L'investiture de Donald Trump, 45ème président élu des Etats-Unis d'Amérique, n'avait rien de festif hier. Autant dans la foule timide venue l'acclamer lors de la traditionnelle parade militaire entre le Capitole et la Maison Blanche, que dans son discours d'investiture, bref mais puissant de messages. Cette scène ressemble tristement à celle vécue dans la nuit du 8 novembre. Nous étions plusieurs journalistes à attendre l'annonce du résultat du scrutin présidentiel, devant l'hôtel Hilton Midtown de Manhattan, où le président élu avait décidé de fêter sa victoire. A peine quelques dizaines de personnes étaient au rendez-vous pour célébrer. La tension était palpable, on pouvait sentir qu'une bagarre pouvait éclater à tout moment, et les messages de haine avaient laissé place aux expressions de joie et de satisfaction.
Même chose lors du discours présidentiel du nouveau président. Donald Trump prononce non pas un discours de président élu mais de celui de futur président en campagne. Un dénigrement de l'establishment politique et des références au « carnage américain », une véritable rupture avec le passé. Mais est-ce pour autant dans le bon sens ? Donald Trump est-il, un « briseur de normes » comme le qualifie le Wall Street Journal ou un « populiste » invétéré, comme le laisse penser le New York Times ?
« La cérémonie d'aujourd'hui a toutefois un sens très particulier, car il ne s'agit pas seulement de transférer le pouvoir d'une administration à une autre ou d'un parti à un autre. Nous déplaçons le pouvoir de Washington pour vous le rendre à vous, le peuple des Etats-Unis », a déclaré Trump dans son discours d'investiture. Et pourtant, si tous ceux qui ont voté pour le loufoque Trump espéraient une totale rupture avec l'establishment politique et une montée en force du regain d'intérêt pour le peuple, ils vont certainement être déçus à bien des égards. Dans ce discours, nombreux ont été ceux qui ont cru que le président élu se servirait de ce moment historique pour calmer les esprits et appeler à l'union. Et pourtant, cela n'a pas du tout été le cas. Loin de là. Donald Trump s'est adressé, dans son discours, non pas aux citoyens américains réunis, mais uniquement à ceux qui ont voté pour lui ainsi qu'à ses détracteurs et adversaires politiques. Il a, tout simplement, profité de son auditoire pour jeter le feu aux poudres. C'est une Amérique dans laquelle « des mères et des enfants sont piégés par la pauvreté dans [les] villes, [les] usines rouillées sont en décrépitude partout au pays, [le] système éducatif manque d'argent, ce qui empêche les élèves et les étudiants d'accéder au savoir, et la criminalité, les gangs et la drogue ont pris trop de vies et privé [le] pays de son immense potentiel » qu'il dépeint, jetant tout le discrédit sur les politiques qui l'ont précédé. Comment se fait-il alors qu'Obama, qu'il dénigre si fortement aujourd'hui, s'en sort avec une cote de popularité à faire pâlir d'envie le plus populaire des politiques ?
« Pouvez-vous croire que Donald Trump est désormais devenu notre président ? », je n'oublierai jamais cette phrase prononcée par une avocate-conductrice d'Uber lors de ma dernière nuit à Manhattan. Pendant cette journée de gueule de bois électorale où les Américains, du moins ceux qui n'ont pas voté pour Trump, ont finalement découvert qu'un milliardaire excentrique, vulgaire, raciste, sexiste et véritable outsider pouvait accéder à la Maison Blanche.
Une chose est sure, cette présidence sera très différente de toutes celles qui l'ont précédé. Trump qui veut faire table rase de tout ce qui a fait, jusqu'à présent, la politique américaine, qui veut tourner le dos au monde et se concentrer sur « l'essentiel, l'intérêt du citoyen américain », enthousiasme ses partisans. Après Obama, monstre de communication pour les uns, pas assez costaud pour la tâche pour les autres, place au tourbillon Trump. Celui qui promet de se libérer du blabla politique, promet moins de parlote et plus d'action. Du changement, il y en aura sans aucun doute. Mais du changement dans quel sens ? Tout ce qui nous reste à faire c'est « to wait and see » [ndlr : attendre et voir]. Ce qui est certain, c'est qu'« à partir d'aujourd'hui, ce sera uniquement les Etats-Unis d'abord ».