Les Tunisiens lisent peu, très peu même à tel point que des librairies ont carrément supprimé de leur vitrine les livres et n'ont gardé que les ouvrages scolaires. D'ailleurs, une enquête réalisée par Emrhod Consulting en mars 2015 sur une population de 1.500 personnes réparties sur les 24 gouvernorats du pays révèle qu'à part le Coran, 12% affirment avoir lu un autre livre durant les 12 derniers mois, 8% ne savent pas et 80% n'ont pas lu du tout. Il est clair que le temps consacré à la lecture est dérisoire pour ne pas dire tout simplement nul. Les Tunisiens n'aiment pas lire les livres et ont une sorte d'aversion pour l'écrit. Par contre, ils consacrent tout leur temps aux réseaux sociaux ou devant la télévision. Malgré les incitations à la lecture organisées il y a quelques années par le ministère de la Culture, les résultats n'ont pas été probants. C'est à se demander quel intérêt d'organiser une Foire annuelle du livre face à l'absence de lectorat. La perte de goût Selma, enseignante à la retraite, est parmi les rares personnes à aimer la lecture. Aujourd'hui grand-mère, elle a transmis le virus à ses enfants et ses petits-enfants. «Je ne peux dormir le soir qu'après avoir lu quelques pages d'un roman ou d'un magazine. C'est à l'école que j'ai eu le goût de la lecture des livres. Nos professeurs nous obligeaient non seulement à lire un livre, mais à le résumer en classe», précise-t-elle. «Entre le boulot, le ménage et les enfants, je ne trouve pas le temps pour la lecture. Epuisée après une dure journée, je préfère regarder en famille une émission à la télévision ou un film ou alors consulter Internet», explique Olfa, cadre dans une entreprise, ajoutant qu'elle incite ses enfants à la lecture en leur achetant souvent des livres autres que scolaires ou parascolaires. «Mais la tendance générale est à la paresse», souligne un libraire qui a vu ses recettes chuter ces dernières années. « Ce qui marche bien, ce sont les livres en rapport à la religion et tout ce qui est lié au paranormal. Au début de la révolution, les livres politiques ont eu un certain succès, mais maintenant, c'est le flop. Plus personne ne s'intéresse à ce genre. Il y a comme une désillusion», relève-t-il. Lecture «utilitaire» Pourtant, les ouvrages de tout acabit se vendent au prix d'un dinar sur les trottoirs de Tunis. «Rares sont les gens qui achètent. Il reste encore quelques mordus sur lesquels nous comptons», déplore un vendeur ambulant. La lecture des Tunisiens est davantage «utilitaire». Autrement dit, ils lisent pour les besoins d'une recherche : mémoire, thèse, etc. «Je recours à Internet pour mes recherches», argue Firas, un étudiant en master. D'une manière générale, la lecture suppose des prédispositions intellectuelles et matérielles dont ne disposent pas une grande partie de la population assaillie par des soucis quotidiens et affectée par un pouvoir d'achat en berne, un climat d'insécurité, etc. Tous ces facteurs rassemblés n'incitent pas à la lecture. A l'instar des salles de cinéma qui ferment, des librairies mettent la clé sous la porte ou se reconvertissent dans un autre commerce plus lucratif.