Le projet de Loi de finances 2017 a, d'ores-et-déjà, fait couler beaucoup d'encre. Les mesures prévues par le gouvernement sur la taxation sont décriées, à tort ou à raison, par plusieurs corporations. Toutefois, il est utile de s'interroger sur les moyens que met en place l'Etat pour récupérer son argent et pour traquer les mauvais payeurs. C'est dans ce cadre qu'a été instituée la police fiscale. Quel est son travail ? Quelles sont ses prérogatives ? Explication. C'est l'article 33 de la Loi de finances 2017 qui met en place la police fiscale. Cet organisme sera placé sous l'autorité de la direction générale des impôts. Elle aura un caractère judiciaire et travaillera sous la direction du procureur général de la République et des procureurs près des cours d'appel, chacun dans sa circonscription territoriale. Les agents de la police fiscale auront également le caractère juridique d'adjoint au procureur de la République.
La police fiscale sera dotée de plusieurs moyens juridiques pour accomplir sa mission. Ainsi, les agents de la police fiscale sont habilités à enquêter concernant les infractions fiscales pénales. Comme une police classique, ils doivent rédiger des rapports sur les infractions faisant l'objet d'enquêtes du procureur et procèdent à l'enquête sous les ordres du juge d'instruction en charge. Les agents pourront également collecter les dires et auditionner toute personne qu'ils jugeront utile d'auditionner. La loi précise également que le fait que l'administration procède à une révision approfondie de la situation fiscale d'une personne, n'empêche en rien l'implication de la police fiscale pour procéder à des enquêtes.
Par ailleurs, les agents de la police fiscale, à l'instar de la Garde nationale, de la police ou de la douane, seront autorisés à inspecter les marchandises transportées sur la voie publique. Ils sont également habilités à fouiller les véhicules et à demander les papiers d'identité des personnes à bord de ces véhicules et de fouiller leurs bagages.
Par rapport aux agents du fisc, il existe deux innovations importantes avec la mise en place de la police fiscale. La première consiste dans le fait que les agents de cette police sont des adjoints au procureur de la République. Un caractère habituellement réservé aux juges cantonaux, aux policiers et aux agents de la Garde nationale. La deuxième innovation, de taille, est que les procureurs de la République pourront désormais se saisir directement des infractions fiscales pénales. La saisie de la justice se faisait auparavant par les services fiscaux.
Par ces propositions, le gouvernement tente de créer une police « de choc » qui serait placée sous une autorité judiciaire directe même si, administrativement, elle dépend des services fiscaux. Il s'agit d'un pas fort que le gouvernement fait vers la lutte contre les infractions fiscales pénales. Dans le projet de loi, il est écrit que toutes ces mesures visent à apporter plus d'efficacité dans les recherches concernant les infractions fiscales pénales et dans les poursuites afférentes.
Toutefois, le projet n'est pas nouveau. La création d'une police fiscale était en gestation depuis 2014. Plusieurs ministres des Finances se sont cassé les dents sur cette réforme. L'ancien ministre, Slim Chaker, avait déclaré que cette police serait composée d'enquêteurs de très haut niveau qui s'occuperaient de fraudes sophistiquées. Des fraudes que les agents du fisc n'ont pas les moyens de combattre. Iyed Dahmani, porte-parole du gouvernement Chahed, a déclaré que cette police fiscale aura pour mission de restituer l'argent de l'Etat et qu'elle sera dotée des moyens nécessaires pour cela.
Sur le plan juridique, l'objectif semble atteint car le projet de Loi de finances dote cette police de larges moyens. Il faut dire également que l'instauration de la police fiscale était prévue en 2018. Le gouvernement de Youssef Chahed a choisi d'avancer cette réforme et de tenter de la faire appliquer dès 2017. Cela donne une idée sur l'état de nos finances publiques…
Sur un plan purement opérationnel, plusieurs questions peuvent être posées. La première concerne les effectifs et leur déploiement. On parle ainsi d'un premier contingent composé de 50 à 60 agents. Le nombre semble déjà assez restreint pour une surveillance accrue sur tout le territoire. Il serait également utile de savoir si les agents de la police fiscale seront habilités ou pas à porter des armes. Pour l'instant, le projet de loi n'en fait pas mention, mais il est légitime de se poser la question vu que les agents de la police fiscale seront habilités à contrôler les véhicules sur la voie publique.
L'instauration de la police fiscale fait partie de la batterie de mesures prévues par le gouvernement pour essayer d'endiguer l'évasion fiscale. D'après ce projet de loi, l'équipe Chahed semble déterminée à traquer l'argent public où qu'il se trouve. Il y a, cependant, un écueil de taille à la mise en place de toutes ces mesures : L'Assemblée des représentants du peuple…