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La menace terroriste, premier défi pour Béji Caïd Essebsi
Publié dans Business News le 20 - 03 - 2015

La problématique du terrorisme en Tunisie est relativement nouvelle. Les attaques ponctuelles enregistrées au cours des années 2000 (Djerba et Slimane) obéissaient à une toute autre logique. La menace à partir de l'année 2012 devient générale et durable de sorte que la lutte contre le terrorisme s'érige en impératif vital pour l'Etat. Cette dimension s'ajoute à d'autres facteurs de crise interconnectés (économique et sociale, crise des institutions, crise régionale). Seule une victoire décisive sur le terrorisme permettra de progresser sur les autres fronts, notamment le redressement économique et l'édification des institutions démocratiques.
La violence jihadiste résiliente et mutante constitue le défi principal d'ordre sécuritaire pour les autorités nouvellement élues. En dépit des coups qui lui sont portée, ses protagonistes renouvellent constamment les rangs de leurs combattants, s'adaptent aux évolutions intérieures et régionales sans changer pour autant leurs objectifs et leur référentiel idéologique. La mort dans la nuit du 17 au 18 février 2015 lors d'une embuscade suivant le modèle algérien de 4 membres de la Garde Nationale et l'attentat effroyable du Bardo du 18 mars 2015 viennent nous rappeler à quel point la menace terroriste est ancrée dans la réalité tunisienne. Cet attentat visant le cœur du pouvoir tunisien, le tourisme, pilier d'une économie tunisienne au bord de l'asphyxie etle musée du Bardo, symbole de l'identité plurielle de la Tunisie, marque un tournant majeur susceptible d'induire un déraillement du processus démocratique. Par son mode d'action et ses cibles inédits, il frappe en plein cœur la jeune démocratie tunisienne, met à jour ses vulnérabilités et l'enracinement d'une menace terroriste en mesure de cibler la capitale et le cœur des institutions.Le premier gouvernement de la deuxième république doit revoir ses priorités.
Le phénomène du terrorisme est transnational. En dépit des attaques sanglantes de Paris et de Copenhague, tout en ciblant les grands pays occidentaux (Etats-Unis, France, Grande Bretagne, Espagne, etc.), il se concentre principalement, depuis les révolutions arabes, au sein des pays arabes et islamiques. En réalité, il se manifeste à trois niveaux :

Le niveau local : le milieu est réceptif lorsqu'il concentre d'une part des contradictions flagrantes et des vulnérabilités (économiques, sociales, religieuses, des mécontentements frappants, des griefs politiques, une jeunesse désœuvrée et en perte de repères, etc) et lorsque des pratiques illicites liées à des réseaux criminels transfrontaliers forment un milieu clandestin disposant de moyens financiers importants. La criminalité économique devient transfrontalière à la faveur des faiblesses des régimes en place (corruption, prise d'intérêt ou impuissance).
La criminalité économique trahit toujours un degré de criminalité politique. Le terrorisme devient une menace permanente en l'absence d'une volonté politique de lutte claire et dépourvue de toute ambigüité. Le laxisme, voire la complaisance, de la Troïka à l'égard d'éléments radicaux se réclamant ouvertement de l'islam jihadiste a permis à l'hydre terroriste de tisser sa toile. Alain Chouet, ancien haut responsable au sein de la DGSE et fin connaisseur du monde arabe souligne : « Pour moi, ces attentats ne sont finalement qu'un prolongement terroriste de la stratégie politique d'Ennahda qui consiste à couper le pays du reste du monde. La Tunisie ne vit que de ses capacités d'interactions avec le reste du monde et en particulier avec l'Occident. Elle n'a pas de ressources autonomes. Cela a été la stratégie permanente des Frères musulmans partout où ils ont agi : couper les ponts avec le monde extérieur dans un objectif de prendre le pouvoir sans que personne ne puisse intervenir. Cela a été écrit noir sur blanc par Saïd Qotb, le grand penseur des Frères musulmans. Evidemment, les politiques occidentaux qui ont fait le pari d'un islamisme politique « modéré » en se satisfaisant de l'arrivée au pouvoir d'Ennahda ont joué un jeu très dangereux. La quasi-totalité des Tunisiens salafistes sont issus des Frères musulmans, c'est-à-dire la mouvance d'Ennahdha. Cette mouvance a largement profité de cet enfumage, assez classique dans les mouvements fascistes, qui visait à montrer qu'il y avait les bons islamistes et les mauvais, mais dans les faits, ils roulent dans le même wagon. Il n'y a pas d'islamiste hard ou soft, l'islamisme est un bloc homogène. Faire une distinction entre un islamisme fréquentable et un islamisme infréquentable consiste à nier la nature même de l'islamisme. Ennahdha est l'archétype de cette nébuleuse islamiste »[1].
Le niveau régional : les facteurs régionaux soutiennent et amplifient la menace terroriste en dopant les facteurs internes tout en créant des dynamiques propres avec des finalités régionales ;
L'échelle internationale : à ce niveau, interviennent des stratégies de manipulation obéissant à des calculs supérieurs, étrangers aux motivations locales. Il convient d'établir une distinction entre l'exécutant qui, motivé et endoctriné, croit dans la justesse de sa cause au point de pratiquer la violence sanguinaire et d'accepter le sacrifice ultime et, d'autre part, le commanditaire poursuivant des objectifs politiques, stratégiques ou criminels étrangers aux motivations des exécutants.
Certaines puissances utilisent le terrorisme dans des pays tiers pour justifier l'intervention et l'implantation militaire dans le pays considéré ou dans la zone considérée. Le terrorisme est une des voies de pénétration de l'impérialisme économique et de l'hégémonie politique. En outre, la révolution démocratique tunisienne a éclaté dans un contexte régional et arabe hostile. Tous les moyens sont bons pour affaiblir et éliminer un régime considéré comme un précédent dangereux.
La lutte efficace contre le terrorisme dicte d'analyser l'articulation entre ces trois plans. De ce fait, elle inclut à la fois la répression directe sur le terrain, la prévention, la valorisation de la sécurité globale, culturelle et humaine, la coordination régionale sur des bases convergentes et déterminées au niveau politique et diplomatique afin de dénoncer les visées malveillantes et les calculs obscurs et masqués des milieux commanditaires qui peuvent être des Etats, des groupes d'Etats, des multinationales ou des organisations criminelles transnationales.
C'est à travers le système de crises (sécuritaire, politique, économique et sociale) usant l'Etat et le corps social tunisien et les profonds bouleversements géopolitiques restructurant le voisinage tunisien (Libye, Algérie et profondeur sahélienne) que doit être analysée la montée en puissance du terrorisme menaçant la sécurité nationale tunisienne et hypothéquant la transition démocratique du pays.
En Tunisie, l'implantation du terrorisme s'est accompagnée d'une double menace mettant en cause l'unité nationale et le principe même de l'Etat national.
L'affaiblissement de l'Etat a provoqué une régression politique qui s'est exprimée par la remontée de la logique tribale. L'effort d'intégration nationale entrepris au lendemain de l'indépendance avait réussi à surmonter les clivages traditionnels des tribus et des clans. Cet acquis a été ébranlé par des revendications particularistes en vertu desquelles les ressources nationales (le phosphate dans le bassin minier) doivent profiter aux populations des tribus locales. Les désordres et les révoltes qui ont éclaté dans le bassin minier ont ouvertement soulevé cette revendication. Dans le reste de la région maghrébo-sahélienne où subsistent des minorités individualisées (Amazigh, Touaregs et Toubous), la problématique se pose en tant que facteur structurel de l'intégration nationale et de la construction de l'Etat. La Tunisie, en dépit de ces soubresauts, se distingue néanmoins dans le tableau régional par une unité nationale forte et éprouvée. Néanmoins, la campagne électorale clivante menée par le président Marzouki a mis à jour des vulnérabilités et des lignes de fracture oubliées depuis l'indépendance et susceptibles de constituer un danger quant à la sécurité nationale ;
D'autre part, la transition démocratique en Tunisie a révélé l'existence d'une minorité qui, niant la légitimité de l'Etat territorial, milite pour l'avènement de l'Etat communautaire (arabe ou islamique). Ces groupuscules s'attaquent aux symboles de l'Etat, apportent leur appui déclaré à l'avènement d'un Emirat ou à la proclamation d'un Etat islamique tel que Daesh. Ils constituent une force intérieure à l'appui des thèses jihadistes.
Si la menace politique provincialiste reste surmontable par une stratégie de développement économique et social et d'équilibre régional, la menace communautariste constitue un danger profond lié au jihadisme islamiste international. La démarche doit vaincre toutes les menaces.
D'autre part, face à la complexité de la menace terroriste, la prudence doit guider toute politique de lutte. Deux questions s'imposent :

- Quelle est la part relevant du local et la part s'inscrivant dans une dimension globale établissant un lien avec une « internationale » terroriste ?
- Quelle est la part authentique (combattants instrumentalisés, simples pions sur un échiquier, mais fondamentalement imprégnés par l'importance de leur cause) et la part manipulation et instrumentalisation (groupe infiltré par des services secrets étatiques et dont les actions téléguidées répondent à un agenda loin de toute foi islamique) ?

Le terrorisme islamiste semble combiner une part d'authentique et une part de manipulation par des services étatiques et des sources obscures.

Le jihadisme islamiste mobilise des milliers de jeunes et les pousse au sacrifice dans l'espoir de l'avènement d'un émirat national ou d'un califat à l'échelle de la civilisation de l'islam[2]. Mais il est clair que les stratégies des puissances qui commandent le terrorisme au Maghreb et au Machrek sont totalement étrangères aux intérêts supérieurs de l'islam et aux valeurs de la civilisation islamique.
La Révolution ayant conduit à la chute de Ben Ali en janvier 2011, et le processus de transition politique et institutionnel qui s'en est suivi ont de manière logique, dans un contexte de rupture, conduit à un affaiblissement des structures de l'Etat en charge de la sécurité et corrélativement à une dégradation de la situation sécuritaire.Celle-ci, dominée au départ par des actes de délinquance et de prédation, a progressivement glissé vers des formes de violence structurées, idéologisées et privilégiant le terrorisme comme mode d'action.

Cette évolution a connu sans conteste une forte impulsion suite au renversement du régime de Kadhafi au terme d'une guerre civile, dont la principale conséquence est le chaos, voire le risque d'implosion, qui caractérise désormais la situation intérieure libyenne (situation à l'irakienne). A cela s'est ajouté le départ - et pour certains, déjà le retour - de plusieurs milliers de jeunes tunisiens (estimés à 3000) vers la Syrie, nouveau centre du jihad international. Ainsi, aux répercussions d'une instabilité régionale en passe de devenir structurelle, se sont ajoutés à partir de 2012 les effets d'une crise politique interne et du jeu de certains acteurs, parfois directement impliqués dans la gestion des affaires publiques. Tous ces facteurs ont abouti, à partir de 2012, et surtout durant l'année2013, à la montée en puissance sur le territoire tunisien de groupes radicaux se réclamant du salafisme-jihadiste, dont le plus notoire est Ansar al Charia.
Ainsi, l'émergence du terrorisme est liée à la faiblesse ou la paralysie de l'Etat. Le terrorisme en tant que violence politique se développe et s'enracine en l'absence d'une volonté politique claire de le combattre radicalement.
[1] « Tunisie : ces attentats sont le prolongement de la stratégie politique d'EnEnEnnahdha », Alain Chouet, Marianne, 20 mars 2015, consultable au lien suivant : http://www.marianne.net/tunisie-ces-attentats-sont-prolongement-strategie-politique-ennahda-100232152.html.
[2]Le Général Rachid Ammar, actuellement à la retraite, évoquait, lors d'une intervention télévisée, un groupe insurrectionnel armé visant à renverser l'Etat plutôt que des terroristes.


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