridicule lorsqu'elle s'était attaquée à l'image véhiculée par un message publicitaire qu'elle a jugée indécente relativement à l'enfance, Mme Badi a frôlé l'indécence, samedi 23 mars, lorsqu'elle a énoncé formellement sa détermination à ne pas se démettre de ses fonctions alors que le contexte et la gravité des faits le supposaient. Aujourd'hui, lundi 25 mars, plusieurs personnes se sont rassemblées pour manifester leur colère et leur indignation aux portes d'un ministère dont l'utilité est mise en doute et l'inefficacité est avérée. La foule s'était donné rendez-vous pour scander un « dégage » à l'encore de Sihem Badi. Cependant, sur les lieux et dans certains médias, a circulé une information selon laquelle celle-ci n'était pas dans ses bureaux, ni sur le terrain non plus, mais dans les airs en direction de Doha afin d'accompagner Moncef Marzouki et un groupe d'officiels dans le cadre de leur visite au Qatar pour participer au Sommet arabe. Nous assistons depuis quelque temps à une banalisation de la violence révélatrice d'un hiatus entre gouvernants et gouvernés et d'un fossé qui ne cesse de se creuser entre les attentes des Tunisiens et les actions des dirigeants. Le viol de la fillette acquiert une dimension politique, dès lors que l'implication de la ministre de la Femme se concrétise par l'inaction et la parole creuse, car ne condamnant qu'a posteriori. Rappelons que le viol de la jeune Mariem par des policiers était passé aussi du fait divers au scandale politique, en partie, à cause de l'inertie déconcertante du même ministère. La petite fille violée traînera à vie une blessure incommensurable, celle d'avoir été en insécurité dans un contexte dont le rôle aurait dû être de lui prodiguer un sentiment de sécurité et une réelle protection. Etant une victime et non des moindres vu son âge et l'atrocité de l'affaire, on devrait la protéger davantage de l'acharnement médiatique et du harcèlement moral que les questions réitérées pourraient receler. L'impact du viol est lourd sur le court et le long terme, il n'a d'autre égal que celui de la culpabilité que ressentiront des responsables irresponsables, quand la magie de la légitimité électorale aura disparu les ramenant, au passage, à leur réelle dimension.