Il est désespérant de constater que dans notre pays une seule profession n'a pas de revendication salariale particulière et ne se met pas en grève pour 20 dinars de plus sur son bulletin de paie. Je veux, bien sûr, parler de celle des terroristes. Ces derniers, en effet, s'acquittent de leur tâche avec dévouement et une grande régularité que les derniers attentats de Sousse ne font que confirmer. Pourtant, aucune centrale syndicale ne les soutient et ne s'est faite porte-parole de leurs conditions de travail difficiles et des risques qu'ils prennent au quotidien.
Face à une corporation d'assassins aussi déterminée et disciplinée que trouve-t-on ? Un peuple qui confond démocratie et gabegie et qui se passionne pour la moindre prise de bec entre politiciens et journaleux. Un peuple rongé par la cupidité et qui ne soucie que de son intérêt personnel au détriment de celui de la collectivité. Une classe politique obsédée par l'exposition médiatique et ses petits privilèges. Des syndicats dénués de tout sens de la mesure et qui ne s'épanouissent que dans la surenchère. Un Houcine Abassi, en dehors du temps et de l'espace, et qui continue, même au lendemain de la tragédie de Sousse, de souffler sur les braises de la contestation sociale. Un gouvernement lent à la détente et manquant d'assurance. Un Habib Essid qui n'est pas l'homme de la situation et qui doit trouver le courage de remettre son tablier. Des forces de l'ordre mal organisées et dépassées. Un ministre de l'intérieur dont on ne s'explique pas qu'il n'ait pas été congédié après ses deux performances du Bardo et de Sousse.
En somme, à ce rythme, le tourisme en Tunisie ne sera plus enseigné qu'en classe d'Histoire et les terroristes sont assurés de pouvoir poursuivre leur marche macabre et plonger le pays dans les ténèbres. De quelle guerre contre le terrorisme parle-t-on quand nous ne sommes même pas capables de décréter une mobilisation générale? Comment vaincre une guerre quand l'Etat se délite et que ses agents ont oublié la notion d'intérêt public ? Une guerre ne se gagne pas avec un état-major de bras cassés et un peuple démobilisé. Au lieu de resserrer nos rangs, de mettre en veilleuse nos querelles mesquines et de renoncer à nos intérêts égoïstes nous nous plaisons, depuis plus de 4 ans, à nous diviser entre Laïcs et Religieux, Rcdistes et Révolutionnaires, Sudistes et Nordistes, Jeûneurs et Fataras et que sais-je encore.
Inconsciemment mais par notre inconséquence, nous avons fait le lit du terrorisme qui, de tous temps, prospère dans les nations fragiles et divisées. Aujourd'hui, de Bardo à Sousse, nous payons, tous, le prix de notre absence de cohésion et de notre déficit patriotique. L'heure des choix existentiels a largement sonné : soit nous continuons à nous disputer sur la confiscation, le Conseil supérieur de la magistrature, la justice transitionnelle et toutes sortes de fadaises soit nous réalisons, enfin , que notre nation est en danger de mort en nous dressant comme un seul homme contre cette vermine qui a juré notre perte.