Il est vrai que nos gouvernants ont une certaine responsabilité dans ce qui se passe en Tunisie, mais il faut dire aussi que le Tunisien ne fait pas mieux. EMRHOD Consulting a rendu public un sondage édifiant sur la lecture et le rapport au livre qu'entretient le Tunisien. En marge de la foire internationale du livre, ce sondage montre à quel point les Tunisiens, hormis une certaine minorité, ne s'intéressent pas à la lecture, mais vraiment du tout. Les chiffres font peur : 75% des sondés ne possèdent pas de livres chez eux, exception faite des journaux, des livres scolaires et du Coran. 82% n'ont acheté aucun livre les 12 derniers mois. Ceci peut être dû au prix du livre en Tunisie qui reste assez cher, mais le chiffre suivant balaye cette théorie puisque 77% des Tunisiens n'ont lu aucun livre dans les 12 derniers mois.
Les chiffres sont plus que parlants. La lecture n'est clairement pas une priorité pour les Tunisiens qui préfèrent, en majorité, flâner dans les rues ou sur les réseaux sociaux. Un peuple qui ne lit pas est un peuple qui n'avance pas, qui ne se construit pas et qui ne s'améliorera pas. On est prompts, en bons Tunisiens, à donner des leçons à droite et à gauche. On a un avis sur tout et on est des experts dans tous les domaines. Tout le monde en Tunisie s'y connaît en football, en affaires sécuritaires, en lutte contre le terrorisme, en journalisme et j'en passe. Mais rares sont ceux qui savent réellement de quoi ils parlent.
Le premier argument qu'on va sortir est celui du prix supposé exorbitant des livres en Tunisie. C'est vrai que 30 dinars pour acheter un livre font mal au portefeuille. Mais ces 30 dinars ne sont rien comparés à ce que certains Tunisiens dépensent en sorties et autres distractions, préférant perdre leur temps à remplir les terrasses des cafés qui se font de plus en plus nombreux. Le prix d'un livre reste négligeable par rapport à ce qui est dépensé en sorties, en alcool ou en tabac.
En fait, nous ne lisons pas parce que nous n'avons pas cette sensibilité à la culture et à l'apprentissage. Dans d'autres pays, dans d'autres cultures, on lit beaucoup. Etrangement, plus le nombre de livres par habitant est élevé, plus ce pays est développé. Un lien qui pourrait éventuellement nous faire réfléchir…
Il ya bien eu quelques tentatives pour promouvoir la lecture en Tunisie comme celle de « Tunis lit » ou plusieurs personnes se retrouvent à l'avenue Habib Bourguiba avec des livres à la main. Mais même si c'est une initiative à saluer, il n'en reste pas moins que la lecture reste marginale et on continue à trouver inhabituel de voir une personne avec un livre dans la rue.
Dans ce sombre état des lieux, il existe quand même une petite lueur d'espoir. 28% de ceux qui ont lu au moins un livre les 12 derniers mois ont entre 18 et 25 ans. Encore une fois, les seules bonnes nouvelles dans ce pays viennent de ses jeunes. Peut-être que dans dix ou vingt ans, le peuple tunisien sera un peu plus cultivé et aura lu un peu plus de livres, grâce à ses jeunes d'aujourd'hui.