Il est près de 7h du matin à la gare de Barcelone en plein Tunis. Une femme, accompagnée de sa fillette de près de 4 ans, monte dans le train en direction de Borj Cedria. Elle est fatiguée après une longue marche. Elle pose son sac à côté d'elle et sa fille est assise en face. Dans le même wagon montent un homme et une femme enceinte. L'homme, d'une carrure assez imposante, demande à la femme de se pousser, elle et sa fillette, pour qu'il puisse s'assoir avec sa femme. Le wagon était à moitié vide, alors la femme refuse de se pousser et lui demande d'aller se mettre ailleurs avec sa femme, elle lui explique qu'elle a marché pendant près d'une heure pour arriver à ce train et qu'elle est fatiguée et préfère rester assise. Ce refus déclenche immédiatement l'ire de l'homme, il lui dit en criant qu'il ne manquait plus que ça, que lui aussi est « excédé » et qu'il valait mieux qu'elle cède sa place.
La femme refuse encore et lui dis d'aller voir ailleurs, le ton monte et soudain, l'homme la gifle violemment en lui intimant l'ordre de se lever tout de suite ! Plusieurs témoins de la scène se sont alors interposés pour tenir ce mastodonte qui veut s'attaquer à cette frêle femme sous les yeux incrédules de la fillette. La femme se met alors à crier et s'insurge contre son agresseur ce qui rajoute à la colère de ce dernier. Il arrive à se dépêtrer des hommes qui tentent de le retenir et fond sur la femme pour lui asséner trois ou quatre coups de poing sur le côté du visage, toujours devant la fillette. Il lui a ensanglanté le visage. Le train était en marche depuis un certain moment. Dès qu'il s'est arrêté la femme en est sortie en titubant, juste après avoir reçu ces coups de poing au visage. Elle était sous le choc, à tel point qu'elle a oublié sa fillette dans le wagon ! Une bonne âme a pris la fillette dans ses bras et l'a rendue à sa mère voyant qu'elle l'avait laissée dans le train qui s'apprêtait à repartir.
Heureusement, le poste de police était à deux pas et d'aucuns penseraient que cette douloureuse histoire aura un juste dénouement. La femme accompagnée de témoins de la scène vont chercher les policiers en leur racontant ce qui s'est passé et en leur disant que l'agresseur était toujours dans le wagon. Les policiers arrêtent le train et trois d'entre eux montent interpeller l'agresseur. Ils lui tombent dessus et le menottent. L'agresseur, nullement intimidé, crie que personne ne peut rien contre lui et continue de menacer la femme en lui promettant qu'il n'en était qu'au début de ce qu'il allait lui faire. Les policiers le trainent vers le poste avec les menottes. C'est là que l'agresseur se tourne vers eux en leur disant : « Zamil, zamil » (ce qui veut dire : collègue). Après avoir vérifié, les policiers lui retirent les menottes, mais l'emmènent quand même au poste.
Entre temps, la femme agressée a appelé son mari et son avocat. Les deux sont arrivés, le mari était fou de rage mais il s'agit, vraisemblablement, d'un homme respectable et poli. Donc, il s'est dit que la police ferait son travail et que l'agresseur a déjà été arrêté. L'avocat est entré dans la salle où les policiers étaient en train d'interroger leur collègue, qui s'est avéré être de la Garde nationale. Les présents ont entendu les envolées de l'avocat et même des cris. Quelques témoins étaient restés sur place, pensant être entendus à leur tour et il y avait la femme agressée, son mari, sa fillette et la femme enceinte de l'agresseur.
Quelques minutes plus tard, une ambulance arrive et se gare devant une autre porte du poste de police. Un des présents, qui s'en est aperçu, s'est dit que les policiers ont appelé les secours pour soigner le visage, encore en sang, de la femme agressée. Mais il n'en fût rien. L'ambulance a emporté la femme enceinte et l'agresseur de la Garde nationale ! L'avocat est ressorti en promettant qu'il allait poursuivre cette personne et les policiers ont dit qu'il fallait se calmer et réfléchir à tout ça en questionnant : Est-ce que ça vaut vraiment le coup de poursuivre en justice un membre des forces armées…
Voilà l'histoire. Une femme qui n'a rien demandé à personne se fait casser la gueule en toute impunité. Les témoins de l'agression qui sont allés au poste avaient la haine et ruminaient ce sentiment d'injustice flagrante et si criante. Et tout cela s'est passé devant les yeux d'une fillette de près de quatre ans qui a vu sa mère se faire battre.
Maintenant, prenez ce monde-là et parlez-leur de « l'héroïsme » de Mohamed Zouari, de Tunisia 2020, de la Loi de finances 2017, des accords entre Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi ou encore de prestige de l'Etat. Ils ne vous écouteront pas, ils n'en auront rien à faire et pourraient même vous cracher dessus. Eux, leur souci, c'est de nourrir leurs gosses, de pouvoir monter tranquillement dans un train et d'éviter, si possible, de se faire casser le visage en toute impunité par un flic. Si possible. Aujourd'hui, le Tribunal cantonal de Tunis a examiné l'affaire. Il a été décidé d'arrêter l'agent de la Garde nationale et de l'incarcérer.