Il était une fois…Ah non, il est encore, un peuple, humble, candide et d'une bravoure inouïe qui a fini par le conduire à une révolte contre ses pet-de-loup, ébahissant ainsi le monde. Et alors, tout humblement et tout candidement, ce peuple convoitait une démocratie aux apparences occidentalisées sur un fond arabisé. Aux urnes citoyens ! Ce peuple humble et candide a été appelé à voter au cours d'élections aussi transparentes que l'eau de roche. Ce sera des élections libres et transparentes, c'est qu'on leur a promis et même juré leurs grands dieux. 217 députés plus tard, voilà que les travaux pour l'élaboration d'une nouvelle Constitution sont mis en marche. Une marche que l'humble et candide peuple pensait scrupuleuse et diligente. Soit ! Plus d'un an et demi et quelques dizaines de millions de dinars plus tard, la nouvelle Constitution se fait encore désirer. Dès lors, le peuple humble et candide se secoue : l'on prend les lanternes pour des vessies, des députés qui n'ont de cesse de faire l'école buissonnière, de se goinfrer de l'argent du peuple, et l'on nous vend du vent ! Mais, entretemps, il s'en est passé des choses : des scandales aux discordes en passant par des démissions par-ci, de nouvelles adhésions par-là. Quant à la rédaction de la Constitution et bien ça vient, ça vient… Aujourd'hui, il était convenu d'étudier la motion de défiance à l'encontre du président de la République, Moncef Marzouki. Oui, à dire vrai, il s'en est discuté des motions du genre, comme quoi, ils en ont du cran ces députés pour faire face aux irrégularités, aux imperfections douteuses et aux manquements doublés de dépassements de nos gouvernants ou même de certains des leurs. La séance de l'Assemblée nationale constituante, consacrée à la destitution de Moncef Marzouki –car, entre autres regardant souvent les étoiles- a enregistré l'absence de 171 députés ! Sacré coup hein ! Bien entendu, la séance a dû être reportée d'une demi-heure, c'est ce qu'a décidé Arbi Abid, vice-président de l'ANC. Quoi qu'il en soit, s'inscrivant dans cette éternelle optique de « on vous fait marcher et on adore ça », la motion de destitution risque fort de tomber à l'eau, au regard des quatre signataires ayant retiré leur engagement dans ce sens. Et c'est reparti pour une parade de négociations et de pourparlers crétinisants ! Et puis, ce pour quoi Moncef Marzouki risque d'être destitué, à savoir un discours fort déplaisant à l'égard de ses « comparses » de l'opposition, ne fait plus les gros titres de la presse et la vague sur laquelle les élus voulaient surfer est passée. Les élus du peuple, pensant agir dans l'intérêt de tous, ou dans le souci de faire montre d'une force cachée et silencieuse à bien des égards, n'ont vraisemblablement pas eu, ne serait ce qu'un clin d'œil, au vide que pareille décision pourrait engendrer. Loin des tergiversations entre camarades et pour apaiser les ardeurs de ce peuple humble et candide, qui par moments se sent pris d'une vive émotion d'injustice et de foutage de gueule, ses élus se sont risqués à balancer des dates de fin de leurs fonctions, et de fixation de la tenue des élections législative et présidentielle. Mais, le manège ne fait que trop durer : chacun y va de son pronostic, celui qui convient le mieux au parti politique qu'il représente. Le cœur sur la main, ils jurent et promettent de faire bonne figure aux yeux de ce peuple, précisément. Et puis, zut ! La question des élections et de la Constitution devient aujourd'hui, une plaie. Une plaie si large, que dans les moments de désespoir et de pessimisme, tous les points de suture du monde ne suffiraient pas à recoudre. L'on se tue à expliquer, jusqu'à en perdre la voix, que la question des élections et de la Constitution représente la clé d'une véritable stabilité aussi bien politique, sociale qu'économique. Mais c'est à croire que l'on s'y plait dans ce grabuge ou, plus exactement, ce souk. On se plait à faire son show et sa star de l'Assemblée et à qui dit ou fait mieux, pendant que le peuple humble et candide s'enfonce dans sa misère, qui n'est guère moins dure au soleil. Pis, le gouvernement « révolutionnaire » va jusqu'à faire de la lèche auprès des gens du Fonds Monétaire International, emprunter de l'argent, pour les beaux yeux des élus du peuple. Bien sûr, il faut bien débourser des salaires à plusieurs zéros et les caisses sont quasi vides. Aujourd'hui, le peuple humble et candide s'est installé absurdement dans une passivité et y trouverait presque du réconfort. Alors il s'excite, il s'agite et s'emporte contre l'Assemblée nationale constituante, mais applaudit dès que les députés vomissent leurs promesses creuses pensant : « c'est toujours mieux que rien ». Décidément, contre son gré, sans doute, mais contre sa raison aussi, le peuple humble et candide s'accroche à cette logique qu'il sait absurde comme un naufragé s'accrocherait à une branche. Le peuple humble et candide s'est réveillé un matin, sur la triste réalité : les députés qu'il a élus ne sont autres que des cigales. Des cigales qui passent leur temps à glander, à faire les intéressants, à faire croire aux miracles, à engraisser leurs comptes en banque et à admirer les fourmis dans leur dur labeur. Des cigales qui répandent des paroles stridentes, qui savourent les droits dérobés avec la ruse et la malice, et qui n'hésitent pas à danser sur la tombe d'une révolution aigrie. Des cigales qui s'en foutent… Nadya B'chir : Journaliste à Business News