Episode 1 — L'UGTT, cible mouvante d'un pouvoir bipolaire Jeudi 7 août 2025, jeudi noir à la place Mohamed Ali. Devant le siège de l'UGTT, une bande d'individus visiblement choisis pour leur absence de lien avec le monde du travail — enfants, sans-abris, et autres figurants recrutés sur casting sauvage — s'en est prise à la centrale syndicale, accusée d'être une « mafia » et « un repaire de corrompus ». Pendant ce temps, les policiers, eux, ont choisi de faire du syndicalisme passif : ils ont assisté à la scène comme on regarde un film sur Netflix. En silence, popcorn en moins. Et pour les sceptiques, un détail qui vaut son pesant de mensonge : Mohamed Bouzidi, journaliste de plateau d'El Janoubia et voix-off attitrée de la propagande d'Etat, était sur place. Comme par hasard. Comme on est par hasard à un braquage en train de filmer quand les voleurs entrent. Le plus étrange ? Il n'a pas appelé la police. Il a dû oublier le numéro. Et là où le spectacle devient burlesque, c'est quand certains proches du pouvoir — ou ses clones numériques — se mettent à condamner l'attaque. Certains hurlent avec les loups, d'autres s'indignent des crocs. Les mêmes qui traitaient hier l'UGTT de parasite se découvrent aujourd'hui une soudaine passion pour la paix sociale. Schizophrénie de régime ou stratégie du bon flic / mauvais flic ? Mystère. Pendant ce temps, sur les réseaux, on chauffait les esprits. L'attaque n'était pas un accident, c'était une bande-annonce : « Je vous promets que ce n'est que le début », a juré Nizar Dax, influenceur du dimanche et petit soldat du régime en mode décomplexé. La suite ? Probablement un spin-off avec décors en carton et figurants payés en sandwichs. Mais le show devient franchement comique quand les autres voix du pouvoir — les « bons flics » — entrent en scène pour condamner l'attaque. Fatma Mseddi appelle à un syndicat « responsable » (comprendre : silencieux). Riadh Jrad se désole de l'image donnée par cette manifestation, tout en appelant à une « purification » de l'UGTT. On vous laisse deviner de quel côté ils tomberaient si on organisait une vraie purge. Et le plus pathétique, c'est que cette cacophonie est peut-être… volontaire. Deux discours, deux postures, deux visages pour un seul pouvoir : l'un cogne, l'autre pleure. On crée le chaos, puis on se pose en solution. Une méthode vieille comme Machiavel, adaptée aux réseaux sociaux. Sami Tahri, lui, n'est pas dupe. Il documente tout. Il aligne les preuves, les slogans, les appels à la haine. Il voit la main du pouvoir partout — et il n'a sans doute pas tort. Il parle d'un plan orchestré, d'un repérage préalable, de slogans recopiés, d'un silence complice de l'Etat. Il dit tout haut ce que tout le monde voit : le pouvoir veut affaiblir, isoler, désacraliser l'UGTT. Et quand ce n'est pas par décret, ce sera par matraque, ou par posts Facebook interposés. Puis, au petit matin du samedi, le président de la République en personne s'invite dans le scénario. Du haut de son pupitre, il explique que ceux qu'il qualifie de « protestataires » « n'avaient pas l'intention d'agresser ou de s'introduire dans le siège ». Voilà, verdict rendu, circulez, il connaît leurs intentions mieux qu'eux-mêmes et leur donne blanc-seing. Comme disait un certain dirigeant : « Celui qui les innocentera est leur complice ». Et pour ceux qui répètent que ce sont des « parties inconnues » ou « étrangères au processus », vous pouvez ravaler vos mots… ou pas. Et c'est peut-être là tout le génie de ce régime : pouvoir se contredire à la même seconde, sans que personne ne s'en étonne.
Episode 2 — Quand le ministère de l'Intérieur devient une cible… intérieure C'est une scène inédite sous notre République verticale : un ministère de l'Intérieur qui fulmine… non contre ses opposants, mais contre une campagne venue de ses propres marges. Mercredi 6 août, un communiqué furibond dénonce des publications « mensongères », vise des pages « suspectes », et promet des poursuites. À peine publié, il déclenche un vacarme de contre-attaques. Le communiqué n'est pas signé, mais il est plein de ressentiment. On y devine la main de Khaled Nouri, ministre de l'Intérieur, et celle de son secrétaire d'Etat Sofiane Bessadok. Car cette fois, les attaques ne viennent ni des islamistes, ni des syndicalistes, ni des ONG, ni des médias hostiles et encore moins des traîtres évoqués une fois sur deux par Kaïs Saïed. Les attaques viennent … des plus zélés propagandistes du régime lui-même. Ceux qui, hier encore, expliquaient doctement que toute critique du pouvoir relevait du complot étranger, s'autorisent aujourd'hui à fustiger un ministre en exercice, à dévoiler des noms de responsables sécuritaires et à évoquer des infiltrations étrangères sans sourciller. La confusion est totale. À l'intérieur, on parle de limogeages refusés, de dossiers enterrés, de réseaux qui protègent leurs pions. À l'extérieur, on balance, on menace, et on désigne les « traîtres au chef ». Le tout, sous les applaudissements d'un public dressé à adorer, puis à dénoncer, selon les saisons. L'Etat, lui, hésite : poursuivre ou tolérer ? Se taire ou sévir ? Car dans cette drôle de guerre, les lignes de front traversent désormais les palais, pas les trottoirs. Et c'est peut-être là tout le paradoxe : à force de vouloir un Etat sans contre-pouvoirs, on se retrouve avec un pouvoir sans Etat.
Episode 3 – Le cow-boy, la gâchette sélective L'Amérique adore jouer au shérif. Un badge à la main, un chapeau sur la tête, et une prime sur l'affiche. Dernière cible en date : Nicolas Maduro, président du Venezuela. 50 millions de dollars offerts – cash – pour sa capture, soit le double de la prime mise jadis sur Oussama Ben Laden. L'ennemi public numéro un, c'est donc désormais un président sud-américain jugé « illégitime » par Washington. Motif : trafic de drogue, corruption et, crime suprême, résistance aux intérêts américains. Dans la foulée, les Etats-Unis ont imposé 50 % de droits de douane au Brésil. Parce que le président Lula ose soutenir un juge qui a le mauvais goût de vouloir faire condamner son prédécesseur Bolsonaro, chouchou de Trump. Résultat : sanctions, menaces, gel d'avoirs et même application de la loi Magnitski. Une première. On parle ici de décisions judiciaires brésiliennes, dans une démocratie souveraine, mais qu'importe : si ça déplaît à Washington, c'est punissable. Pendant ce temps-là, Benjamin Netanyahou peut bombarder Gaza, affamer une population entière et multiplier les violations du droit international. Pas de prime, pas de blocus, pas de sanctions. Au contraire, un soutien militaire renforcé, des vetos en conseil de sécurité de l'ONU et un silence complice. Pas touche à l'allié. C'est que le cow-boy, dans sa version 2025, a le doigt sur la gâchette, mais l'œil sacrément myope. Il voit très bien les urnes au Venezuela, mais pas les ruines à Gaza. Il traque la corruption chez les autres, mais finance les bombes de ses amis. Et c'est peut-être là la vraie morale de ce western mondial : le shérif ne protège pas la loi. Il protège ses potes.
Episode 4 – Chine : ils ont scié une montagne en deux pour y glisser une autoroute On savait que la Chine n'avait pas la main légère sur la nature. Mais cette fois, elle l'a carrément découpée. Pas de virages, pas de tunnels, pas de débat. Quand une montagne gêne, on la scie. Littéralement. En deux. Dans la province de Guizhou, les ingénieurs n'ont pas tergiversé. Ils ont sorti les pelleteuses, tranché la montagne comme un vulgaire pain de mie, et inséré au milieu une magnifique autoroute quatre voies. Tout ça pour construire le pont du Grand Canyon de Huajiang, qui culmine à 625 mètres de haut, soit deux fois la tour Eiffel. Officiellement, il s'agit de revitaliser une région rurale et de promouvoir le tourisme. Officieusement, c'est surtout une démonstration de force géologique : la nature n'a qu'à bien se tenir. Grâce à cette saignée spectaculaire, un trajet qui prenait 1h10 se fait désormais en deux minutes chrono. « Pour le peuple et le développement, aucune montagne n'est trop haute », s'est félicitée la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning. L'ironie, c'est que même le sommet n'a pas été jugé assez haut : ils ont préféré l'égaliser au bulldozer. On attend encore la réaction des défenseurs de la nature. Mais à ce niveau, Greenpeace, après des dizaines de réunions de crise, pourrait tout aussi bien s'installer sur le périphérique de Pékin avec une banderole : « On a perdu ». Et c'est peut-être là, le nouveau rêve chinois : une nature conquise au bulldozer, dans un monde où même les montagnes finissent à quatre voies.