C'était, hier que le premier président de la Cour des comptes, Abdellatif Kharrat avait remis au chef du gouvernement le 29ème rapport annuel de la Cour des comptes pour l'année judiciaire 2013-2014 ainsi que le rapport de clôture de gestion du budget de l'Etat pour 2013. Une conférence de presse a été, par ailleurs, organisée à cet effet, aujourd'hui, pour présenter aux médias un aperçu dudit rapport.
Dans le cadre de l'amélioration de l'impact de son travail, la Cour des comptes a appelé les structures, ayant été soumises au contrôle, à mettre en exécution toutes les recommandations et à remédier aux différentes failles constatées à travers les systèmes d'audits internes. Elle a, également, appelé l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) à auditionner lesdites structures à la lumière du rapport. Toutefois, la Cour des comptes a dénoncé le manque de moyens mis à sa disposition, considérant qu'ils ne sont pas en adéquation avec l'importance des prérogatives qui lui sont attribuées et des missions qui lui sont confiées, tout en soulignant l'importance d'une indépendance financière et d'une autonomie de gestion.
Avant de passer à un condensé des diverses anomalies énumérées dans le rapport en question, il y a lieu d'enregistrer deux révélations de tailles faites par le président de la Cour des Comptes, Abdellatif Kharrat. Il a indiqué, d'abord, que les membres des différents gouvernements passés, procédaient à la déclaration de leurs biens, mais qu'ils sont très rares à en faire de même à la fin de leur mission. M. Kharrat a réaffirmé, par ailleurs, l'existence d'un candidat à l'élection présidentielle en 2014 qui a reçu des sommes d'argent d'une partie étrangère tout en persistant à refuser de révéler son nom. « Notre mission se limite à relever les faits et à les transmettre aux autorités concernées, en l'occurrence le ministère des Finances et la Banque centrale de Tunisie, dans le cas d'espèce, qui leur revient de dévoiler le bénéficiaire et de prendre les mesures appropriées à son encontre », a-t-il affirmé en substance.
Le président de la Cour des comptes, Abdellatif Kharrat et Mme Amel Elloumi, magistrate présidente de la section à la Cour des comptes ont présenté quelques échantillons significatifs de certaines défaillances constatées, dont voici les principaux faits.
Dans le secteur du bâtiment et des logements, la Cour a relevé « les pratiques peu orthodoxes de la Société nationale immobilière de Tunisie (SNIT) qui a vendu des terrains viabilisés portant, ainsi, préjudice au patrimoine foncier de la Société tout en commercialisant des logements sans la transparence nécessaire et en faisant bénéficier certains de ses clients de privilèges sans motifs légaux.
Dans le même ordre d'idées, des anomalies ont été constatées au sein du Fonds de promotion des logements pour les salariés qui a fait profiter certaines personnes autres que celles à revenus faibles ou moyens.
Dans le secteur de l'enseignement supérieur, de la culture et de la jeunesse et des sports, le rapport relève qu'il y inadéquation entre la nature de l'enseignement dispensé et les besoins spécifiques du marché de travail, dans le sens où les étudiants manquent d'outils pratiques et de formation en la matière.
D'autre part, une mauvaise gestion et exploitation des ressources dans les deux domaines culturel et sportif ont été constatées, ainsi que pour les espaces et les équipements mis à la disposition de l'Etablissement de la Radio Tunisienne. L'établissement n'a pas su se rattraper et promouvoir le paysage médiatique dans le pays, apprend-on. Ceci sans oublier le manque d'intérêt accordé aux archives audiovisuelles, constituant, pourtant, la mémoire nationale et une des composante s du patrimoine culturel du pays.
A propos des produits bénéficiant des fonds de la Caisse de compensation, le rapport relève la hausse des charges de ce mécanisme et ses orientations peu claires, puisqu'il n'y a pas que les catégories à faibles revenus qui en profitent, le manque de promotion de la production nationale en matière de céréales, et d'huile végétale. On relève, par ailleurs, le cas particulier du sucre qui engloutit des sommes colossales en subventions sur fond de divergences persistantes entre l'Office de Commerce de Tunisie et la Société tunisienne de sucre. La Cour arrive, à ce sujet, à la conclusion stipulant l'obligation de renforcer les contrôles sur les circuits de distribution, dans le sens où ceci a entraîné trois tares majeures, à savoir, la privation de la Trésorerie de l'Etat de recettes de l'ordre de 285 millions de dinars, de l'évaporation de 122 millions dinars de taxes douanières avec l'effet du temps, alors que le pourcentage de recouvrement des dettes accumulées n'a pas dépassé les 1% en 2013.
Concernant le développement, la Cour des comptes constate, dans son rapport, qu'il y a inadéquation entre le gigantisme des projets programmés avec les moyens mis à disposition pour les exécuter, ce qui crée des clivages, souvent insolubles.
C'est dans ce cadre que le nombre de projets programmés, en sérieuses difficultés d'exécution atteint les 672 dont 81 pour cent se trouvent dans les régions intérieures, et ce à cause de l'absence d'études préalables sérieuses, du manque de plans directeurs, de l'absence de suivi. Ceci a pour conséquences, le gel, voire l'interruption pure et simple de bon nombre de projets parce qu'ils ne parviennent à susciter l'adhésion des habitants des régions en question.
Le secteur du transport n'est pas exempt d'anomalies, au moment où la plupart des entreprises souffrent de difficultés financières énormes atteignant des déficits de l'ordre de 1200 millions de dinars durant la période allant de 2010 à 2013. A cela s'ajoute la détérioration de l'état des routes à cause de l'absence d'une maintenance appropriée dont est chargée la Société Tunisie-Autoroutes, alors que la société de transport du gaz par pipe –line n'a pas connu la promotion nécessaire à cause de la non-exploitation du pipe-line du Sahel et de celui de Bizerte-Radès.
Il ne s'agit là que d'un simple échantillon des lacunes et des défaillances relevées par la Cour des comptes. Mais la question qui se pose est la suivante : Qui assure le suivi des observations et autres recommandations de cette Cour ? Car sans suivi, à quoi sert tout ce travail d'investigation et de contrôle effectué par une pléiade d'experts et de spécialistes en matière de gestions des deniers publics ?